Embourbé dans une guerre contre les forces de Bachar Al Assad en Syrie, le président turc a établi un lien direct entre la guerre qu’il mène et l’accueil des migrants et réfugiés.
Il attend ainsi de l’U.E. un soutien financier dont il est impossible de dire s’il sera employé pour améliorer la situation des Syriens réfugiés sur le sol turc ou s’il sera versé dans l’effort de guerre.
Les deux « dossiers » sont très liés du fait de la politique suivie par le président turc. Rappelons, en effet, que la Turquie accueille depuis des années quatre millions de migrants et de réfugiés, principalement Syriens, et que ce nombre s’est récemment accru avec l’offensive du régime syrien (appuyé par Moscou) depuis décembre contre la province d’Idleb, dernier bastion rebelle en Syrie. Une offensive qui a provoqué une catastrophe humanitaire, avec près d’un million de personnes déplacées.
De nouvelles aides européennes sont promises à la Turquie pour l’aider à faire face à la situation humanitaire dramatique sur son sol…et, surtout, pour tenter de l’empêcher de mettre à exécution sa menace d’ouvrir les vannes qui contiennent le flux de migrants et réfugiés qui cherchent à atteindre la Grèce au péril de leur vie.
Dans ce jeu d’échecs entre la Turquie, les forces de Bachar Al Assad, la Russie, mais qui implique aussi l’Iran, les migrants et les réfugiés ne sont que de simples pions que l’on n’hésite pas à sacrifier et à jeter en pâture.
Ainsi, à Lesbos, où se trouve le sinistre camp de Moria, s’entassent dans des conditions inhumaines près de 20 mille personnes là où les capacités d’ « accueil » sont inférieures à 3 mille. Sur cette même île, des scènes d’une grande violence opposent régulièrement des migrants et des policiers ou des garde-côtes. Depuis février dernier, la situation s’est tendue davantage encore avec l’annonce de la création d’un nouveau camp. Une partie de la population de l’île s’oppose à cette création pour des raisons que l’on peut comprendre quand on sait à quel point la Grèce souffre depuis qu’ont été déclenchés, en 2009, les premiers plans d’ « aide » (neuf au total !) à la Grèce, plans qui ont littéralement asphyxié un pays déjà très mal en point.
Des plans qui n’ont pas empêché les Grecs, dans l’immense majorité des situations, de faire la preuve dans le quotidien de leur compassion envers des enfants, des femmes, des hommes que le jeu des puissants et les guerres ont jeté dans l’exil, l’angoisse et l’incertitude du lendemain. Des sentiments que les Grecs ne connaissent que trop bien pour les avoir eux-mêmes vécus il n’y a pas si longtemps et que certains d’entre eux vivent à nouveau pour avoir dû quitter leur pays depuis quelques années, à la recherche d’un avenir pour eux et la famille qu’ils aspirent à constituer.
A Lesbos donc, profitant du désarroi d’une population exténuée, une minorité d’extrême-droite s’est progressivement immiscé dans les rapports entre migrants et population locale. Des groupuscules organisés en milices imposent désormais leur loi. La police paraît accepter que certains individus contrôlent les rues avec force d’autorité, sans chercher à savoir qui ils sont et les arrêter. Nul doute que tôt ou tard, l’irréparable se produira.
Les dirigeants grecs sont en grande partie responsables de la situation actuelle, eux qui laissent le champ libre à des groupes d’extrême-droite cherchant à tirer parti d’une situation économique et sociale dont les migrants et les réfugiés ne sont en rien responsables.
Le président turc utilise quant à lui les migrants comme moyen de pression sur l’U.E. dans sa guerre contre le régime de Damas.
Mais la responsabilité de l’U.E. est immense qui refuse elle-même de voir les migrants et les réfugiés autrement que comme un « fardeau », qui craint par-dessus tout une nouvelle crise migratoire. Un fardeau dont le turc Erdogan souhaite que l’U.E. le porte avec lui.
Il n’est plus possible de laisser faire, de fermer les yeux sur ce qui est un crime.
Les migrants, les réfugiés ne sont pas un fardeau sauf à faire siennes la xénophobie et la haine. Il ne faut pas accepter que, par calcul politicien ou lâcheté envers les tenants du populisme, ceux qui nous gouvernent se taisent, ou pire, entrent dans un jeu dont les perdants sont connus : les enfants, les femmes, les hommes qui lorsqu’ils parviennent à traverser la mer Égée sont reçus par des insultes, des mots crachés : « go, go, go ! ».