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Billet de blog 25 juillet 2011

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Chasse au C02 : tous les moyens sont-ils bons ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

par Alain Pitton sur www.frituremag.info

Nous émettons beaucoup de gaz à effet de serre dont le rôle dans la crise climatique en cours n’est plus vraiment à démontrer. Le principal, par les quantités produites, est le dioxyde de carbone (CO2), qui est aussi le second responsable du dérèglement climatique après la vapeur d’eau et devant le méthane. Nous le produisons en respirant, en nous logeant mais, et surtout, en nous déplaçant et en transportant toutes les biens dont nous avons besoin. Il ne faut pas non plus oublier celui produit par l’industrie et par l’agriculture : brûlage de forêts pour en faire des prairies pour le bétail ou des cultures comme le soja ou les palmiers à huile. Bref, nous dégageons trop de CO2 pour que les puits naturels de carbone (forêts, océans, prairies) puissent l’absorber. A tel point que la concentration de ce gaz dans l’atmosphère est passé de 283 ppmv (parties pour million en volume) en 1839 à 386 ppmv en 2009 soit une « modeste » augmentation de 36,2 %.

Petit tour d’horizon des solutions envisagées, actuelles et peut-être dans un futur proche

Suite à ce constat, l’idée est venue de le capter et de séquestrer le CO2 de manière définitive, du moins à notre échelle de temps. Les propositions sont multiples : de l’injection au fond des mers au stockage géologique en passant par la captation dans des matériaux plus ou moins exotiques, comme le téréphtalate de chrome. La première solution est estimée trop risquée : elle créerait des zones mortes au fond des océans. La troisième coûterait trop cher vu les quantités émises et le prix de ces matériaux. Reste la deuxième : la séquestration. Le but est d’enfermer le gaz dans des réservoirs géologiques, comme d’anciens gisements de pétrole ou de gaz naturel (Lacq), des aquifères salins (Norvège), ou bien par transformation du dioxyde de carbone en carbonates ’1) dans des roches basaltiques (Islande).

Des études annexes portent sur les conséquences sur les roches, les failles et la nécessité d’une couche imperméable au-dessus du lieu d’emmagasinage. Parmi les dizaines de projets en cours dans le monde, l’équipe de Pascale Bénezeth du laboratoire Géosciences Environnement Toulouse travaille sur le programme en Islande et sur la modélisation du comportement du gaz à long terme. Elle précise toutefois : « la séquestration du CO2 n’est pas la solution unique ».

Dans la région, le projet le plus avancé est celui de Lacq dans les Pyrénées Atlantiques. Le plan consiste à injecter le CO2 dans d’anciennes poches de gaz naturel à 1 500 m sous terre. Ce lieu a été choisi en 2005 par Total (suite à une grosse campagne d’acceptation...) comme démonstrateur puisque toute l’infrastructure pour la capture et le stockage du carbone est déjà là : puits, compresseurs, pipe-lines, etc. Mais tout n’est pas si simple. Cette méthode a un coût énergétique élevé car il faut que le gaz soit purifié, comprimé et transporté avant d’être injecté. Dans le cas d’une centrale thermique, la séparation du CO2 des autres gaz et de la vapeur d’eau issus de la combustion, sa capture et tous les coûts associés diminueraient de 10 à 40 % le rendement de cette centrale, ce qui entraînerait une hausse du prix du kWh produit. Il existe une autre inconnue : la stabilité du dépôt à long terme. Pour Pascale Bénezeth, « il faudra une bonne dizaine d’années pour y voir plus clair avant le stockage industriel, d’où le besoin d’attendre les résultats des démonstrateurs ». D’autant plus que « les modélisations ont surtout permis de constater qu’on avait encore beaucoup de lacunes. » L’enfouissement, s’il devait passer au stade industriel, devrait être surveillé pendant une durée supérieure à cinquante ans pour voir si le comportement du gaz et du site correspond aux modèles. Même si les impacts environnementaux sont, a priori, limités, ils ne sont pas nuls car le gaz pourrait s’échapper à cause de séismes, de fractures et risquerait, dans le pire des cas, d’entraîner une catastrophe semblable à celle du lac Nyos (2).

