L’Etat hésiterait à passer à l’action? Alors que l’activité du secteur privé français a de nouveau fortement reculé en janvier dernier, enregistrant son plus mauvais résultat depuis 2009! Sur trois ans, ce sont mille usines en France qui ont été fermées…
Dans son édition du 8 février, le quotidien Libération nous explique cependant que l’Etat hésiterait à passer par l’action. Le Président serait tiraillé entre deux courants de son gouvernement : ceux qui militent pour un fort interventionnisme, et ceux, sans doute inspirés par la doctrine d’un ancien Premier ministre, pour qui l’exécutif ne peut pas tout.
Comme souvent, d’après ce quotidien, l’actuel chef de l’Etat cultiverait deux lignes: intellectuellement, il soutiendrait farouchement ceux qui estiment que l’Etat n’a pas à être mobilisé à chaque fermeture d’usine ; mais politiquement, il serait très sensible aux arguments de ceux qui revendiquent un interventionnisme plus volontariste. Tout faire donc pour éviter un nouveau Florange qui a provoqué, comme l’exécutif l’a compris à ses dépens, un véritable séisme dans l’opinion publique et… les sondages !
Selon ce qui est qualifié par Libération comme « une source gouvernementale hollandaise », « le vrai problème de la France, ce n’est pas qu’on détruit des emplois, mais qu’on n’en crée pas assez… Si on mettait autant d’énergie politique et économique à défendre les filières d’avenir qu’à soutenir les entreprises en difficulté, on se porterait mieux ».
« Innover, innover, innover ! » Telle semble donc être la recette miracle ! Laisser choir les entreprises en difficulté, les secteurs « traditionnels », hérités du passé.
Avant d’avoir tenté de nous convaincre sur France 3, dans l'émission Le Monde d’Après du 4 février, que l’industrie avait, à tort, été abandonnée, Julia Cagé, universitaire et chroniqueuse très médiatique, avait expliqué, il y a deux ans, « pourquoi la France doit continuer à se désindustrialiser »… : « Oui », écrivait-elle, « la France est en train de se désindustrialiser. Mais non, ce n’est pas grave ». Considérant, sans doute avec émerveillement, le cas typique d’Alcatel, dont l’ancien patron (Serge Tchuruk) avait voulu faire une entreprise sans usine, un « global player », Julia Cagé posait alors la question à mille euros : « Pourquoi ne pas faire clairement le choix de devenir une économie de conception, créatrice d’innovations ? »
On se le demanderait presque… La réponse a cependant été clairement apportée il y a plusieurs années déjà dans un livre collectif, Made in America. Dans ce livre, signé par plusieurs économistes américains, il est expliqué qu’un pays ou une entreprise qui néglige les activités de production (le « faire ») finit par affaiblir son savoir-faire et, par la suite, son savoir. C’est pour ne pas avoir compris cela que l’Amérique d’aujourd’hui connaît ses plus graves problèmes.
Faire, savoir-faire et savoir ne constituent pas trois activités humaines disjointes mais au contraire sont fortement reliés.
De même, opposer filières d’avenir et industries traditionnelles (c’est-à-dire ayant des traditions, ayant accumulé des savoir-faire) n’a pas de sens. Ce que démontre bien l’Allemagne dont les points forts sont la mécanique, la métallurgie, l’automobile, la chimie...
En matière industrielle, l’Etat a bien mieux à faire que faciliter la recherche de repreneurs, limiter les conséquences sociales des restructurations et s’employer à faire la pédagogie des mutations qui seraient inévitables pour améliorer la compétitivité de l’économie française (lire l'éditorial du Monde du 9 février).
Ce dont la France a besoin, c’est bien d’une véritable politique industrielle mais plus encore d’un « pacte productif » dont l’alpha et l’oméga sont la reconnaissance des compétences de tous ceux qui travaillent et la fondation d’une démocratie salariale impliquant les salariés dans le management des entreprises. Plus largement, le déclin industriel de la France cessera lorsque les Français feront valoir que l’industrie est un bien commun, une composante vivante de leur patrimoine : pas touche à mon industrie !