Pour mettre en œuvre le pacte vert, la Commission européenne a adopté une série de propositions pour une troisième révolution industrielle en alignant les politiques de l’UE en matière de climat, d’énergie propre et de transport durable. Mais depuis 1989 et le basculement vers la mondialisation, quelle est le la progression de la productivité, des salaires et des profits en France ? La rentabilité des capitaux employés grignote-elle les salaires et freine-elle l'industrialisation ?
Va-t-on vers une polycrise économique, géopolitique et réglementaire ?
L'économie mondiale est confrontée en ce moment à des crises parallèles et souvent liées (polycrise) : l'impact de la crise du Covid, une guerre en Ukraine, un choc énergétique, une forte inflation, des taux directeurs en hausse, un nouveau cycle de resserrement monétaire, une situation critique de l'euro par rapport au Dollar, une croissance lente, un endettement excessif.
Les marchés financiers sont eux aussi en turbulences : les introductions en Bourse sont à l'arrêt, les actions chutent, les gouvernements prévoient des emprunts records, la BCE ne soutient plus les achats des États membres. Pour la première fois de l'histoire récente, les actifs risqués tels que les actions, les contrats ou les options ainsi que les obligations d'États baissent fortement. Les investissements privés ainsi que les investissements publics ont pâti considérablement de la hausse des coûts de financement ainsi que de la forte incertitude de la guerre en Ukraine et du niveau très élevé des prix de l'énergie. Les marchés boursiers sont gagnés par un vent de panique venu du secteur bancaire.
Dans un contexte de tensions sur le pouvoir d'achat en raison de l'inflation et de montants records des dividendes versés aux actionnaires des sociétés du CAC 40, il faut parler du partage global de la valeur ajoutée entre salaires et profit. Un sujet très important que le conflit social sur la réforme des retraites laisse au second plan.
Le ralentissement de la productivité du travail.
La productivité du travail a progressé de manière régulière d'environ 1,3% de 1990 à la crise de 2008-2009. Elle a connu une chute inédite pendant la crise économique de 2,6 points. Pour la période 2010-2016, la productivité a recommencé à croître mais à un rythme de 0,9% inférieur à celui d’avant crise. Avant la nouvelle crise sanitaire, de 2016 à 2019, les entreprises françaises accumulent une productivité de +3,8%, 1,7% de cette productivité sera perdue en 2020. Depuis la crise sanitaire, d'après Dares, le niveau de productivité au travail continue de diminuer. En 2022 elle a baissé de 3% par rapport à 2019. In fine : de 1990 à 2022 la France a gagné en 33 ans en moyenne 0,85% par an.
Évolution des inégalités salariales depuis 1990.
D'après les derniers chiffres publiés par Dares, l'évolution des salaires de l'ensemble des salariés dans le secteur privé en 2022 a progressé de 2,9% pour les cadres, 3,2% pour les professions intermédiaires, 4,3% pour les employés et 4,6% pour les ouvriers. En 2019, les salaires mensuels moyens étaient : pour les cadres 2 763 €, pour les professions intermédiaires 1 484 €, pour les employés 989 € et pour les ouvriers 986 €. En 2021 d'après l'Insee, les salaires moyens atteignent 5 773 € pour les cadres, 3 261 € pour les professions intermédiaires, 2 339 € pour les employés et 2 411 € pour les ouvriers. De 1990 à 2022 les métiers ouvriers sont ceux dont les rémunérations ont progressé le plus à 149,1%, puis les employés à 140,8%, puis les professions intermédiaires à 122,9% et enfin les cadres à 111,8%.
Les salaires suivent-ils la productivité ? En règle générale, l'évolution des salaires doit suivre celle de la productivité. Pour un employeur, il ne serait pas rentable de payer un salarié plus qu'il ne lui produit par son travail, surtout dans une période de mondialisation, une concurrence des pays à bas salaires et une globalisation financière.
Notre calcul pour la France donne le contraire. Le pouvoir d’achat a augmenté plus que la productivité. En temps normal le salaire réel est croissant quand le taux de chômage chute sensiblement. Avec peu de variation le taux de chômage est resté presque identique : 7,6% en 1990 et 7,2% en 2022.
La décorrélation entre salaire et productivité s'est manifestée à partir des années 2000, la France devient un pays où l'immobilier et les services financiers occupent une place importante. Les salaires ont connu une progression nettement supérieure à celle de la productivité. Cet écart a perduré pour plusieurs raisons : pour les employés et les ouvriers la rémunération n'est plus en adéquation avec la production mais avec le partage des bénéfices. Le SMIC navigue avec l'inflation. Pour les cadres et les professions intermédiaires les salaires sont plutôt liés aux nouvelles technologies qu'à la valeur ajoutée. Une entreprise a intérêt à payer mieux ses salariés pour obtenir d'eux plus d'efforts. Pour les grandes entreprises cotées, l'excès de liquidité a bénéficié en partie aux salariés et en grande partie aux actionnaires. Pour 2022 l'évolution moyenne des salaires est de 3,8%.
De 1990 à 2022 : la cotation du CAC40 est passée de 2001.08 points à 6473.76 points soit une évolution de 223,49%.
Le 29/12/1989 la cotation du CAC40 était à 2001.08 points. Elle est passée à 6944.77 points au 4 septembre 2000 entrainée par l'euphorie des valeurs technologiques. Depuis le CAC40 a subi quatre crises majeures. L'indice a perdu 63% de sa valeur entre l’automne 2000 et le printemps 2003. Il baisse de 9,04% en octobre 2008 avec la Crise des Suprimes. Il chute de 8,04% en juin 2016 avec le vote du Brexit. Il perd 8,39% en mars 2020 avec la Crise du Covid. Le 5 janvier 2022 la cotation a atteint un point record de 7376.37 points. Les dividendes versés par les entreprises s’envolent, en hausse de 97,55% par rapport à 2020.
Renforcer la compétitivité de l’industrie.
De 1989 à 2020, nous avons assisté à la mondialisation de l'économie. En parallèle de 1995 à 2015 "le pays s’est vidé de près de la moitié de ses usines et du tiers de son emploi industrie" Nicolas Dufourcq édition, Odile Jacob. Nous entrons dans une nouvelle ère macroéconomique. Si cette situation se pérennisait, la France serait marginalisée au sein de l’économie européenne et mondiale. Pour sauver les emplois et les salaires, il faut investir massivement pour enrayer la baisse de la productivité et développer l'industrialisation de la France, en mettant la finance citoyenne au service d'une économie écologique et sociale.