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Billet de blog 4 décembre 2015

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Haro sur Orbán !

Les citoyens européens attachés aux valeurs démocratiques de l’Europe ne peuvent plus admettre les dérives de l’homme fort de Hongrie. Une Initiative citoyenne est lancée.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Diplômé en droit, le jeune Viktor Orbán reçoit une bourse de la Fondation Soros pour étudier la philosophie libérale britannique à Oxford. C’était en 1989, un an après avoir participé à la création de l’Alliance des jeunes démocrates Fidesz. Il avait 24 ans, anticommuniste, il luttait contre la domination soviétique. Jeune député en 1990, il devient vice-président de l’Internationale libérale puis, en 1992, il devient président de l’Alliance des jeunes démocrates-Parti civique hongrois (Fidesz-MPP). En 1998, il occupe la fonction de Premier-ministre, à 36 ans.

Irrésistible ascension d’un jeune libéral qui devient progressivement de plus en plus conservateur, populiste, dégraissant l’administration publique et les aides sociales, faisant entrer son pays dans l’OTAN. Malgré ses bons résultats économiques, il perd le pouvoir pendant quelques années avant de le retrouver avec une confortable majorité en 2010, à la tête de sa formation Fidesz coalisée avec le Parti populaire démocrate-chrétien KDNP.

Premier-ministre à nouveau, il fait taire l’opposition de gauche en promulguant une loi de contrôle des médias qui suscita de forts remous dans toute l’Europe ce qui l’obligea à l’amender quelque peu, mais elle reste très critiquée. L’année suivante, Viktor Orbán se lâche dans une nouvelle Constitution, la Loi fondamentale de la Hongrie, très conservatrice, avec références aux racines chrétiennes (Orbán est calviniste), à « l'histoire millénaire » du pays, à l'affirmation du mariage entre un homme et une femme et à la protection de la vie dès son commencement - ce qui remet en cause l'interruption volontaire de grossesse. Ajoutons à cela la surveillance policière d’allocataires de l’aide sociale et du chômage dans des « camps de travail » obligatoire pour eux - ce sont principalement les « Roms » qui sont visés - et la possibilité d’expulser les SDF des lieux publics.

Le tout sur fond de politique économique et sociale ultralibérale. D’ailleurs, il affirme clairement vouloir dépasser le libéralisme historique et être intéressé par des systèmes non démocratiques.

L’Europe commence enfin à s’inquiéter quelque peu de ce chef de gouvernement qui ne veut pas se conformer aux règles et aux valeurs proclamées par l’Union.

Permis de tirer sur les réfugiés

Le problème Orbán culmine avec ses décisions nombreuses concernant les migrants, en septembre de cette année : la gare de Budapest-Keleti leur est interdite pendant plusieurs jours, ils sont fallacieusement embarqués dans un train les amenant à un camp de transit pour leur enregistrement, une barrière entre la Hongrie et la Serbie est construite, une peine d'emprisonnement pour franchissement illégal de la frontière est prévue et la Hongrie refuse les quotas européens pour la répartition des réfugiés. Orbán présente ces réfugiés musulmans comme un danger pour la civilisation européenne.

Pire : le 21 septembre 2015, une loi renforce les pouvoirs de l'armée et de la police à l'égard des migrants, elle autorise l'armée à utiliser tout moyen de contrainte, notamment balles en caoutchouc et engins pyrotechniques, mais pas en vue de tuer ! Le commissaire pour les droits humains du Conseil de l’Europe vient d’ailleurs de publier un rapport sévère sur les agissements de la Hongrie envers les réfugiés et les migrants. Les mesures prises par ce gouvernement rendent très difficile la protection internationale et criminalisent de manière injustifiable ces migrants et réfugiés, souligne-t-il. (Voir http://bit.ly/1HsiZfU)

 L'ancien commissaire européen Louis Michel, un libéral pourtant, déclare que l'Union européenne doit suspendre le droit de vote de la Hongrie au Conseil. Il ajoute qu'en « tirant sur ces personnes vulnérables venues chercher protection, Viktor Orbán renie nos principes les plus fondamentaux. »

Et Louis Michel de proposer la création du « mécanisme de Copenhague » qui permettrait à « un groupe de sage, pas des politiques », d'évaluer la manière dont la Charte des droits fondamentaux est appliquée par les États membres de l'Union.

« Wake up Europe ! »

La pression politique des Etats membres de l’Union étant bien faible, personne au Parti Populaire ne veut prendre le risque d’une diminution de la majorité au parlement européen en excluant la Hongrie, des citoyens ont pris le relais.

La Fédération Humaniste Européenne (FHE) a lancé une campagne « Wake up Europe ! », une initiative citoyenne pour protéger la démocratie en Europe. Des citoyens issus de sept Etats membres de l’Union doivent récolter un million de signatures avant décembre 2016. Ils veulent demander à la Commission européen de mettre en œuvre l’article 7 du Traité de l’Union Européenne, qui permet de constater une violation grave et persistante par un Etat membre des valeurs démocratiques précisées dans l’article 2 de ce Traité. Ainsi, des sanctions peuvent être mises en place en ce compris la suspension du droit de vote de la Hongrie au Conseil.

En signant cette pétition, les citoyens européens rappellent les valeurs qu’ils veulent voir présider à l’avenir de l’Europe :  www.act4democracy.eu

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