Que devient le mouvement des désobéisseurs lancé dans l’enseignement primaire il y a trois ans ? Membre fondateur et très actif, Alain Refalo, professeur des écoles à Colomiers, en tire un premier bilan dans son livre "Résister et enseigner de façon éthique et responsable".

Un article de Christian Bonrepaux à lire aussi sur www.frituremag.info
A ce jour, le mouvement des désobéisseurs, ou réseau de résistance pédagogique, reste un mouvement unique dans la très riche histoire des luttes au sein de l’éducation nationale. Exempt de la moindre revendication catégorielle, il se fonde sur le seul terrain pédagogique et le rejet des mesures mises en place par Xavier Darcos, alors ministre de l’éducation nationale, au printemps 2008. Il se cristallise notamment sur le rejet de l’aide personnalisée : ce dispositif prévoit d’apporter deux heures hebdomadaires de soutien scolaire aux élèves en difficulté en mathématiques et français en dehors du temps scolaire. Une mesure dangereuse pour les enseignants : rajouter deux heures à des élèves en échec alors que l’emploi du temps, regroupé sur quatre jours, une catastrophe au plan des rythmes scolaires, est le plus chargé d’Europe, constitue le meilleur moyen de les écoeurer définitivement de l’école. La mesure serait de surcroît illégale puisque la durée d’une journée scolaire ne peut excéder six heures. Les enseignants du réseau de résistance envoient, à titre individuel, une lettre ouverte à leurs inspecteurs d’académie : « en conscience, je refuse d’obéir... ».

Pourquoi avoir décidé d’agir hors de l’action syndicale ? D’abord, parce que le syndicats investissent peu ou pas le terrain pédagogique, tous leurs adhérents n’étant pas forcément sur la même ligne dans le domaine. Ensuite, selon Alain Refalo, « parce que les syndicats se battent contre tout et ne gagnent jamais rien, il faut trouver de nouvelles formes d’action. Surtout après l’échec des manifestations massives contre les retraites ». Dans un premier temps, les syndicats ont vu d’un mauvais œil l’irruption de cette nouvelle forme de lutte. L’UNSA-éducation notamment l’a condamnée en termes très durs au motif qu’un fonctionnaire ne pouvait appeler à l’illégalité en l’absence de forme dictatoriale de pouvoir. Largement majoritaire dans l’enseignement primaire le SNUipp-FSU s’est montré très critique au niveau de ses instances nationales. Certaines de ses sections départementales beaucoup moins, d’autant que de nombreux désobéisseurs étaient également syndiqués. Il, faut remarquer le soutien sans faille du syndicat FCPE, largement majoritaire chez les parents d’élèves. Le syndicat SUD a soutenu lui aussi sans réserve le mouvement dès ses débuts. Au fil du temps, l’attitude des syndicats a évolué vers un soutien ouvert ou tacite ou, au pire, vers la compréhension. Où en est le mouvement aujourd’hui ?

Avec ses 3 000 militants sur les 334 928 enseignants du primaire, le réseau des résistants pédagogiques reste width: 200px" height="293" width="200" />
« L’obéissance n’est pas une valeur. On peut obéir à des tyrans ou sous l’emprise de gourous. On peut obéir par paresse ou par manque d’imagination ». Dans son introduction au nouvel ouvrage d’Alain Refalo, Philippe Meirieu fait litière des reproches formulés contre les désobéisseurs, quand on est enseignant, la valeur de l’exemple supposerait que l’on ne désobéisse pas aux règles. A l’inverse, Alain Refalo explique en quoi la désobéissance peut être une valeur. En une petite centaine de pages, le professeur des écoles s’emploie à, montrer comment « le fonctionnaire-désobéisseur agit non pour son confort personnel, non par intérêt corporatiste, mais pour la défense du service public qu’il veut continuer à servir loyalement ». A ceux qui douteraient de sa sincérité, il rappelle que le refus de pratiquer les deux heures hebdomadaires de soutien scolaire en math et en français s’accompagne d’une prise en charge de la totalité de la classe dans le cadre d’autres activités permettant de travailler les matières fondamentales de façon moins rébarbative, pièce de théâtre, journal de classe... Il dresse le premier bilan d’un mouvement apparu il y a à peine trois ans, situe celui-ci dans la perspective de nouvelles pratiques de contestations sociales et se prévaut du soutien de Stéphane Hessel exprimé sans réserve dans son livre Indignez-vous. Le mouvement peut-il s’étendre à tous les secteurs du service public ? A cette question, le livre ne prétend pas fournir une réponse. A ceux qui voudraient s’en saisir, il donne les clés d’une pratique, la désobéissance civile, inspirée de Hannah Arendt, Gandhi et Henri David Thoreau.Résister et enseigner de façon éthique et responsable, éditions Golias, 94 pages, 10 euros.
Du même auteur : En conscience, je refuse d’obéir. Résistance pédagogique pour l’avenir de l’école. 2010, éditions des Ilots de résistance, 256 pages, 16 euros.