Quelques ‘’oublis’’, non anodins, dans l’article de Mme J. Meskens « Comment Amélie Oudéa-Castéra est devenue le caillou dans la chaussure de Macron », Le Soir, 20 janvier 2023 :
- Le Soir : « En 2017, elle(…) vise déjà le ministère des Sports. Mais le jeune président élu lui préfère l’escrimeuse Laura Flessel puis la nageuse Roxanna Marcineanu, toutes deux médaillées olympiques. »
Mme Oudéa-Castera a effectivement tenté dès 2017 d’être ministre des Sports des gouvernements de M. Macron. (Source : L.J. avec AFP « Amélie Oudéa-Castéra : qui est la nouvelle ministre des Sports ? », Vosges Matin (Site internet), 20 mai 2022)
Mais elle est l’épouse de Frédéric Oudéa, conseiller de M. Sarkozy et Directeur-Général, puis PDG, puis à nouveau DG (entre 2008 et 2023) de la Société Générale, l’un des plus gros sponsors du sport français (rugby, handisport, e-sports + partenariats locaux et/ou ponctuels). Le conflit d’intérêt est tellement lourd que même la macronie ne peut, au début, se permettre de passer outre. (Source : Eric Collier, Nicolas Lepeltier, « Amélie Oudéa-Castera, une ministre des sports très affairée », Le Monde (Site internet), 27 janvier 2023.)
Le propre parcours de Mme Oudéa-Castera dans le privé entre 2017 et 2022 se fait au sein de multinationales aux multiples intérêts dans le sport de haut-niveau ou amateurs (par exemple, en Belgique, Axa sponsorise Mme N. Thiam et Carrefour est partenaire des Diables rouges). L’ensemble de ces pudeurs seront écartées en 2022, au début du second mandat de M. Macron, avec toutefois, des conditions que Mme la ministre ne respectera pas (Source : Laurent Mauduit, « La ministre des sports se prend les pieds dans la Société Générale », Médiapart (Site internet), 7 avril 2023.)
Concernant le mari de Mme la ministre, une enquête semble encore à mener sur les liens entre les finances publiques et la Société Générale depuis la crise des sub-primes jusqu’à 2023, en passant par les fonds versés lors de la séquence sanitaire de 2020. Mais il est déjà connu que M. Oudéa est directement impliqué dans le scandale des Panama Papers. (Source : F. Mathieu, « Panama Papers: des «amalgames», vraiment, Monsieur Oudéa? »Le Soir (Site internet), 9 avril 2016). En 2012, il a d’ailleurs prononcé des affirmations devant une commission d’enquête parlementaire française qui se sont révélées, par la suite, ne pas être conformes à la réalité des faits (Sources : (avec AFP) « Panama Papers : Oudéa (Société générale) accusé de faux témoignage ? », Challenges.fr (Site internet), 9 avril 2016) ; Dan Israël, Martine Orange, Antton Rouget et Mathias Thépot, « Le couple Oudéa-Castéra, parangon des élites françaises, Médiapart (Site internet), 15 janvier 2024.)
- Le Soir : « Amenée à témoigner il y a quelques mois dans le cadre d’une commission d’enquête sur les fédérations, elle a écrit le lendemain aux parlementaires pour rectifier sa version. »
La Commission parlementaire devant laquelle s’est exprimée Mme Oudéa-Castera le 16 novembre 2023 est ‘’l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu’elles ont délégation de service public’’. C’est peut-être long pour être entièrement repris dans un article du Soir, mais ce n’est pas anecdotique puisqu’elle porte sur des ‘’défaillances de fonctionnement’’, dans le domaine du ‘’service public’’. La déclaration de Mme Oudéa-Castera omise dans l’article est la suivante : « il n’y a pas d’argent du contribuable derrière ma rémunération » (Source : Noah Sdiri ‘’Ouverture d’une enquête préliminaire pour parjure contre le président de la FFT pour ses propos sur les rétributions d’Amélie Oudéa-Castéra’’ JdD (Site internet), 17 janvier 2024.)
