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Billet de blog 27 avril 2012

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Malgré la pluie, les nappes ne crient pas victoire

Il est un point sur lequel tous les acteurs s’accordent : les pluies actuelles ne suffiront pas à combler le déficit en eau des nappes phréatiques, la faute à un hiver trop sec.

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Il est un point sur lequel tous les acteurs s’accordent : les pluies actuelles ne suffiront pas à combler le déficit en eau des nappes phréatiques, la faute à un hiver trop sec. Pour ne prendre que le département de la Gironde, le déficit hydrique y est de l’ordre de 200 mm entre le 25 avril 2011 et le 25 avril 2012. Il est encore prématuré pour parler d’une sécheresse alarmante tant les aléas de la météorologie dépassent les outils statistiques, mais la région Midi-Pyrénées serait une des plus touchées en France.

par Thomas Belet sur www.frituremag.info

Il est un point sur lequel tous les acteurs s’accordent : les pluies actuelles ne suffiront à combler le déficit en eau des nappes phréatiques, la faute à un hiver trop sec. Pour ne prendre que le département de la Gironde, le déficit hydrologique y est de l’ordre de 200 mm entre le 25 avril 2011 et le 25 avril 2012. « Sur le mois d’avril, nous sommes excédentaires de 30 à 40 mm d’eau en fonction des endroits. Ces pluies permettent de bien mouiller la terre et de répondre aux besoins immédiats de la végétation et des cultures, mais ne permettent ni de remplir les rivières, ni les nappes phréatiques », constate Jean-Pierre Leroy, agriculteur en céréales au nord de Bordeaux et membre de la Confédération paysanne. Le cumul des "pluies efficaces" (qui ruissellent) depuis septembre 2011 est déficitaire par rapport à la normale sur l’ensemble de la France. Il reste cependant assez disparate sur le Grand sud. Localement, la plaine des Pyrénées-Orientales bénéficie d’un apport excédentaire en eau alors que le déficit dépasse 75% du nord de la Haute-Garonne à l’ouest du Tarn, du Sud du Tarn-et-Garonne à l’est du Gers, selon le dernier rapport du BRGM (Bureau géologique de recherches géologiques) publié mi-avril. Selon le même rapport, l’Aquitaine souffrait encore d’un manque de 50 à 75% en eau par rapport à la normale au 1er avril.

Une situation comparable à 1990

« Les pluies actuelles ont nettement amélioré la situation par rapport à ce qu’elle était au début du mois de mars mais la situation reste très hypothétique pour cet été. Il faudrait vraiment un été très pluvieux pour rattraper le retard dû au manque de précipitations de cet hiver », commente Nicolas Hébert, ingénieur à l’agence de l’eau Adour-Garonne. Pendant l’hiver, la végétation, rare, ne retient pas l’eau et lui permet ainsi de s’infiltrer dans les sols. Au printemps, la fonte des neiges permet d’irriguer les cours d’eau et de recharger les barrages de montagne. La configuration actuelle est comparable à celle de 1989-90-91, quand la sécheresse s’était étalée sur trois années consécutives. «  Après une année 2011 déjà sèche, l’année 2012 n’a fait qu’aggraver la tendance. Un effet cumulatif se reproduit qui fait que les stocks s’amenuisent d’année en année. En 2003, la situation était différente car il s’agissait d’un fort épisode caniculaire qui avait débuté en juin. Là, nous sommes sur une sécheresse hivernale, au moment où se font les recharges », ajoute Nicolas Hébert. Un constat qui fait prendre des précautions à certains agriculteurs. En Gironde, Jean-Pierre Leroy a réduit de 50% ses semences de maïs pour leur préférer du blé et du tournesol, moins gourmands en eau. « Avec les dernières pluies nous sommes tranquilles jusqu’à la fin mai, mais les questions portent davantage sur cet été. Si nous avons quinze jours consécutifs de chaleur sans épisode de pluie, la situation pourrait vraiment devenir problématique », note Jean-Pierre Leroy, déjà agriculteur lors de l’épisode de sécheresse 89-90-91.

La région Midi-Pyrénées la plus touchée

Pourtant, il est encore prématuré pour parler d’une sécheresse alarmante tant les aléas de la météorologie dépassent les outils statistiques. Pendant trois semaines, les pluies devraient encore se prolonger. De quoi faire espérer à Philippe Guichard, agriculteur dans le Lot-et-Garonne, le retour du soleil et l’arrêt de la pluie. «  Je sors d’une réunion avec le préfet de région où nous avons fait le point sur la situation hydrologique. Avec 120 mm déjà enregistrés au mois d’avril, c’est à ma connaissance du jamais vu pour notre département  », assure t-il, «  nous avons maintenant besoin de soleil ! ». Agriculteur en bio à proximité de Villeneuve-sur-Lot, il n’en demeure pas moins conscient que le manque est surtout au niveau des nappes : « Mon puits est à un mètre en dessous du niveau normal ».

L'état des nappes phréatiques en France au 1er mars 2012. Voir plus de détails sur le site eaufrance.fr

La situation la plus préoccupante porte sur la région Midi-Pyrénées, où les nappes touchent le fond (voir carte). A la faveur des précipitations récentes, la situation ne cesse de s’améliorer mais la vigilance reste importante dans le Midi. « Il ne faut pas minimiser les précipitations actuelles qui sont très positives, mais la situation d’aujourd’hui n’est pas seulement le fruit d’un hiver sec. C’est le résultat de déficits sur plusieurs années. Sur la région Midi-Pyrénées, il faut tout de même noter que les pluies actuelles évitent de puiser dans les nappes et de garder quelques ressources pour cet été. La plaine du Roussillon est dans une situation beaucoup plus favorable », remarque Philippe Vigouroux, hydrogéologue au BRGM et chargé du bulletin mensuel de l’institut public. Le prochain bulletin sera publié mi-mai, en espérant que d’ici-là les voyants soient un peu plus verts. De même que les champs.

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