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Billet de blog 26 février 2010

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Analyse de la crise

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Entretien e24 avec Jocelyn Jovène

30 octobre 2008

Gabriel Colletis

Professeur de Sciences économiques

Université de Toulouse 1-Capitole

http://w3.univ-tlse1.fr/LEREPS/

Analyse de la crise

JJ : quelle est votre analyse de la crise ?

GC : la crise actuelle comporte une indéniable dimension financière dont les traits saillants sont l’endettement des ménages américains (qui a débouché sur la crise des subprimes) endettement qui est loin de se limiter à l’immobilier, l’endettement des Etats-Unis, celui des États de la plupart des pays développés. Cet endettement généralisé est à l’origine d’un processus incontrôlé de diffusion des risques via la titrisation.

Mais la crise n’est ni d’abord ni centralement financière. Il s’agit d’abord et avant tout d’une crise économique et sociale.

La crise économique et sociale est nettement plus ancienne et entretient un rapport étroit avec le processus de mondialisation. Ce processus lie de façon très forte la capacité des facteurs (capital et travail) à se déplacer avec leur rémunération. Le facteur le plus mobile est ainsi le premier « servi ». Ainsi, le capital financier (volatile) est-il servi en premier. Puis sont servis les capitaux productifs (les investissements directs) et les salariés les plus qualifiés. Les moins qualifiés ou ceux qui ne le sont pas sont servis en dernier, leur rémunération étant considérée comme un « résidu ». La mondialisation conduit ainsi à une aggravation sans précédent des inégalités.

JJ : un plan de relance pourrait-il avoir une utilité ?

Quoique potentiellement utiles si orientés vers la préparation de l’avenir, d’éventuels plans de relance budgétaire ne constituent pas une réponse à la mesure des enjeux. Pire encore, les mesures d’urgence qui viennent d’être adoptées, si elles peuvent rassurer les marchés financiers pendant un certain temps, pourraient aggraver la crise économique par les prélèvements qu’elles risquent de susciter tant sur les finances publiques que sur les ménages.

Mais surtout, faute d’emprunter les voies d’une « nouvelle donne », le capitalisme sortira peut-être momentanément de sa crise actuelle mais ne connaîtra pas la mutation qui semble nécessaire pour assurer le développement des activités productives et au delà l’avenir de nos sociétés.

Une occasion historique aura alors été perdue.

JJ : quels pourraient être les éléments essentiels de cette « nouvelle donne » ?

Il s’agit de réconcilier l’économique et le social. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra remettre la finance « à sa place », c’est-à-dire au service du développement. Remettre la finance au service du développement économique et social ne pourra se faire simplement en inventant de nouvelles régulations financières. C’est par un nouveau compromis capital/travail que l’on peut sortir durablement de la crise actuelle et évoluer vers une nouvelle forme de capitalisme.

Le New Deal de Roosevelt et, plus encore, les politiques keynésiennes ont d’abord été des formes nouvelles et originales de ce compromis dont le capitalisme a besoin.

Ceci passe par une remise en cause du processus de mondialisation tel que nous l’avons décrit plus haut. Ceci passe également par la promotion d’une nouvelle « figure » du travailleur : le travailleur « cognitif ». Celui-ci n’est plus orienté vers la recherche des gains de productivité les plus élevés possible mais par sa capacité à innover, résoudre des problèmes inédits, prendre des initiatives, travailler en équipe. C’est ce travailleur dont les entreprises des pays développés ont besoin si elles veulent produire des biens et services à forte valeur ajoutée et disposer d’un avantage significatif de différenciation par rapport aux firmes des pays émergents. Démocratie salariale et efficacité économique sont désormais indissociables. Les pouvoirs publics peuvent contribuer à cet effort. Non en démultipliant les exonérations de charges sociales qui s’inscrivent dans une perspective réductrice de compétition par les coûts mais en investissant massivement dans l’éducation, la formation et un véritable dialogue social.

Il n’est pas sûr que cela soit le chemin actuellement emprunté par notre pays…

Gabriel Colletis vient de publier un ouvrage qu’il a coordonné avec Bernard Paulré : Les nouveaux horizons du capitalisme. Pouvoirs, valeurs, temps (Economica).

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