On commence à découvrir au fil des débats quelle est la sociologie qui sous-tend les options les plus conservatrices en matière d'évolution de l'enseignement secondaire, programmes et méthodes.
Comprenons bien. Il ne s'agit pas de rejeter les arguments en raison de la qualité des personnes qui les avancent. Il s'agit de chercher à qui peut servir le maintient du statut quo étant constaté suffisamment désormais qu'il dessert le plus grand nombre .
Car enfin il faut cesser de s'adresser à ceux qui tirent profit d'une institution, d'une activité économique ou de l'état du droit pour chercher auprès d'eux les clefs d'une réforme du champ dans lequel ils agissent. Ils ont intérêt au maintien en l'état, voire au renforcement de la situation qui les fait "élite". Il en est ainsi en matière de santé, de finance, d'énergie et d'enseignement et assurément dans bien d'autres domaines …
Or il s'avère à l'examen qu'une caste d'élus des cursus académiques entend consciemment ou inconsciemment (suis-je plein de mansuétude) défendre ce qui expliqua son statut qu'elle estime légitimement avoir mérité de par ses efforts . Pour d'autres, la question ne se pose même pas, le statut étant comme un droit héréditaire confirmé par la réussite scolaire, de génération en génération.
Dans les deux cas il importe donc de défendre et d' illustrer l'élitisme scolaire comme autojustification d'un rang social lié en fait mais de manière inavouée à une heureuse naissance économique et/ou culturelle. Au besoin on trouvera un exemple de fils du peuple accédant au pinacle par la vertu de son travail, de sa volonté et de la bienveillance familiale pour masquer les chiffres fâcheux des enquêtes démontrant l'irréalité de ce poncif. Plus ce statut "d'élite" se dévalorise pour cause du succès triomphal de l'élitisme financier héréditaire (lire Piketty), plus l'amertume ressentie tend à pousser au raidissement des défenseur de l'empire académique en décrépitude relative. CF Finkielkraut.
Comme d'ordinaire les défenseurs les plus fervents de ces thèses sont ceux qui, ayant fourni le plus d'effort pour la réussite (les fils des plus humbles souvent), attendent le plus de reconnaissance compensatrice. On ne leur en veut pas, c'est légitime. Les autres n'ayant rien à défendre pour être bien nés n'éprouvent pas le besoin d'agir vraiment. Le type le plus accompli étant l'agrégé : lourdes études longues et stressantes car aléatoires et privatives pour la plupart d'une partie du temps de l'état de jeune adulte consacré d'ordinaire à des activités plus plaisantes que la fréquentation des grimoires. Ce sont souvent les défenseurs des savoirs les plus académiques et du maintien de leur transmission par des voies magistrales archaïques prétendues avoir fait leurs preuves puisqu'elles présidèrent précisément à leur propre succès.
Ces gens se retrouvent alors, quoique destinés à la défense et illustration des humanités, en situation paradoxale, voir contradictoire, d'avoir à rouler avec les plus conservateurs en matière politique pour défendre leur statut. Situation intimement déchirante qui les rend encore plus mordants car parjures à leur vocation qui les destinait au partage de la culture avec le plus grand nombre en qualité de fils du peuple eux mêmes.
Achevons par une comparaison avec le personnel politique :
Les plus mordants, les plus vindicatifs sont la plupart du temps de même essence. Faute de sang bleu, ils se doivent d'acheter leur appartenance à l'élite à laquelle ils aspirent par plus d'engagement et parfois hélas d'outrances, à raison de l'âpre concurrence.
On vous propose alors un jeu : pour ne heurter personne ici et finir avec une pointe d'humour certes un peu pervers. Cherchez dans le personnel politique des gouvernements d'aujourd'hui et sortants ceux qui se durent de céder à ces pratiques de surenchère pour mériter leur strapontin ou leur ... trône, pour égaler ceux dont ils souhaitaient égaler l'éclat.
Ah ! Lafontaine pourquoi n'es-tu plus parmi nous, toi, tes grenouilles et des bœufs ?