
L’AERA est engagée depuis le début des années 90 dans la recherche, la communication et le débat public transdisciplinaire autour des problématiques de l’architecture, de l’habitat et de la ville. Elle fonde en 1994 la revue et les éditions Poïésis, puis en 2000 à Toulouse, le Centre Méridional de l’Architecture et de la Ville dédié à la participation de tous au développement de la ville. C’est au début des années 2000 que l’association s’engage dans des expériences innovantes dans le domaine des politiques de la ville puis en 2003 dans l’habitat coopératif.
Par Stéphane Gruet sur www.frituremag.info
Avec l’appui de l’Etat et des fondations de France et Abbé Pierre, l’AERA engage en 2004-2005 un « programme de recherche expérimentation sur l’habitat coopératif à vocation sociale et participative ». Ce programme est à l’origine de la programmation d’une douzaine d’opérations dans le sud de la France (Ardèche, région Toulousaine, Bayonne) dont six aujourd’hui sont en cours de réalisation et deux autres, lancées cette année à Pau et Bordeaux.
« L’habitat groupé participatif » est une forme d’habitat intermédiaire entre individuel et collectif, né de l’engagement préalable et de la coopération des futurs habitants aux divers stades de sa production et de sa gestion.
Ce principe suppose que les habitants soient réunis en amont de l’opération et participent à sa programmation, à son financement, voire, dans une moindre mesure à sa conception et à sa construction.
Il place ainsi les hommes au commencement de l’architecture et non à la fin.
Un tel projet participatif permet que la « construction sociale » (la construction de relations durables entre des personnes) et « construction spatiale » se déploient et évoluent ensemble. Il permet ainsi une conception adaptée à tous et à chaque famille selon ses attentes, ainsi que la mutualisation au choix d’espaces et de services.
« L’habitat groupé participatif » est une solution aujourd’hui pour les familles qui aspirent à un habitat choisi, durablement approprié, et qui ne veulent ou ne peuvent accéder une maison individuelle isolée.
L’habitat groupé participatif ou coopératif concilie les deux aspirations majeures des familles d’aujourd’hui, d’une part l’aspiration à l’individualité de l’habitat familial, et d’autre part l’aspiration à la vie sociale.
Il concilie les vertus de la vie familiale avec les vertus de la vie communautaire.
Ce principe de « circuit court », parce qu’il implique les habitants en amont du processus de production de leur habitat, permet, outre une meilleure réponse à leurs attentes, de réaliser des logements à des prix plus abordables en évitant dans une large mesure les intermédiaires et les profits spéculatifs.
Il permet surtout de tirer tous les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux d’une coopération et d’une mutualisation librement choisie.
C’est une alternative aux produits immobiliers standards proposés sur le marché, qui répondent à une rationalité de production et de commercialisation, faisant du logement un produit financier spéculatif, un bien de consommation comme un autre, voire un service social (HLM), mais non un habitat conçu pour vivre ensemble.

L’habitat groupé participatif ou coopératif permet une mixité et une densité intelligente dans l’habitat — mixité et densité négociées, adaptées, et consenties par les futurs habitants. Il en résulte une qualité d’habitat pluriel et « communautaire » et par conséquent une véritable urbanité propice à l’épanouissement de tous.
Cet habitat, ainsi approprié par les habitants, favorise leur investissement durable dans le quartier où il s’inscrit et contribue à sa valorisation tant sociale qu’immobilière. En cela, il participe d’un « développement urbain durable », et pour les quartiers dévalorisés, d’un véritable « renouvellement urbain ».
Au travers de l’habitat groupé participatif ou coopératif, c’est bien la ville, « née de l’association des hommes » (1), qu’il s’agit de re-faire ensemble.
Il s’agit de faire la ville autrement en y impliquant les habitants au travers de leur projet d’habitat, afin que construisant ensemble, ils se construisent comme société, et comme véritable « communauté urbaine ».
« Faire ville » doit être entendu alors comme « faire société », former une commune ou une communauté librement choisie, patiemment construite, ensemble, chacun selon ses aspirations.
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
L’habitat participatif ou coopératif est le seul habitat qui soit en mesure de répondre aujourd’hui au défi et à l’urgence d’un véritable « développement durable » puisqu’il allie les dimensions sociales, économiques et environnementales en impliquant les habitants dans une gouvernance solidaire et responsable sur l’ensemble de ces plans.
Social : en remettant les habitants à l’origine des projets d’habitat, et en les impliquant dans le processus de programmation, ils travaillent ensemble et chacun à sa place à élaborer une organisation socio-spatiale négociée (avec leurs logements respectifs et les espaces qu’ils partagent), avant sa construction architecturale.
Leur engagement dans la programmation de leur projet d’habitat groupé constitue un pacte social local, facteur d’appropriation partagée, de cohésion sociale et de solidarité de voisinage. C’est ainsi en construisant ensemble qu’ils se construisent comme société. Communauté choisie et construite. Cette construction sociale, si elle permet le renouvellement de ses membres, est durable par l’investissement et la responsabilité partagée à l’égard de l’œuvre commune. Elle contribue donc au développement social durable, de cet ensemble d’habitat et par extension du quartier et de la ville environnante.
Economique : l’habitat groupé participatif ou coopératif permet, outre des économies sur les intermédiaires et les marges spéculatives du marché immobilier, un ensemble d’économies sur le « coût global » de l’habitat. En investissement, sur le foncier, le financement, la construction ; et en fonctionnement, par les espaces et les services partagés, la régulation des consommations et enfin sur les fatigues de la vie quotidienne.

Projet d'habitat participatif dans le futur quartier de la Cartoucherie à Toulouse
Environnemental : Au-delà des bénéfices écologiques de toute mutualisation des infrastructures, des biens et des services, au-delà des investissements sur le plan des études et des choix techniques pour de meilleures performances environnementales, la programmation participative et la gestion coopérative de l’eau et de l’énergie, permet le développement de comportements économiques et écologiques solidairement responsables. Cette part liée aux comportements des habitants représente un potentiel important de réduction de consommation énergétique et de l’empreinte écologique.
Ce mode d’accès à l’habitat multiplie ainsi les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux, contribuant à une meilleure qualité de vie pour tous et pour chacun, à l’échelle de l’habitat comme de la ville.
ENJEUX DE POLITIQUE PUBLIQUE
L’habitat groupé participatif est l’outil privilégié d’une politique de renouvellement urbain et de développement durable privilégiant l’engagement des citoyens dans la cité.Il permet :
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