J’ai vraiment peur désormais, au lendemain des attentats. Hier je n’étais qu’inquiet. J'ai peur lorsqu'au cours de réunions publiques la foule bat des mains aux menaces autoritaires des extrémistes de tous poils.
Peur pour ceux qui prennent des responsabilités collectives, ceux qui nous informent, ceux qui nous protègent, enfin tous ceux qui font métier de veiller sur nos libertés.
J’ai peur pour nous aussi.
PEUR DE QUOI ?
J’ai peur de ne plus pouvoir parler librement avec quiconque. J’ai peur de ne plus pouvoir contredire celui qui met ma liberté en péril sans que moi et mes proches soient de ce fait mis en danger. Or je sais de quoi je parle pour avoir vécu en Espagne franquiste et Algérie policière, ce qui m’avait mis plus que la puce à l’oreille. J'avais lu Orwel, Kravchenko, Soljentsyne. Je lis les témoignages Syriens, Turcs et d'ailleurs. J'écoute les propos de Trump, des droites dites fortes européennes ....
J’ai vraiment peur désormais parce qu’après la disparition de la menace totalitaire à peu près partout sur la planète deux autres menaces se précisent et gagnent notre coin de paix relative en Europe. Peur aujourd’hui car, après avoir gangrené une partie de l’Afrique et du Moyen Orient, un quarteron instrumentalise une jeunesse sans avenir au nom fallacieux d’une foi dévoyée. Or le mal s’étend comme on le voit aujourd’hui.
Peur aussi chez nous. Car une frange de l’opinion grandissante se tourne vers des options xénophobes et autoritaires attentatoires aux libertés. Ces gens sont légitimement effrayés et bousculés par la régression économique et sociale. Ils sont aussi orphelins de dirigeants porteurs d’un projet pacifique crédible. Alors ils se donnent à des dirigeants « à poigne », nostalgiques des régimes autoritaires. Ceux-ci promettent ouvertement ou implicitement « d’agir » avec fermeté. Ils soufflent sur les braises mais à quel prix précisément pour nos libertés et au prix de quelles violences et entorses aux règles démocratiques à leur tour. Déjà, avec eux, une partie de la foule crie vengeance, appelle au talion.
Pour ces raisons, j’ai peur que tous les gens de Charly, que Bernard Maris, les policiers, et les suivants ne soient tombés en vain, que leur proches souffrent en pure perte. Même si les premiers furent parfois outranciers, ils défendaient nos libertés.
COMPLICE
Ecrivant ces lignes, j’ai peur pour moi même. Car j’ai lu ici où là que le simple avis exprimé contre la loi du talion et pour contredire les matamores me rendait suspect à leurs yeux, complice en conséquence. J’ai peur de défendre sans autre arme que la plume ou la parole de tout ce qu’ils m’aiment pas : journalistes, juges, intellectuels, écolos, tolérants, amoureux de la liberté, relativistes, partisans de la prévention plus que de la répression et du gaspillage des ressources naturelles, faibles baptisés par eux d’assistés. J’ai peur que cette complicité me fasse basculer parmi les coupables et me mette à la merci des milices et polices politiques s’ils arrivent au pouvoir. Ils l’ont déjà fait et recommenceront comme ils le font déjà ici où là.