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Billet de blog 23 mars 2012

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Mon stage chez les "Désobéissants"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un stage des désobéissants s’est tenu les 10 et 11 mars 2012 à La Chapelle à Toulouse. Comment organiser des manifs, réagir au conflit, préparer des luttes ? Jeux de rôles, théâtre forum, débat interactif, le rythme est soutenu lors de ces stages à vocation non-violente. Deux participants nous racontent leur week-end.

« Je suis de celles et ceux qui se sentent concernés au quotidien, pas uniquement à certaines dates posées par le calendrier électoral et le fait est que la «  fabrique du consentement »et la dépolitisation qui en découle deviennent des obstacles conséquents. La problématique devient alors assez simple : comment interpeller/réveiller l’opinion publique sur les injustices, les aberrations du système ?

Comme ça fait longtemps que je me questionne sur les moyens de se faire entendre, je me suis vite trouvé face à un dilemme : rester "dans les clous", au risque de passer pour un énième gentil réfractaire qui n’a rien compris à rien, ou m’engager dans des actions nettement moins politiquement correctes ? En gros : la pétition ou la révolution ? Ça semble un peu basique comme approche, mais c’est comme si tout était fait pour nous restreindre à ces seuls choix. Et c’est là que je repense à Bové, la « Conf’ » paysanne et le démontage du McDo de Millau en 1999 pour protester contre l’introduction en France de bœuf aux hormones. On a alors parlé de désobéissance civique, concept repris depuis par les faucheurs d’OGM.

Après quelques recherches, j’en viens à trouver le site internet d’un groupe créé en 2006, les Désobéissants. Ok, donc on y a des bouquins, un manuel de la désobéissance, du matériel de com’ etc. Soit. Mais encore... ?
Et bien, tout simplement des... stages de formation ! Un petit tour sur l’agenda des "déso", et « Hop ! » me voilà en contact avec le collectif Toulousain Nous sommes, qui s’est constitué à l’occasion des élections d’avril 2012 pour mener des actions de réflexion sur l’outil électoral et a contacté les « déso » pour organiser un stage.

Celui-ci se déroule dans un lieu bien connu à Toulouse, La Chapelle, une église abandonnée et investie depuis de nombreuses années par des personnes désireuses de faire vivre la culture populaire, dans les limites décidées par elles-mêmes, en autogestion. Le formateur des déso, Romain, vient de Paris ; en quelques mots il nous explique la nécessité rencontrée un peu partout par les militants de pouvoir être efficaces, cohérents, conscients.
Comme public, une quarantaine de personnes, tout de même ; tous largement engagés, sinon sur le terrain, du moins dans les idées. Les démarches personnelles qui ont amené à se rassembler les « stagiaires » sont donc variées, de la simple curiosité pour quelques-uns à la volonté affichée de venir s’informer sur les meilleurs moyens de mener une lutte, les personnes présentes viennent d’horizons divers : psychologue, comédienne, musicien, machiniste cinéma, intérimaire BTP, éduc, ingénieur en informatique, qu’ils soient « actifs » ou demandeurs d’emploi, militants pour le respect du droit au logement, de la cause animale, de la remise en question globale du système actuel, de la convergence des luttes -et on en oublie forcément- tout un chacun, venu de Pau ou de Bordeaux comme de Toulouse, a en commun une volonté de faire bouger les choses, de «  secouer les puces » du public, des institutions, bref, d’interpeller la conscience civique.
Et les moyens sont nombreux, comme Romain va s’employer à nous le faire découvrir pendant ces deux jours.

Principalement axé sur de la mise en situation physique, ça fait du bien de réfléchir en groupe autrement qu’assis autour d’une table : jeux de rôles, théâtre forum, débat interactif, le rythme est soutenu ! A tel point que j’en suis sorti sur les rotules et qu’il a été très difficile de communiquer pour faire connaissance. Bon, en même temps, ce n’est pas trop grave, après, on aura tout le temps et d’une certaine façon on est tous un petit peu frangins, c’est comme si on se connaissait déjà et ça se sent aux regards de connivence, aux sourires entendus, à l’écoute mutuelle qui a été de mise pendant deux jours.

