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Billet de blog 25 janvier 2012

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Sète/Bordeaux : deux ports, deux histoires de migrations

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Un port est le carrefour des migrations par excellence. Au fil du temps, les marchandises et les passagers qui y transitent sont le reflet de la vie économique et sociale de la région. Exemples des deux villes aux extrémités du Canal, aux destins différents d’ouverture sur la Méditerranée pour l’une, et l’Atlantique pour l’autre. Histoire croisée.

 par Nicolas Séné et Thomas Couderette sur www.frituremag.info

A Sète, le port reste le poumon économique de la ville se classant onzième des ports du pays et premier pour la pêche française en Méditerranée. Son histoire est le reflet de la vie économique et sociale de la région Languedoc-Roussillon. « L’île singulière » de Paul Valéry a connu un bouleversement en 1986 : la décision de Mobil Oil de fermer sa raffinerie de Frontignan causera l’arrêt total des importations de pétrole brut. « Cette fermeture est assurément le fait économique majeur » de cette décennie, nous apprend Jean Sagnes dans son « Histoire de Sète » (Editions Privat). Les importations de vins d’Italie, d’Espagne et de Grèce sont alors en net recul entraînant une baisse de l’activité portuaire malgré la progression des bois et charbons.

Fin 1980, les conteneurs font leur apparition et les croisières se démocratisent répondant aux exigences de la société de consommation. Sète n’échappe pas à la règle devenant « un port de voyageurs et de marchandises conteneurisées ». Des lignes régulières pour les passagers existent déjà pour le Maroc, l’Algérie et les Baléares mais, avec les croisières, un record sera atteint en 1985 avec un total de 126 643 passagers. En 1982, les étrangers vivant à Sète sont en majorité Espagnols et Italiens ayant développé une « émigration par voisinage et cousinage », les autres viennent du Maghreb. Cette année-là, les ouvriers sont majoritaires (33%) et les employés passent de 28 à 31% ; les cadres moyens de 6 à 15% ; les cadres supérieurs de 4 à 8 % : « cette évolution s’explique par le recul récent des activités industrielles et l’essor du commerce et des services tandis que la pêche témoigne d’une stabilité remarquable. » Toujours en 1982, le chômage atteint 17% de la population active !

Pêche versus conteneurs

Pour répondre aux nouvelles exigences commerciales, le port de Sète s’est modernisé proposant des infrastructures adaptées. Dans le même temps, la pêche au chalut a entamé ses années noires. Les tonnes de poissons débarquées se réduisent et les petits patrons font face à une crise sans précédent avec la disparition d’une dizaine de chaluts en quatre ans. La hausse du prix du gasoil réduisant fortement les marges, les matelots ont commencé à fuir l’activité quand leurs revenus ont atteints, pour certains, une dizaine d’euros pour des semaines de 75 heures de travail. Les pêcheurs se recyclent donc en passant les brevets qui leur permettront de prendre le commandement de petites unités commerciales plus adaptées à la demande. Le port de marchandises et de passagers a été réorganisé : la région Languedoc-Roussillon a repris les rênes le 1er janvier 2007, Sète restant un point stratégique dans le commerce maritime et un catalyseur d’emplois pour la région. Avec ses 3,4 millions de tonnes de marchandises en 2010, le trafic est en hausse de 16% par rapport à 2009. Ce n’est qu’un début : d’ici 2015, un nouveau terminal à conteneurs verra le jour pour recevoir 200 000 EVP (équivalent vingt pieds) en 2019 contre 20 000 EVP aujourd’hui. La conteneurisation a encore de beaux jours devant elle pour amener toujours plus de produits formatés.

Touristes versus immigrés

Pour les passagers, si des lignes régulières existent toujours avec le Maghreb, l’Afrique de l’Est et les principaux ports méditerranéens, ils n’échappent pas à la massification des flux. Sète accueille plusieurs dizaines d’escales de croisières par an sur son « home-port ». Le touriste fortuné a petit à petit remplacé la main d’oeuvre venue des pays pauvres. Et dans la ville, les même schémas se répètent. Ainsi, une étude menée sur les discriminations dans l’accès au logement social a démontré que « les systèmes d’exclusion des populations d’origine italienne au début du siècle se reproduisaient, notamment pour les populations d’origine maghrébine ». Lors de la Rencontre régionale de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration qui s’est tenue le 5 novembre 2010, il est rappelé que dans les années 1970 « l’immigration de travail est officiellement suspendue, mais les arrivées d’immigrants se poursuivent, notamment au travers du regroupement familial ». Les Italiens et les Espagnols qui ont depuis été assimilés laissent la place aux Marocains et aux Algériens qui, en tant qu’immigrés post-coloniaux, rencontrent des formes de discriminations ethno-raciales dans leur recherche d’emploi, « remettant ainsi en cause le modèle français d’intégration », concluent les auteurs. Si un port ouvre sur le monde, il ne le fait pas forcément accepter tel qu’il est.

L'intégralité de l'article ici : http://www.frituremag.info/Actualites/Sete-Bordeaux-deux-ports-deux.html

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