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Billet de blog 22 août 2025

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Contre les déserts médicaux en Bretagne, une autre fiscalité est possible

Les années 2024 et 2025, dans l’Ouest des Côtes-d’Armor ainsi qu’en Centre-Finistère, ont été marquées par une succession de mobilisations en faveur de l’hôpital public et, plus largement, de l’accès aux soins. À l’approche des élections municipales, tandis que s’esquissent les sénatoriales et que bruissent les rumeurs de dissolution, il est essentiel de porter haut ces initiatives.

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Contre les déserts médicaux en Bretagne (et ailleurs !) une autre fiscalité est possible !

Les années 2024 et 2025, dans l’Ouest des Côtes-d’Armor ainsi qu’en Centre-Finistère, ont été marquées par une succession de mobilisations en faveur de l’hôpital public et, plus largement, de l’accès aux soins, qu’il s’agisse de la médecine de ville ou de la médecine spécialisée. Si les organisations syndicales hospitalières y ont pris part, les collectifs citoyens, sous diverses formes, ont largement contribué à ces dynamiques, notamment à Guingamp, Lannion et dans la région de Carhaix.

Si, comme ailleurs, certains élus ont accompagné ces mobilisations, ces deux années auront surtout marqué l’irruption d’une multitude d’élus locaux, en grande majorité municipaux, dans l’arène publique et dans la construction d’un rapport de forces qui s’inscrit désormais dans la durée.

De la signature d’arrêtés municipaux exigeant de l’État un plan d’urgence pour garantir l’accès aux soins, aux convocations devant le Tribunal administratif de Rennes pour avoir eu le courage de prendre de tels arrêtés, en passant par les conférences de presse, la présence dans les cortèges ou encore la collecte de cahiers de doléances, ils et elles n’ont cessé de rappeler leur légitimité à être partie prenante des décisions qui engagent l’avenir du système de santé.

Être consultés, cela signifie pour eux, comme pour nous, un véritable dialogue fondé sur des propositions et des exigences légitimes portées par les communes et par les habitants qui les ont élus. Et non une convocation en préfecture ou à l’ARS pour se voir annoncer, sans débat, des décisions arrêtées ailleurs par des technocrates mandatés par le gouvernement central.

Aujourd’hui, plus personne ne peut décemment contester que l’État, en manquant à son devoir de garantir un accès équitable aux soins, a failli à ses obligations les plus fondamentales.

Comme le soulignait récemment le Club des juristes à propos de la mobilisation des maires costarmoricains : « Les maires veulent surtout être informés, consultés, écoutés et suivis. Au-delà des textes, ils se sentent investis d’une mission générale de protection du bien-être de la population locale et d’un rôle de lanceurs d’alerte. »

Et les faits leur donnent raison : partout, les communes, souvent par le biais des intercommunalités, financent à leurs frais une part substantielle des investissements pour construire des maisons de santé. L’État, de son côté, complète ces financements et se prévaut, par la voix de ses préfets, d’une action volontariste. Mais à quoi bon ériger des bâtiments flambant neufs si ceux-ci demeurent désespérément vides de médecins libéraux ? La population n’a pas besoin d’effets d’annonce : elle attend des solutions concrètes.

Un exercice de fiscalité participative !

Pour répondre à ce fort désir de la population locale et des élus à avoir leur mot à dire sur les politiques de santé qui impactent leur vie quotidienne, j’ai imaginé une loi permettant de relocaliser l’impôt en sanctuarisant une partie des revenus fiscaux émanant de ce qui restent des impôts locaux. C’est mon exercice de fiscalité participative.

Il s’agit de créer sur le modèle du financent de l’Etablissement Public Foncier « Foncier de Bretagne » un Etablissement Public Régional de Santé. Il serait financé par une taxe sanitaire spéciale (TSS) affectée au financement de  l’Établissement public de santé régional (EPSR).


 La TSS n’est pas un impôt additionnel visible directement par le  contribuable, mais une quote-part intégrée aux impôts directs locaux suivants : 

  • La taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les logements vacants
  • La taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;
  • La taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB)
  • La cotisation foncière des entreprises (CFE).

L’objectif serait par ce biais de :

  • Financer des contrats de travail de médecins exerçant dans le cadre du service  public hospitalier ou des centres de santé gérés par la région ou les collectivités locales ; C’est à dire  des structures de santé associatives à but non lucratif, reconnues d’intérêt général, intervenant sur son territoire et répondre ainsi à la crise de la médecine libérale.

Beaucoup d’initiatives comme le salariat des médecins par la Région Occitanie et l’ouverture croissante  de centre de santé publics démontrent l’efficacité d’un pilotage territorial renforcé pour lutter contre les déserts médicaux via le salariat. On notera que si les médecins libéraux sont réticents à s’installer dans les zones peu attractives, un nombre non négligeable d’entre eux sont favorables au salariat à temps partiel dans des zones sous-dotées, contribuant ainsi à un accès équitable aux soins.

  • La création, la gestion ou la contractualisation avec des structures assurant des services publics de santé, d’hygiène et de désinfection à l’échelle régionale pour lutter contre l’habitat indigne, première injustice du quotidien pour l’accès à la santé.

En effet dans les communes de moins de 50 000 habitants il n’y a pas de service d’hygiène chargé de valider ou non la mise sur le marché de biens privés sur des critères de dignité et d’insalubrité. Il y en a près de 60 000 en Région Bretagne. C’est la première injustice et difficulté du quotidien pour l’accès à la santé.

