Jeune journaliste, au journal La Cité en 1972 à Bruxelles, j’appris que parmi nos collaborateurs de presse il y avait un homme déjà âgé, liégeois, ancien rexiste. Il avait l’air tout à fait pacifique et nous expliquait qu’il s’était trompé sur le personnage de Léon Degrelle, fondateur de Rex, qu’il y avait cru au début comme des milliers d’autres Wallons. Et puis, quand le vrai visage de Rex, collaborateur de l’occupant, s’est montré, quand enfin l’église catholique de Belgique prit position ferme contre lui, il abandonna ses illusions et cette idéologie fasciste.
J’appris ainsi le double sens du mot collaborateur et qu’il fallait être prudent lorsqu’on l’utilise dans nos articles tant la charge historique et émotionnelle était explosive, même à retardement.
Ces derniers jours, ce mot a résonné très fort dans les médias et dans les hémicycles parlementaires belges. La mémoire a frémit. Des souffrances inimaginables ont ressurgit lorsque furent publiés les messages racistes de certains fils de collaborateurs, en Flandre cette fois. Le « plus jamais cela » vacille.
Plus que jamais, il nous faut reparler du triangle rouge.
Ce triangle rouge, marque des prisonniers politiques durant la dictature nazie, comme l’étoile jaune le fut pour les Juifs et le triangle rose pour les homosexuels, est porté par de plus en plus de monde aujourd’hui. Message discret mais clair que la lutte contre l’extrémisme de droite continue. Preuve que la résistance est toujours là, pacifique mais résolue, argumentée par la connaissance de l’histoire et de ses pages les plus tragiques.
L’ASBL Territoires de la mémoire, située à La Cité Miroir à Liège, est un centre d’éducation à la résistance et à la citoyenneté. Pour les plus jeunes comme pour les adultes de notre société, elle propose une exposition magnifiquement réalisée, très pédagogique, qui, à travers le personnage d’un journaliste, relate ce qui s’est passé en quatre épisodes : la montée des fascismes, et donc le Rexisme, le VNV et Verdinaso et l’antifascisme belge ; la résistance à l’occupant ; l’univers concentrationnaire et enfin, le devoir de vigilance.
Une exposition que devraient parcourir les jeunes journalistes afin de s’imprégner du sens historique de certains mots avant de les utiliser dans leurs médias. Un excellent dossier pédagogique « Construire l’avenir », permet aux enseignants pour les 15 ans et plus de se préparer à devenir de véritables citoyens, conscients que leurs droits proviennent de combats pour la démocratie, pour le bien de tous et pas seulement de quelques uns plus forts ou mieux nantis.
Le triangle rouge comme outil de combat pour l’avenir de notre démocratie permet le travail de mémoire, la construction de l’esprit critique face aux propagandes modernes d’une extrême droite très bien outillée pour désinformer, pour séduire les crédules, les laissés pour compte de notre démocratie et de notre modèle social en péril.