Au final, voilà un bon moyen de repartir gonflé à bloc, le découragement n’étant pas la moindre des raisons à la dépolitisation ambiante. Pas de mystère : la lutte, ça ne se fait pas tout seul. »

 Elliaz

« Après être arrivés les premiers (YES !) à 9h00, pas très réveillés faut le dire, pour un samedi matin, nous poussons la porte du squat La Chapelle. C’était très calme jusqu’à ce que je comprenne que nous nous étions levés trop tôt ! C’était 10 h pour les stagiaires... Franche rigolade, comme d’habitude, je suis un peu à l’ouest. Bon ben avec mon pote direction petit troquet pour avaler un café à Arnaud B !! La Chapelle n’était plus déserte à 10h15 mais remplie de manière disparate d’inconnu-e-s, par grappes comme du raisin. Après le second café et une tite brioche (miam), nous faisons connaissance en rond avec comme consigne : Donner son prénom et dire une chose que nous aimions. C’était pas super évident au départ pour tout le monde mais ça a commencé par « j’aime les bulles » d’une participante par enchainer par « j’aime le jazz », « j’aime le chocolat » , «  j’aime découvrir des expériences alternatives  » etc. Cette dernière affirmation était très drôle par son côté naïf tout comme « j’aime la luge » ou encore « j’aime untel ». C’est à partir de là que l’ambiance a changé, je ne me sentais plus comme une personne lambda mais une personne appartenant à quelque chose. Un lien commençait à se former entre nous. 

Quelques instants plus tard je me sentais seule très seule sur mon positionnement physique face à la description d’une situation. Jusqu’où peut-on aller en tant que désobéisseuse ? Que veut dire concrètement ce terme suivant chaque situation ? Ferait ? Ferait pas ? Violente ? Pas Violente ? Je me sentais comme une pétale de marguerite tiraillée : un peu violente, beaucoup, passionnément, pas du tout ... Eh bien cela nous a amené à pas mal de discussions autour de cette question. Ma conclusion est qu’il n’y a pas de définition propre a la désobéissance civile. C’est plus une histoire jusqu’où moi je veux aller dans mon acte de résistance.

Puis après une pause gustative de type auberge espagnole, nous nous sommes attaqués au vif du sujet : l’action en elle-même. J’ai beaucoup aimé le fait de simuler une situation. Ne dit-on pas souvent que pour comprendre une situation il faut la vivre ? Et bien là bingo c’est parti, Manifestants faucheurs d’OGM VS les forces de l’ordre défendant le champ. N’empêche, ce n’est pas si évident, comment je fais moi, là, je suis en face des CRS je veux passer et ce de manière non violente. Je discute ? Je parlemente avec le chef « adversaire » ? Je l’interpelle sur les conséquences sur notre santé, sur sa santé, par rapport aux autres espèces menacées ? Je lui fais un beau sourire avec mon nez de clown ? Je chante un refrain « bon enfant » ? Je cherche une brèche tout en me rapprochant et je fonce avec les autres dedans pour accéder au champ ?

Foncer, y’a que ça de vrai je vous le dis ! Et c’est d’autant plus «  drôle » quand je passe du coté des CRS, eh oui c est mon tour … eh bien je vous le dis : c’était fun !! Bah oui je n’avais qu’une chose à me préoccuper, après avoir entendu les sommations de mon chef : foncer récupérer le ou la leaders, empêcher les manifestants de passer. La méthode de non violence ne s’applique pas dans ce cas sauf quand même s’il y a des caméras, le faire en douce. Être soldat qu’on se le dise c’est un métier d’avenir ! Ne pas réfléchir … oui mais quand même, ce sont nos idées qui nous définissent, ne pensez-vous pas ? Les actions ne sont qu’un outil... Mon cœur balance juste un micro milliardième de secondes, je vous rassure.