  • Le financement de dispositifs de formation initiale ou continue en médecine, soins infirmiers et professions paramédicales, au bénéfice de candidats originaires de la Bretagne, conditionné à un engagement contractuel d’exercice professionnel d’une durée minimale de dix ans sur  le territoire régional ;

Ce dernier point est motivé par les études sur l’installation des médecins en zones rurales soulignent que l’origine rurale est le principal facteur prédictif : être né et avoir grandi en milieu rural favorise l’exercice dans ces zones.  Certains pays, comme l’Australie, ont adopté une politique proactive de sélection des étudiants en médecine à partir de zones rurales. Dans l’hexagone, les jeunes des zones médicalement sous-dotées rencontrent des obstacles liés à l’éloignement des facultés, au coût des études et au manque de confiance en leur réussite, freinant leur orientation vers la médecine.

Combien cela peut-il rapporter ?

L’Établissement Public Foncier de Bretagne dispose, par le biais de la Taxe Spéciale d’Équipement (TSE), de la faculté de percevoir entre 10 et 20 euros par habitant de la région administrative de Bretagne (et non de la Bretagne dite « historique »). Si le futur Établissement Public de Santé Régional (EPSR) se voyait octroyer un mécanisme identique, ce serait une ressource annuelle estimée entre 35 et 70 millions d’euros. À l’heure où le gouvernement de François Bayrou, dans la droite ligne de ses prédécesseurs, contraint les collectivités locales à une austérité budgétaire accrue, il est légitime d’affirmer que cette manne financière et sa juste affectation constituent un enjeu majeur pour les élus bretons.

Pourquoi la Bretagne ?

Cette initiative s’ancre dans une dynamique politique régionale affirmée. En avril 2022, le Conseil régional de Bretagne a adopté, à une majorité écrasante (75 voix sur 83, le Rassemblement National s’y opposant, révélateur de la nécessité d’un cordon sanitaire), un vœu réclamant une autonomie législative, réglementaire et fiscale.

En novembre 2024, Delphine Alexandre, vice-présidente communiste du Conseil régional en charge de la santé, déclarait au nom de la majorité :

 « La Bretagne est capable, avec ses élus locaux, d’assumer ce que Paris ne sait plus accomplir. Mais cela sera difficile et long. Nous ne ferons ni fausses promesses ni faux espoirs, si aisés à susciter face à la détresse de tant de nos concitoyens. Nous n’avancerons qu’avec les moyens financiers et réglementaires indispensables. »

La Bretagne a donc, à plusieurs reprises, exprimé sa volonté d’autonomie, volonté qui s’inscrit dans le droit à l’expérimentation reconnu aux collectivités territoriales par l’article 72 de la Constitution. Cet esprit rejoint la logique des compétences déjà dévolues à des collectivités à statut particulier : ainsi le Conseil de Paris, qui perçoit une surtaxe sur les résidences secondaires, ou la Métropole de Lyon, compétente en matière de lutte contre l’habitat insalubre.

Rien n’interdit, au demeurant, comme le propose ce texte, d’étendre après évaluation cette fiscalité locale sanitaire expérimentale à toutes les collectivités volontaires.

Le 25 juin dernier, à Rennes, le Conseil régional de Bretagne a débattu de cette proposition de loi conférant à la région des compétences fiscales expérimentales pour lutter contre les déserts médicaux.

À l’occasion d’une question de Christine Prigent, conseillère régionale écologiste du groupe « Bretagne à Gauche » (UDB et Ensemble sur Nos Territoires), sur la santé mentale des jeunes et la prévention du suicide, l’ensemble du dispositif, Établissement Public de Santé Régional et Taxe Sanitaire Spéciale, a été exposé dans l’hémicycle.

Delphine Alexandre, en réponse, a salué une proposition qui a « le mérite de l’ambition, de l’enthousiasme et de poser les problématiques ». Elle a précisé qu’elle était soumise à l’examen des services juridiques du Conseil régional et qu’elle s’accordait pleinement avec la quête d’autonomie portée par la majorité. Elle a conclu en saluant une « proposition ambitieuse, enthousiaste et bénéfique pour la Bretagne et pour la santé en Bretagne ».

Cette prise de position, à la fois prudente et résolue, au nom de la majorité régionale, confirme que la proposition de loi résonne avec une attente profonde : celle d’élus déterminés à garantir un égal accès aux soins pour toutes et tous, sur l’ensemble du territoire breton.

De surcroît, de nombreux maires et élus locaux ont déjà manifesté leur intérêt ; les réunions publiques se multiplient, signe tangible que la société civile s’en empare.

À l’approche des élections municipales, tandis que s’esquissent les sénatoriales et que bruissent les rumeurs de dissolution, il me paraît essentiel de porter haut cette initiative. Elle répond aux aspirations légitimes des professionnels de santé, aux défenseurs du service public, aux usagers et aux hospitaliers mobilisés, mais aussi, et surtout, à celles de nos concitoyens, nombreux, qui se trouvent aujourd’hui désemparés par l’effondrement de la chaîne de soins.

Je vous appelle donc à vous mobiliser : signez, avec vos identifiants France Connect, sur le site du Sénat afin que cette proposition de loi prenne racine et prospère. Parlez-en autour de vous, relayez-la. Ensemble, faisons en sorte que la Bretagne ouvre la voie et que la santé redevienne un droit effectif, partout et pour toutes et tous.

 Le résumé de tout ça en video en 3 mn !

Pour l'accès aux soins pour toutes et toutes, partout en Bretagne ! Décidons ici ! © Un statut pour la Bretagne

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