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Billet de blog 8 octobre 2010

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Quelle convergence avec l'Allemagne ?

Une fois encore, l'Allemagne semble devoir servir de modèle à la France afin de préparer l'opinion publique française à ce qui pourrait être une vaste réforme fiscale.

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Une fois encore, l'Allemagne semble devoir servir de modèle à la France afin de préparer l'opinion publique française à ce qui pourrait être une vaste réforme fiscale. Comme le relève Libération (du 5 octobre), l'argument de l'harmonisation fiscale avec nos voisins allemands a d'abord justifié la mise en place (2006) du bouclier fiscal. Aujourd'hui, ce même argument motiverait sa suppression...

La convergence fiscale avec l'Allemagne est, en réalité, un objectif largement irréaliste et dont il n'est pas sûr qu'il soit vraiment poursuivi. Le niveau et surtout la structure de ce qu'il est convenu les « prélèvements obligatoires » (fiscalité et cotisations sociales, en fait la part du revenu national qui est socialisée) est un legs de l'histoire et des luttes sociales en particulier. Prétendre harmoniser la fiscalité française en l'alignant sur celle de l'Allemagne tient donc sans doute d'une manœuvre politique à l'heure où s'approchent d'importantes échéances électorales.

Cette observation n'enlève rien au fait qu'une réforme fiscale s'impose en France qui réhabiliterait l'impôt afin que celui-ci retrouve ses deux missions fondamentales : une plus grande équité sociale (laquelle passe aujourd'hui par une taxation accrue des dividendes et des hauts revenus) et le financement de services publics de qualité (éducation, santé, transports, logement social).

Une véritable convergence avec l'Allemagne consisterait en fait à nous interroger sur nos fondamentaux comparés. Si les déficits publics allemands sont aujourd'hui moins élevés, c'est que la croissance économique de ce pays est désormais plus soutenue. Cette croissance, l'Allemagne la doit très largement -comme cela est souvent souligné- aux performances de son industrie. Celle-ci reste très puissante (26% du Pib contre 14% en France), appuyée à la fois sur de grands groupes et sur son tissu dense de PMI.

Les deux raisons du succès de l'industrie allemande sont, d'une part, un fort ancrage territorial, d'autre part, des produits à forte valeur ajoutée dont les ventes sont peu sensibles au prix. Le destin des groupes français, a contrario, est de plus en plus distendu de celui de la France. Ceci est bien illustré par le cas de l'industrie automobile française dont la majeure partie de la production et des usines est aujourd'hui, à la différence de sa consœur allemande, délocalisée. L'industrie allemande reste ainsi globalement une industrie exportatrice, ce qui signifie qu'elle continue de produire sur le sol allemand des produits à qualité élevée.

On objectera -cette antienne étant répétée à satiété en France à gauche comme à droite- que les entreprises allemandes ont fortement réduit le coût salarial depuis dix ans. Ceci est exact. Mais contrairement à ce qui est affirmé à longueur d'articles dans la Presse française, le motif de cette baisse n'est pas l'amélioration de la compétitivité (voire un comportement non coopératif avec les autres pays européens) -celle-ci n'étant pas basée sur les prix- mais celui de l'augmentation jugée indispensable de la rentabilité.
De ce point de vue-là -malheureusement- l'Allemagne et la France convergent bien (même si avec une intensité plus forte en France) dans la perspective d'un capitalisme financiarisé.

Gabriel Colletis

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