Mme Oudéa-Castera, titulaire d’un Masters en droit, diplômée de Sciences Po Paris, de l’ESSEC, de l’ENA, haut-fonctionnaire de la Cour des Comptes pendant quatre ans, pouvait-elle ignorer le financement public de la FFT, institution déléguée du service public qui l’employait ? Si oui, cela prouve que l’on peut avoir fréquenté les plus réputés établissements de formation et institutions administratives français, s’être ‘’enfourné chaque semaine des volumes d’heures de travail en bossant jour, nuit et week-end’’ et rester profondément incompétent sur un aspect pourtant primordial de la gestion de sa mission. Si, au contraire, la personne connait ses dossiers, pourquoi affirmer, volontairement, devant les caméras, quelque chose qui sera donc forcément répercuté facilement et restera dans l’histoire, et reconnaitre le contraire dès le lendemain, dans un écrit qui, lui, sera rapidement oublié et enterré par journalistes et opinion publique ? D’autant plus que ce document omet en partie des éléments factuels concernant certains montants publiques alloués à la FFT.
Pour rappel, pour que Mme Oudéa-Castera conserve le demi-million d’euros annuels qu’elle percevait de son employeur précédent, la Fédération Française de Tennis (FFT), association loi 1901 se vantant d'être une ''organisation très professionnelle inspirée par le monde de l’entreprise'', a augmenté les dépenses pour ce poste de plus de 50% par rapport à la personne qui l’a précédée.
- Le Soir : « la ministre a demandé à se déporter du dossier (de l’école privée ‘’Stanislas’’). »
Cette information est incomplète. Lorsque les médias diffusent cette annonce le jeudi 17 novembre, il apparait rapidement que Mme la ministre a ‘’échangé’’ avec M. D. Migaud, président de la Haute Autorité de la Vie Publique et de la Transparence (HATVP). Difficile de savoir lequel des deux interlocuteurs en est à l’origine ; mais ‘’Le Soir’’, comme la très grande majorité des organes diffuseurs d’information appartenant à des décideurs économiques et financiers, fait valoir, dans un sens donc favorable à la ministre, qu’elle est à l’initiative de cette action. Un organe d’information non financé par le monde des affaires fournit un éclairage différent : ‘’David Perrotin (journaliste de Médiapart) a appris que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique avait recommandé mardi à la ministre de se déporter du sujet Stanislas’’. (Source : Michaël Hajdenberg, « Affaire Oudéa-Castéra : quand Mediapart approche, les ministres fuient », La Lettre-enquête #87, Médiapart (Site internet), 20 janvier 2024).
- Le Soir : « Ses propos sur l’école publique ont mis les profs vent debout. Un dérapage pour cette ancienne championne de tennis dont l’obsession est de tout contrôler »
Si les propos de Mme Oudéa-Castera sur les raisons de la privatisation à Stanislas de l’éducation de sa progéniture constituent un ‘’dérapage’’, alors celui-ci, manifestement, était très bien contrôlé, à la fois par elle-même, ses conseillers en communication et son supérieur direct, le Premier ministre, à ses côtés à cette occasion.
Non seulement la ministre savait que le journaliste de Médiapart présent allait l’interroger sur la scolarisation de ses enfants dans un établissement privé contre lequel une enquête publique avait eu lieu et avait préalablement avait donné son accord pour répondre en direct à cette question, mais en plus elle a pris du temps avec M. Attal et ses propres conseillers ministériels pour préparer ces éléments de réponse. Il n’y avait donc aucune spontanéité dans son attaque personnelle contre l’enseignement public en France et les enseignants de l’école qu’elle a citée et, si, à ce stade, rien ne prouve qu’il en est à l’origine, le chef du gouvernement ne pouvait pas ignorer la teneur de ce que sa ministre allait publiquement déclarer. (Source : Michaël Hajdenberg, « Affaire Oudéa-Castéra : quand Mediapart approche, les ministres fuient », La Lettre-enquête #87, Médiapart (Site internet), 20 janvier 2024).
FSL - 21/01/2024