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Billet de blog 29 mars 2020

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DESINDUSTRIALISATION ? POUR QUI ?

Publié voici dix ans, ce papier est d'une cruelle actualité. Je n'avais pas prévu tout, à chacun son métier. Ces lignes sont l'écho des écrits de gens bien plus compétents. Tout va bien mais pour qui ?

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Publié le 13 décembre 2010 par Gaëtan CALMES
D’ici très peu nous n’aurons plus rien à vendre à l’étranger, ne produisant plus grand-chose et ayant vendu aussi les savoir-faire. Après avoir épuisé notre capacité d’endettement nous accélérerons la régressions en termes de niveau de vie et se posera alors la dramatique question de sa répartition sans violence d’état.
C’est vrai qu’avec des coûts de production largement supérieurs aux coûts des nouvelles nations industrielles on voit mal que faire. Fermer les frontières unilatéralement serait probablement proche du suicide.
Dire « c’est la mondialisation » correspond à une forme de réalité mais reste essentiellement une tromperie. Elle n’existe que par la volonté de ceux qui ont œuvré à son arrivée. Demander par qui elle a été voulue est donc opérationnel : il ne faut plus leur confier le gouvernail.
Cherchons donc dans le passé immédiat.
QUI VOULAIT L’OUVERTURE DES MARCHES PAR MONDIALISATION ?
• Les peuples du tiers monde afin d’exporter pour financer leur industrialisation et sortir de la misère. Ils s’appuyaient surtout sur leurs faibles couts de main d’œuvre et l’absence de contraintes écologiques, sociales et sanitaires. Ils ont eu l’outil mais peu de résultats ou des résultats largement captés par les castes dominantes locales . Voir : http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2012/12/07/grand-ecart-salarial-entre-les-economies-asiatiques-et-occidentales_1801532_3234.html
• Les industriels occidentaux pour exporter leur production domestique et profiter des faibles coûts de production pour conquérir des marchés après qu'ils eussent fait pression sur le tissu des PME sous-traitantes. L’affaire s'est retournée contre eux bien souvent, le savoir-faire ayant été capté. Ce fut une politique de court terme dont nous payons les intérêts à travers nos déficits commerciaux.
• Le monde de la finance pour profiter d’opportunités plus larges et améliorer les rendements des placements financiers (investissements productifs et/ou pure spéculation, fiscalité attrayante voire nulle). Ce sont les seuls bénéficiaires réels aujourd’hui avec ceux qui les suivent. Ce fut aussi une politique de court terme dont nous payons les intérêts à travers nos déficits commerciaux et notre endettement auprès des mêmes banques.
• Les mafias et oligarchies pour s’affranchir des contraintes économiques de tous ordres et faire fructifier comme ci-dessus leurs revenus. Voir § précédent.
• Les penseurs libéraux pour vérifier in vivo leurs thèses. On les entend moins désormais. Aussi n’en parlerons-nous plus ici.
Tous semblaient d’accord effectivement. C’est pourquoi ce fut fait mais les gains furent inégaux
QUI A GAGNE ? - DES GAINS INEGAUX
Les nations du tiers monde devenues émergentes ont su tirer parti du jeu et l’ont fait à deux conditions.
A l’intérieur elles ont freiné souvent autoritairement avec le concours des oligarques et des mafias les augmentations de pouvoir d’achat. Pour l’extérieur elles ont entrouvert leurs marchés contre échange de technologie et de compétence.
On entendait alors en France et ailleurs des tartarinades « Nous on n’a pas de pétrole mais des idées » ou plus tard « Notre richesse et notre avenir est dans la matière grise et les services et pour longtemps ». C'était faux à moyen et long terme. J’ai suivi de l’intérieur le bradage du savoir-faire pour conquérir à court terme et de manière non durable des marchés pour satisfaire les ratios de cash des financiers. Pour signer des marchés nous avons transmis le savoir-faire.
Ces nations ont bien fait au moins à court terme car on s'interroge sur ce qu'elles feront de leur production lorsque les marchés occidentaux seront taris, faute d'avoir encore sur leur territoire une production marchande suffisante pour assurer mode de vie consumériste et pourvoir d'achat.