Après avoir mis sous le tapis – de la terre - nos déchets ménagers et industriels, nos déchets ultimes, nos déchets nucléaires, c’est maintenant au tour du CO2...

(1) Les carbonates sont des minéraux. Par exemple, le carbonate de calcium forme le calcaire.
(2) Lac volcanique camerounais. Le 21 août 1986, le lac a libéré près d’un kilomètre cube de dioxyde de carbone entrainant la mort de 1 746 personnes et de nombreux animaux.


Des projets fous, coûteux... mais souvent soutenus

  • Klaus Lackner et ses collègues de l’Universite de Columbia se sont apparemment dit que la capture du CO2 par les arbres était trop simple. Ils ont donc imaginé un arbre synthétique pour faire ce travail de photosynthèse. Tout cela pour un coût de construction en série modique, estimé à 20 000 $ par arbre, sans compter l’entretien, le captage et la récupération du gaz. Il reste un petit problème, en dehors du coût financier et énergétique, c’est le stockage du CO2. Il se ferait en terrain géologique profond. Le mal a juste été déplacé...
  • Comme Dame Nature ne sait pas bien faire les choses, voici une autre solution : produire des plantes et des arbres génétiquement modifiés pour leur conférer un feuillage réfléchissant, renvoyant ainsi plus d’énergie solaire vers l’espace et limitant peut-être le réchauffement. Sans surprise, Monsanto, Syngeta et BASF sont partie prenante du projet avec l’Université de Bristol au Royaume-Uni.
  • Des scientifiques commencent à fabriquer des micro-organismes artificiels : on prend des bouts d’ADN ici ou là et le tout est mis ensemble. Ces organismes seront formidables : un appétit monstrueux pour le CO2 ou la transformation de biomasse en carburant. Il arrive qu’il y ait de mauvaises surprises : en 1999, à l’Universite d’Oregon, une bactérie (Klebsiella planticola), génétiquement modifiée pour transformer la cellulose en éthanol, a été testée en labo au pied de plantes. Tout marchait bien sauf que les plantes sont mortes, empoisonnées par l’éthanol produit par Klebsiella... Ce test a été réalisé peu avant la mise sur le marché de cette bactérie ! Toulouse va bientôt participer au développement de ces organismes, à travers le projet TWB « Toulouse White Technology » c’est à dire biotechnologies industrielles.
  • Et les nuages ? Pourquoi ne pas les blanchir ? Les nuages d’eau salée sont plus blancs que ceux d’eau douce. D’où l’idée de modifier leur composition, portée par le National Center for Atmospheric Research de l’Université du Colorado et l’Université d’Edimbourg. Ils affirment que « sous réserve de la résolution de certains problèmes » (!), cette solution maintiendrait « la température de la Terre constante même si la concentration en CO2 doublait ». Tout le monde n’est pas d’accord avec ces assertions, l’American Meteorological Society a précisé que ces nuages « pourraient aussi modifier la circulation générale, ce qui risque d’avoir des conséquences graves, comme la modification de la trajectoire des tempêtes et de la configuration des précipitations ». Bill Gates participe au financement...
  • Allons là où il n’y a plus de nuages, dans la catégorie « gestion du rayonnement solaire ». Estimant qu’une augmentation de 2 % du réfléchissement des rayons solaires permettrait de doubler la quantité de CO2 présent dans l’atmosphère, D. Keith de l’Université de Calgary propose d’envoyer 100 tonnes par an de nanoparticules manufacturées dans la stratosphère. Il estime les coûts à 60 €/kg si la production de ces nanos était lancée industriellement. L’agence pour les projets de recherches avancées de défense américaine, la DARPA, soutient ce programme. Mais, au fait, tout ce qui monte redescend : quelles seront les conséquences sanitaires et environnementales d’une telle opération ?
  • On aurait pu parler aussi de : recouvrir les pôles d’un film réfléchissant ; envoyer dans l’espace des milliards de petits miroirs pour dévier les rayons du Soleil ; modifier la météo, etc. Ce n’est pas de la science-fiction : ces études bénéficient de fonds, d’appuis politiques et économiques. De nombreux brevets ont déjà été déposés.

Pour des solutions simples, efficaces ou déjà mises partiellement en oeuvre, consulter le rapport de Négawatt

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