Friture Mag publiera mi-juin un numéro spécial de 80 pages consacré entièrement au Canal du Midi et aux voies d’eau du Grand Sud. Dans ce cadre, nous lançons ici un forum dédié à nos lecteurs pour évoquer l’état et l’avenir de l’ouvrage conçu par Riquet. Maladie des platanes (lire ICI et ICI), gestion de l’eau et des ports, tourisme, batailles public/privé, relance du fret (lire ICI)... les thématiques sont nombreuses (lire ICI).
Emparez-vous en, proposez, discutez, critiquez... Ces pages vous sont ouvertes !
C'est ici : http://www.frituremag.info/Forum-special-Canal-du-Midi-37/Forum-special-Canal-du-Midi.html

Canal : qui fait quoi ?
Qui s’occupe du Canal ? Avec l’apparition du chancre coloré jusque dans les médias, on a pu lire ou entendre tout et n’importe quoi, de l’abandon de l’ouvrage par l’Etat à sa vente à la découpe au secteur privé, comme un immeuble des beaux quartiers. Pourtant, si sa gestion par la puissance publique a connu des évolutions, on ne peut pas vraiment parler de bouleversement.
Par Philippe Bertrand
Illustrations Herbot
Pendant la plus grande partie du XXe siècle, le Canal des Deux-Mers, comme la majeure partie du réseau navigable français, a été géré comme l’est le rail aujourd’hui. L’Etat, par le biais des services de la navigation, propriétaire du domaine public fluvial, avait en charge la gestion des infrastructures, comme Réseau Ferré de France a celle des rails et du domaine public ferroviaire aujourd’hui. L’Office national de la navigation (ONN), créé en 1912 était en charge de la gestion commerciale de la voie d’eau, à l’instar de la SNCF pour le rail. « On avait peu de contacts avec les services de la navigation, raconte Jacques Noisette, qui a commencé sa carrière à l’ONN et aujourd’hui est chargé de communication de VNF à Toulouse. Leurs moyens étaient en perpétuelle diminution », faute de volonté politique. Pendant longtemps, le réseau a plutôt été délaissé. Les derniers grands travaux, sur le Rhône, ont été achevés dans les années 1980 et les projets sont au point mort.
Sous l’impulsion du Premier ministre Michel Rocard, l’Etat crée en 1991 Voies Navigables de France (VNF), avec pour missions l’entretien, la gestion et la valorisation du réseau. Les quelques 450 salariés de l’ONN deviennent VNF, renforcé par la mise à disposition des 4400 agents des services de la navigation. Depuis janvier dernier VNF est devenu établissement public administratif (EPA), avec intégration des agents des services de la navigation, à l’image de ceux des DDE qui sont passés sous le giron des conseils généraux.

Des moyens en augmentation
L’ambition est de redonner un coup de fouet aux activités sur la voie d’eau, notamment le transport fluvial à grand gabarit, beaucoup moins développé en France qu’en Allemagne ou aux Pays-Bas. On commence à ressortir des projets d’ « autoroutes » de la voie d’eau, comme Seine-Nord Europe, qui n’ont pas encore abouti. Mais le réseau comprend aussi des canaux au gabarit plus faible, et le choix est fait d’y développer d’autres activités, comme le tourisme fluvial, qui attire déjà beaucoup d’Allemands ou de Britanniques. Le classement par l’Unesco met un coup de projecteur sur le Canal du Midi et l’été, on commence à se bousculer à certaines écluses.
Pour mener à bien ses missions, l’Etat dote VNF de ressources propres, dont la toute nouvelle taxe hydraulique, versée par tous ceux qui prennent ou rejettent de l’eau dans le Canal, avec une exonération substantielle pour les agriculteurs. Autres sources de financement, les péages que payent les propriétaires de bateaux qui naviguent, la taxe acquittée par ceux qui vivent sur des bateaux-logements et diverses autres redevances.
VNF aurait les moyens de ses ambitions. « Depuis une décennie, il n’y a jamais eu autant d’argent, explique Roland Bonnet, responsable du développement de la voie d’eau à la Direction régionale. Cela a permis de mécaniser les écluses, toutes celles sur le canal latéral sont automatiques, et de travailler sur les parties critiques et les berges dangereuses. »
Des crédits en augmentation, en ces périodes de restrictions budgétaires ? « Cela contredit complètement ce qu’on peut entendre, quand on dit que VNF se désintéresse de l’ouvrage, rappelle Jacques Noisette. Pour 2012, le budget total était de plus de 16,5 M€, avec seulement 3 M€ de recettes. »
Des collectivités sollicitées
Cependant, tout n’est pas rose. Sans l’aide des collectivités, VNF aurait plus de mal. Figurant auparavant dans les contrats de plan Etat-Régions, l’intervention financière de ces dernières s’opère maintenant dans le cadre d’une charte interrégionale, signée en 2009 entre l’Etat, VNF et les Régions Aquitaine et Midi-Pyrénées. « La loi de 2004 autorisait le transfert des voies navigables aux Régions, rappelle Dominique Salomon, vice-présidente en charge du dossier à la Région Midi-Pyrénées. Mais leur entretien représentant un coût très important, les Régions n’ont pas souhaité se doter de cette nouvelle compétence. » Partenaires, ces institutions financent aussi bien des travaux, comme la réfection du pont-canal d’Agen, que de l’animation ou des actions environnementales. Le conseil régional de Languedoc-Roussillon, qui n’a pas signé cette charte, s’intéresse néanmoins au développement de l’activité et finance au cas par cas.
Les conseils généraux s’intéressent aussi au développement du canal. Depuis la fin des années 90, ils investissent, avec le soutien des autres partenaires dans les voies vertes, l’aménagement des chemins de halage permettant de relier à vélo Bordeaux à Sète. Si les collectivités sont responsables des aménagements, le chemin reste la propriété de l’Etat.
Des intérêts variés
Riquet ayant acheté des terrains riverains lors du creusement de l’ouvrage, l’évolution et le développement des villes ont entraîné des situations particulières quant à la gestion du domaine public fluvial. A Toulouse par exemple, celui-ci va de façade à façade, et comprend trottoirs et boulevards adjacents. Aussi, une convention avec VNF en confie la gestion et l’entretien à la commune, mais Toulouse ne s’occupe pas que de nettoyage. Même si pour cause de tramway Garonne, les abords du canal ont été oubliés dans les projets de transformation urbaine de Busquet et consorts, la Mairie s’intéresse au canal : Le maire, Pierre Cohen, a longtemps été président de l’association des communes riveraines et c’est la Ville de Toulouse qui a le port Saint-Sauveur en régie. Mais cela pourrait changer : jusqu’en 2010, la gestion des ports était concédée de gré à gré et un certain nombre de villes s’en chargeait. Aujourd’hui, VNF a obligation de lancer une consultation pour le renouvellement des concessions, à laquelle peuvent participer aussi bien les collectivités que des entreprises privées. Ainsi, la CEPP, filiale jusqu’à l’année dernière de Véolia et toujours domiciliée dans ses murs, gère-t-elle maintenant quelques ports, dont Capestang, Montauban et Moissac. Alors que les concessionnaires sont tenus de financer les investissements sans en être propriétaires et que l’exploitation d’un port ne rapporte pas grand-chose, on peut se demander si ce n’est que l’attrait de la plaisance qui motive l’arrivée d’entreprises privées dans ce secteur d’activités. Le dossier des platanes pourraient leur donner l’occasion de mettre leur « patte » sur la gestion des quais, ports et berges. Le débat ne fait que commencer.