Incontestablement, la CDU a enregistré hier un excellent résultat. Avec plus de 41% des voix, le parti de Mme Merkel est de loin la première force politique sur l’échiquier politique allemand. La CDU obtient près de 16 points de plus que le SPD (25%). A la différence de tous les autres partis au pouvoir en Europe, de droite comme de gauche, sanctionnés par les urnes pour n’avoir pas su gérer la crise avec des résultats considérés comme probants par leurs électeurs.
Ayant pu suivre la campagne électorale allemande de près comme membre d’un groupe international d’observateurs invités par le service allemand des échanges universitaires (DAAD), il nous apparaît que la CDU au pouvoir semble avoir réussi un double pari : avoir conduit une politique ayant permis à l’Allemagne de traverser la crise sans plonger dans la récession et les affres d’un chômage en forte augmentation ; se voir reconnaître par les Allemands la meilleure compétence pour gérer l’économie du pays.
Derrière ce résultat, les motifs d’inquiétude ne manquent cependant pas pour le parti de la chancelière. Le plus immédiat est la disparition du Parlement de son partenaire de coalition, le parti libéral (FDP). Celui-ci s’effondre, n’obtenant pas les 5% des voix nécessaires pour rester au Parlement. A l’issue d’une très longue nuit de décomptes et de calculs complexes rendus nécessaires par un système électoral compliqué, la CDU, avec 311 sièges sur 630, rate de 4 sièges la majorité absolue et ne peut gouverner seule le pays. Elle doit donc s’allier avec le SPD ou avec le parti des Verts. Ceci semble néanmoins très difficile, aucun de ces deux partis ne semblant prêt à jouer le rôle de supplétif que le FDP a accepté de jouer à ses dépens. Die Linke et les Verts obtenant chacun un peu plus de 8%, une majorité Rouges-Rouges-Verts (SPD-Die Linke-Les Verts), comptant 319 sièges, est théoriquement possible mais elle est peu probable tant les écarts idéologiques entre ces trois partis semblent, pour l’heure, insurmontables.
En clair, si la CDU, qui se présente non comme un parti de droite mais comme un parti populaire du centre, a de nombreuses raisons de se réjouir, elle en a aussi de s’inquiéter car personne ne voit actuellement comment ce parti va pouvoir gouverner privé de majorité. Certes, un gouvernement CDU minoritaire est envisageable, Mme Merkel pouvant espérer trouver dans les rangs des députés du SPD ou des Verts les quelques députés qui pourraient, par leur abstention, lui permettre d’être réélue chancelière. Mais son gouvernement serait alors à la merci du premier vote contraire au Bundestag (l’Assemblée nationale allemande).
L’Allemagne, ce lundi matin, 23 septembre, apparaît donc dans une situation politique inextricable, aucune coalition majoritaire ne semblant possible. Ceci se produit alors que les Allemands vont devoir progressivement sortir du rôle de la Marquise dans lequel ils se trouvent, Mme Merkel ayant réussi à convaincre une majorité d’entre eux que tout allait bien alors que la maison Allemagne prend feu progressivement. En effet, si la CDU peut affirmer qu’elle a créé plusieurs centaines de milliers d’emplois depuis 2009, jamais les inégalités sociales dans ce pays n’ont été aussi importantes et jamais la précarité n’a atteint un tel niveau depuis la seconde guerre, un quart des actifs ayant un emploi atypique (minijob, temps partiel, intérim, etc.). La démographie allemande est une des plus défavorables d’Europe. La population allemande décroît depuis 2003 avec un taux de natalité très bas (1,39 enfant par femme). Le pays apparemment le plus prospère d’Europe est ainsi incapable d'assurer le renouvellement des générations. Quant à la crise politique de la zone Euro qu’ils ont contribué à susciter, les Allemands découvrent qu’elle couve désormais chez eux aussi, un nouveau parti, l’Alternative pour l’Allemagne (AFD), militant ouvertement pour le démantèlement de la zone Euro actuelle, ratant de très peu son entrée au Bundestag.