Notre langue est de plus en plus envahie par une multitude d’acronymes et de mots nouveaux, inventés par on ne sait qui, pour servir à l’on ne sait trop quoi. Ils passent de plus en plus vite dans le vocabulaire usuel au point que ceux qui ne les connaissent pas ou rechignent à les utiliser sont immédiatement considérés comme des C…, vieux, cela va de soi.
On a eu EM (et EM nous a eus) ...
On a aujourd’hui REM (et REM nous a également possédés) ...
Non content(e) d’envahir les travées de l’Assemblée Nationale, il (elle) inonde notre quotidien.
C’est désormais le cas également, au centuple, avec Jupiter, son image et sa « photo », ses paroles et ses silences, ses décisions et ses calculs, obligatoirement analysés à l’aune de leurs qualités « jupitériennes ».
Ne pouvant me satisfaire de l’acronyme de la « République En Marche », je suis naturellement (et perfidement) allé chercher ce qu’il en était sur Internet, puisque, c’est bien connu, on trouve tout sur Internet, comme hier à la Samaritaine !
REM, c’est d’abord pour moi qui ai eu la chance d’être disquaire, au temps béni du vinyl, un groupe de rock américain devenu célèbre grâce notamment à un titre au succès planétaire, « Losing my religion » ...
On découvre également que ce groupe a été créé en 1980 à Athènes[1], pas l’Athènes du Zeus grec, alias Jupiter romain, et encore moins celle de notre Jupiter/Zeus à nous, cela va de soi, qui lui, vient d’Amiens. La première et la dernière lettre sont certes les mêmes mais on ne joue pas vraiment dans la même cour, mes amis amiénois me pardonneront de l’avoir écrit.
REM, c’est aussi le « Réseau Electrique Métropolitain » de… Montréal, ce qui n’est pas d’un grand intérêt pour nous Français, en dépit de l’affection particulière qui nous lie à nos cousins du Québec. Quoique… La ville de Montréal ne tire-t-elle pas son nom du Mont Royal, colline qui domine la ville, ainsi désignée par Jacques Cartier en l’honneur de François 1er ? On y est presque...
REM, c’est également le diminutif de « Réminiscence », parfum dont les effluves n’ont pas encore atteint mes narines, ainsi que l’acronyme de diverses sociétés dont l’activité va du Revêtement Électrolytique des Métaux à la Restauration, en passant par la fabrication de Rampes et Escaliers Mécaniques (superbes, soit dit en passant, et de fabrication française !) …
REM, c’est enfin un mot latin, auquel on n’accède pas directement sur internet si l’on est un visiteur trop pressé ou ignorant de la langue latine, ce qui n’est évidemment ni un défaut ni une tare.
Pour ces derniers, je précise donc que REM, c’est le RES latin à l’accusatif. Et RES, en latin, c’est la chose, l’objet. Quant à l’accusatif, c’est l’équivalent de notre « complément d’objet direct ». REM, c’est donc doublement un objet, contrairement à RES, forme nominative du mot, qui est l’équivalent de notre « sujet ».
Ceux qui, parmi les plus éminents responsables de La République En Marche[2], se sont signalés, dans une passé proche, personnellement ou à travers les propos désobligeants de certains de leurs collaborateurs, en affichant spontanément une forme de mépris[3] à l’égard de ceux qui ne sauraient pas lire et écrire, n’ignorent rien de ce qui précède.
Il semble pourtant qu’une certaine confusion règne tout là-haut, si l’on se fie aux récents propos de notre Ministre de l’Economie, pourtant hyper-instruit et hyper-diplômé, mélangeant les noms des Dieux qui peuplaient l’Olympe grec (dont Zeus et Hermes) et ceux qui composaient le Panthéon romain (dont Jupiter et Mercure).
Et, dans la période de vénération et de prosternation aveugles que nous traversons aujourd’hui, certains flatteurs ne manqueront pas de souligner que RES, c’est tout près de REX, le ROI latin, si près du JUPITER qui nourrit la plupart des commentaires politiques actuels.
D’autres, plus prosaïques, s’en tiendront à REM, l’objet, la chose, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus banal, de plus vulgaire sur notre bonne vieille Terre.
Alors ? Qui a, qui aura raison ?
Peut-être la réponse se trouve-t-elle justement du côté de Rome, la ville éternelle, qui, de Romulus, son premier Roi, jusqu’à Virginia Raggi, son dernier Maire, a traversé les siècles et les régimes politiques[4] en sachant qu’il n’y a pas loin du Capitole à la Roche tarpéienne…
Accessoirement, le mot latin RES donne REM à l’accusatif singulier, et REBUS au datif et à l’ablatif pluriels...
Le REBUS latin est à l’origine du mot français « rébus », ce « jeu d'esprit qui consiste à exprimer, au moyen d'objets figurés, ou d'arrangements, les sons d'un mot ou d'une phrase entière, qui reste à deviner » (Définition du Littré).
Ce mot ou cette phrase qui, par extension, est synonyme d’« énigme ».
Ce dernier rapprochement n’est pas dénué d’intérêt, même si, pour résoudre l’« Enigme » que représente, dans tous les domaines, la politique actuelle et à venir de notre pays, ce sont plutôt les « desseins » de notre tout puissant Dieu (au Panthéon), Pharaon (devant la pyramide du Louvre), Roi (à Versailles) et Président (à l’Elysée), Jupin 1er, et non des « dessins », qu’il nous faut décrypter...
Je sais que ce papier, personnel, hautement subjectif et très éloigné a priori de nos préoccupations quotidiennes, simple témoignage d’un citoyen « non REMiste »[5] et « non Constructif »[6] qui refuse « la musique qui marche au pas »[7], ne changera absolument rien à la politique actuelle, mais au moins donnera-t-il peut-être à certains l’idée de se (re)plonger dans les mythologies grecque et latine.
Ce sera toujours ça de pris, et, qui sait si ça ne servira pas un jour…
Gabriel Paillereau
[1] « Athens, Georgia », la fameuse Georgia de « Georgia on my mind », l’inoubliable chanson de Ray Charles.
[2] Qui, pour la plupart, ont probablement « fait leurs Humanités ».
[3] Corrigée par des excuses à retardement.
[4] De la Monarchie à l’Empire en passant par la République, si l’on s’en tient à la seule Antiquité.
[5] A ne pas confondre avec « RMIste » !
[6] Pour reprendre les appellations à la mode, étant entendu que le fait de ne pas être adepte des "Constructifs" n'empêche pas d'être constructif, tout simplement et fort heureusement.
[7] Celle à laquelle faisait référence Georges Brassens dans « La mauvaise réputation ».