Et c’est parti pour l’apprentissage des techniques de défense non violentes quand les forces de l’ordre veulent vous évacuer d’un lieu. Je vous présente, Mesdames et Messieurs la méthode du Marshmallow (de la Guimauve) : la technique est simple, être à terre et détendre ces muscles. Du coup je glisse des mains du faux CRS, je tourne, je rampe et je m’accroche a un autre manifestant dans la même situation. C’est juste une expérience à vivre, effet 100%garanti ! 

Ensuite, à plusieurs, il y a la méthode de la tortue. Ingrédients : prenez 4 à 5 manifestants, faites les s’asseoir à terre, puis qu’ils entrelacent leur jambe droite sur la jambe gauche de leur camarade, idem pour les mains. Le tout donne : une grosse araignée coincée dans ses fils dont il était très difficile de nous démailloter ! Ah ça on a tenu plusieurs minutes !!! Et ce, malgré le coach personnel des faux CRS !!! Et c’était ça le but : retarder une évacuation et surtout ne pas se faire évacuer seule, cela évite les embêtements en cas d’arrestation. 
Et plus sérieusement … Avant la mise en situation réelle d’une occupation d’un lieu, cela demande une sacré organisation derrière. On a donc expérimenté en petits groupes, et la restitution a permis de voir la photo en entier !! Désobéir demande d’être réactif dans l’action mais surtout d’être carré et parer a toutes les situations possibles !!

Je ressors donc de ce stage satisfaite de l’expérience vécue. Il permet de proposer une première approche d’organisation adaptable pour n’importe quelle action. Et c’est aussi l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes qui s’interrogent sur ce monde qui ne tourne décidément pas rond. La suite logique de cette formation est de bien réfléchir au pourquoi nous faisons une action. Et quels objectifs voulons-nous atteindre. Il existe de multiples façons de s’engager dans le changement, je connaissais déjà ce pan de résistance et c’est à chacun-e d’entre nous de décider quelle direction prendre dans son engagement, qu’elle soit un acte de résistance et/ou de création...
" Mourrir pour des idées d’accoooooord , mais d’une mort lente " !!!! »

Natacha

La désobéissance civile en 6 points :

1. c’est un acte personnel et responsable : il faut connaître les risques encourus et ne pas se soustraire aux sanctions judiciaires
2. c’est un acte désintéressé : on désobéit à une loi contraire à l’intérêt général, non par profit personnel
3. c’est un acte de résistance collective : on mobilise dans l’optique d’un projet collectif plus large
4. c’est un acte non violent : on a pour but de convertir à la fois l’opinion et l’adversaire, non de provoquer une répression ou une réponse armée ; toute attaque aux biens ne peut avoir qu’une dimension symbolique
5. c’est un acte transparent : on agit à visage découvert
6. c’est un acte ultime : on désobéit après avoir épuisé les recours du dialogue et les actions légales
Cette définition est récente dans la longue histoire de la désobéissance. Ses prémisces sont posés par des personnages connus, on cite souvent E. de la Boétie et son Discours de la servitude volontaire (1549), H. D. Thoreau, qui publia Résistance au gouvernement civil (1849). Martin Luther King et Gandhi y trouvèrent une certaine inspiration. Plus près de nous, en 2004, J. Bové et G. Luneau publient Pour la désobéissance civique, autour des actions anti-OGM notamment.

Source : Pour la désobéissance civique, José Bové et Gilles Luneau

Collectif Les désobéissants:http://www.desobeir.net/
Collectif Toulousain Nous sommes : http://nous-sommes.net
La Chapelle : http://www.atelierideal.lautre.net/
Reportage France 3 : http://midi-pyrenees.france3.fr/inf...

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