Les nations occidentales ont joué à court terme comme les directions financiarisées de leurs entreprises.
Dans l’ambiance néo libérale, elles ont renoncé à toute politique économique réelle, fut-elle simplement incitative, se cantonnant à des politiques de défiscalisations essentiellement clientélistes. Elles ont laissé vendre de moins en moins de cambouis et de plus en plus de savoir-faire. Quelle université publique ne montrait pas fièrement ses étudiants exotiques s’écriant « Voilà les futurs clients de nos entreprises » ? Ce furent des chevaux de Troyes (on dit benchmarking en now-langue).
Ne vendant plus ou plus rarement il fallut s’endetter pour maintenir le niveau de vie. Aux Etats-Unis les ménages le firent en direct. L’Europe fut plus contrastée, certains états s’impliquant plus directement dans la dette. Voici trois ans à peine notre président vantait encore la pratique étasunienne d'endettement massif des particulier, libéralisme au petit pied oblige. Qui tire profit de cet endettement public et privé et en fait, de plus, un outil de chantage sur les gouvernements (too big to fall).
Aujourd’hui les créanciers rechignent. Parlons-en.
Le système financier s’était lassé d'attendre les résultats : il a pris le pouvoir avec la complicité des cadres dirigeants.
Des dividendes ridicules à 2, 3 péniblement 4 % engrangés par l'industrie pendant les 30 glorieuses semblèrent bientôt ridicules à qui voulait plus sans se salir les mains. D'autant que les ingénieurs en réclamaient une partie importante pour financer l'investissement productif. Pendant ce temps des génies de la finance commençaient à sortir du 10, 15 % avec des produits sophistiqués permettant d’engranger stocks options et bonus divers, sans avoir ingénieurs et salariés en travers du chemin. Avec de telle marges, on peut acheter grassement la fidélité docile du petit personnel et surtout des cadres dirieants(voir Goldman Sachs).
Grace à des montages sophistiqués et une ferme déréglementation « pour faire face à la concurrence planétaire des autres » pour « créer de la valeur pour l’actionnaire à court terme », on mit aux commandes des financiers à la place des ingénieurs.
Puis on entreprit illico de vider les entreprises occidentales de leur équipements, carnets d’adresses, fichiers clients, immobilier, savoir-faire, brevets et autres éléments de patrimoine, que l’on recycla notamment par la délocalisation et via des fonds spécialisés dans le siphonage.
On plaça enfin des hommes liges aux commandes politiques des états importants et de l’Europe.
C’est le seul groupe qui tire profit de la situation d’aujourd’hui avec les mafieux, oligarques et penseurs néo libéraux.
C’est pourquoi il faut au moins les avoir sous surveillance. Il semblerait que l’on ne s’en donne pas vraiment les moyens en dépit des déclarations martiales périodiques de certains. Ni G20, ni Europe, ni gouvernement Américain ne résistent vraiment aux lobbys financiers. Le souhaitent-ils vraiment d’ailleurs en vient-on à s'interroger ?

TOUS IMPLIQUES DANS LA GLISSADE

Ceci n’absout pas les corporatismes de tous ordre :

Ceux qui sous le couvert honorable du service public ont discrédité l’état et ses serviteurs auprès de l’opinion publique. Ils ont mis à mal la confiance dans les institutions en les transformant en outils à leur service.
Je parle aussi des professions libérales, de santé et de service. Elles ont, avec la distinction qui les caractérise, sans défiler mais en vendant leurs suffrages, contribué à l'avènement du néo libéralisme.
Les premiers capitalisaient dans la sécurité d’un statut sclérosant. Les seconds parasitaient avec les premiers les efforts de production du tiers état industriel qui, le nez dans le guidon, s'évertuait en vain à préserver les marges.
Aucun n'a vu venir la menace extérieure, occupés qu’ils étaient à protéger leurs « droits acquis » pour les uns et « la reconnaissance » sonnante et trébuchante « de leur statut d’élite » pour les autres.
Les dirigeants de PME, aveuglés par la peur du rouge sont restés politiquement fidèles aux familles politiques régnantes de droite qui les ont bernés. Galériens sous-traitants du système ils ont sombré sous les coups des donneurs d'ordres et aujourd'hui de leurs banquiers.
Ceci n’absout pas les ingénieurs et ceux des ateliers.

Ils créaient la richesse collective. Ces chiens et chats s’opposaient souvent mais ils se retrouvaient unis autour de l’outil industriel. Penchés sur leurs calculs, leur logistique, leur qualité-produit, leur productivité, empêtrés avec des syndicats envahissants mais somme toute pacifiques, ils n’ont pas vu les coups venir et, de type soumis, ont fait confiance.
Ils ont commencé par laisser le pouvoir aux gens du marketing au temps des gadgets. Puis ils ont laissé ceux-ci faire alliance avec les gens de la finance depuis l’ère radieuse de la création de valeur pour l’actionnaire. Dès lors ils ont perdu la maîtrise de leur destin et nous avec eux.
Pourtant, eux savent ce que construire à long terme veut dire. Mais on ne leur demandera pas : "le marché y suffira" nous assénaient économistes et mercenaires du libéralisme à tout crin.
Il est peut-être encore temps qu’ils renversent les coalitions pour sauver ce qui peut l’être comme certains officiers dans certaines armées de pays de dictature prennent conscience du jeu sordide qu'on leur fait jouer et désertent. Pour l'heure on ne voit pas grand-chose frémir.
Ceci n’absout pas grand monde et n'est pas fini :
« J’ai assisté au glissement et n’ai rien fait ni dit. J’étais centré moi aussi sur mon court terme. Je n’ai pas même pensé alors que nous irions jusque là : au bord de la tiers mondialisation et d’un état autoritaire, le nez dans le guidon. »
Le processus s'accélère et s'achèvera bientôt, les derniers bijoux de la famille étant vendus. Il est question de vendre la technologie nucléaire à quelques clients du Moyen Orient. Airbus sera bientôt concurrencé par des avions asiatiques copiés-collés, l'industrie automobile achève sa délocalisation en échangeant sa technologie contre le droit de construire chez les oligarques de nations émergentes. D'ici peu, les détenteurs du savoir-faire seront en maison de retraite et nous ne serons plus autonomes, même potentiellement. D'autres expliquent par ailleurs les dommages écologiques de la déréglementation. je n'y insisterai pas.
J'ai connu cet état de dépendance et de casse écologique voici quelques décennies dans des pays dits en voie de développement. C'est économiquement très difficile. C'est de même humainement très difficile mais en outre et peut être surtout profondément humiliant.
C'est enfin toujours une situation dans laquelle les libertés fondamentales sont atteintes. Nous sommes d'ailleurs déjà en présence des prémices de cette situation. Voir "Qui nous dirigea vraiment" sous http://cli.gs/Wyty8y

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