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Billet de blog 30 mai 2012

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A Bordeaux, une voie de garage riche d’avenir

Bordeaux, quartier Bacalan. La rue des étrangers, droite comme un i, est tout sauf chaleureuse : des deux côtés de la rue, elle est balisée de terrains en friche où règnent les herbes sauvages et les hangars désaffectés. Désaffectés ? Pas tous.

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Bordeaux, quartier Bacalan. La rue des étrangers, droite comme un i, est tout sauf chaleureuse : des deux côtés de la rue, elle est balisée de terrains en friche où règnent les herbes sauvages et les hangars désaffectés. Désaffectés ? Pas tous. Au n° 1 de la rue, à partir de 9h le matin, chaque jour, un imposant, hangar de bois et de briques, magnifiquement fatigué, est le lieu d’une activité soutenue.

par Christian Bonrepaux sur www.frituremag.info Photos Emmanuel Grimault

  • L’intégralité du reportage sera publiée dans le magazine papier, sortie le 11 juin

Le Garage Moderne accueille voitures en souffrance, motos fatiguées, vélos victimes des accidents de la vie. La mécanique se fait vectrice d’utopie dans un lieu où l’exercice du travail est inséparable de la relation personnelle et d’une certaine vision sociale. Un projet où les rapports humains comptent autant que ceux de la boite à vitesse.
Aujourd’hui, ce sont plus de 4 000 adhérents qui viennent réparer leurs voitures, leurs vélos et, depuis peu, leurs deux-roues à moteur. Tous membres de l’association, ils utilisent le lieu soit de façon classique en confiant leur véhicule le temps de la réparation, soit en travaillant eux-mêmes, assistés des interventions d’un des mécanos permanents. Solidement ancré dans Bordeaux et sa banlieue, le Garage Moderne est né d’une rencontre, celle de Béatrice Aspart et de Boufeldja Labri. La première avait trouvé un chaton qui avait échappé au second. De discussions en discussions, ils envisagent la création d’un garage dont les principes de fonctionnement s’inspireraient du C.R.I.M.E., haut lieu alternatif de la mécanique toulousaine, ville dont Béatrice est originaire, qui fonctionna pendant une vingtaine d’années jusqu’au début du XXIe siècle. Le choix est fait de louer la friche industrielle du 1, rue des étrangers. Construit aux alentours de 1850, un temps huilerie coloniale de la maison Vezia, le bâtiment appartient alors à un propriétaire privé. Le loyer, élevé, frôle les 4000 euros mensuels. Les activités démarrent au début du siècle, en l’an 2000. «  Le projet initial était de faire de la mécanique auto autrement, explique Marie-Line Chaumet, une des permanentes en charge du secteur vélo et du développement des activités culturelles. Mais dès le départ, il est apparu évident que le lieu devait aussi être vecteur de culture. Il s’est ouvert aux expositions d’arts plastiques, aux concerts, à la danse... De mars à novembre, le spectacle vivant demeure une part importante de l’activité du lieu ». Au fil des années, d’autres activités sont venues se greffer à la mécanique auto. Dès 2005, les portes monumentales du hangar se sont ouvertes à la réparation des vélos de particuliers.... et à la vente : « nous récupérons les vélos réformés de la poste ou de la police. Avec deux ou trois vélos cassés, nous en faisons un neuf », souligne Marie-Line. L’obtention du marché d’entretien du parc des 4000 vélos de la ville de Bordeaux a permis de greffer sur le projet un atelier d’insertion... Bref, au Garage, à l’heure actuelle, le moral de la vingtaine de salariés est au beau fixe... Pas sans lutte ni mobilisation des énergies.

Cathédrale post-industrielle

Le garage Moderne est implanté non loin de la Garonne, au cœur du quartier Bacalan. Une implantation logique, voire symbolique, quand le projet économique se veut porteur de valeurs sociétales. Bacalan, c’est un ancien quartier industriel qui prospéra aux très riches heures du port de Bordeaux et du négoce colonial. «  Le quartier comportait des aciéries, des usines aéronautiques, automobiles, des lieux de stockage pour diverses marchandises, explique Didier Periz, imprimeur, éditeur et historien de Bacalan(1). Les activités portuaires lui assuraient un grand dynamisme : dès le XIXe siècle, deux grands bassins, les bassins à flots, furent creusés : ils permettaient aux bateaux, à l’abri des fluctuations des marées, très sensibles à cet endroit de la Garonne, de charger et décharger les marchandises, et de subir les travaux d’entretien. Toutes ces activités attiraient une nombreuse population émigrée. Le quartier connut ses heures de gloire dans l’entre-deux guerres avant de décliner inexorablement jusqu’aux années 2000 ». Jusqu’à tomber en déshérence à la fin des années 80. Le désintérêt des Bordelais pour Bacalan présenta l’avantage de permettre à Béatrice, Boufeldja et les autres de loger leurs activités associatives et mécaniques dans une superbe cathédrale post-industrielle... avec pour corollaire, à court terme, de plonger le projet dans une grande incertitude. Dès la fin des années 90, la mairie de Bordeaux et la communauté urbaine envisagent la renaissance de Bacalan. Il s’agit, autour du magnifique patrimoine historique que constituent les bassins à flots, de créer des ensembles d’habitation, d’implanter des services collectifs et des activités de service, le tout dynamisé par la mise en service, fin 2012, du nouveau pont levant Bacalan Bastide sur la Garonne... avec pour conséquence de tirer à la hausse le prix du foncier. Le propriétaire du hangar abritant le Garage Moderne est prêt à vendre son bien. Le projet serait alors condamné. Le maire de Bordeaux fait alors voter à l’unanimité, gauche et droite confondues, l’achat des murs ; c’est chose faite en 2011...

  • Lire la suite du reportage dans le magazine papier, sortie le 11 juin

Garages solidaires à Toulouse

Il existe à Toulouse deux garages dont le fonctionnement présente de grandes similitudes avec le Garage Moderne bordelais. L’un, Mobilités, est situé au 28 allée de Bellefontaine. Garage pour tous étend ses 800 m2 dans le quartier des Minimes, au 40bis, chemin du Prat Long. Les deux projets ont été accompagnés par le dispositif IRLIS, initiative régionale et locale d’investissement, mis en place par la mairie de Toulouse, et s’inscrivent dans l’économie solidaire. « Garage pour tous est une structure associative ouverte à tous, explique le porteur de projet, Raymond Gleyses. On peut venir y réparer sa voiture avec un de nos mécanos ou nous la confier, comme dans un garage ordinaire. Notre inscription dans l’économie solidaire nous contraint à ne pas réaliser un chiffre d’affaire supérieur de 30% à nos salaires et nos charges. Les réparations sont assurées par des mécanos professionnels secondés par les membres d’un atelier d’insertion. Le samedi matin, tous les quinze jours, nous organisons des cours de mécanique ouverts à tous les adhérents ».

www.legaragemoderne.org
05 56 50 91 33

(1) auteur de plusieurs ouvrages dans sa maison d’édition PleinePage, dont Bacalan story, la saga d’un quartier de Bordeaux de 1900 à nos jours.

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