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Billet de blog 17 juin 2023

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Sur LinkedIn, la médiocrité ordinaire

Peu après son arrivée en France, LinkedIn a très vite remplacé le désormais complètement oublié Viadeo en tant que réseau social professionnel de référence. A chaque fois que l’on s’y connecte, on se demande quelles bouffonneries on va bien pouvoir y lire… Et on est rarement déçu du voyage.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

LinkedIn est un réseau social professionnel sur lequel votre profil est comme un CV en ligne qui reflète votre parcours. Et votre feed, à la manière de Facebook, Instagram ou Twitter, est rempli des publications des membres ou des pages que vous suivez. Ce qui fait un éventail très large, car tout le monde accepte les mises en relation de tout le monde pour avoir plus de visibilité.

L’algorithme favorise les posts engageants : plus un post aura de commentaires et de likes, plus il remontera dans les réseaux éloignés de celui de son auteur. Comme sur tout réseau social on peut y lire des nouvelles d’un ancien collègue ou des choses intéressantes et pertinentes… mais qui sont de plus en plus rares.

La plupart des posts (au story-telling souvent très travaillé) sont consternants, entre inepties écrites avec beaucoup de suffisance et foire à l’auto-congratulation faussement humble

Il y a ceux qui prennent une anecdote plus ou moins bidon et essaient d’en tirer une leçon de vie inspirante - évidemment la plupart du temps complètement insipide. Ceux qui se mettent en scène dans une photo posée en nous expliquant à quel point ils sont concentrés sur  l’accomplissement de leurs objectifs et que rien ne pourra les arrêter. Ceux qui vont nous expliquer avec des clichés éculés pourquoi Bernard Arnault est un bienfaiteur pour la France, ou pourquoi et comment Elon Musk les inspire personnellement. Ceux qui commencent par “fier de” et qui vont se féliciter de la réussite d’un projet assez banal, sans doute pour se donner de la visibilité auprès de leur employeur.

Dans le fond du trou on trouve les photos sad face, qui sont posées avec un air triste ou complètement dépressif. L’auteur du post nous explique alors les raisons de sa tristesse, et en profite pour nous dire combien la vie est dure, mais qu’il est humble et qu’il a su rebondir. 

Il y a aussi évidemment tous les “entrepreneurs”, que l’on est sensé considérer comme des demi-dieux sur la plateforme (ou qui du moins semblent se considérer comme tel). Dans ces cas-là l’auto-congratulation est souvent sans limite, avec des ramassis de clichés sur les “jaloux anti-réussite", la trop grande pression fiscale, et les “quand on veut on peut”. Évidemment, même quand l’auteur du post est un petit bourgeois blanc avec nom à particule, il semble penser que sa réussite n’est due qu’à lui même et son travail acharné, sans jamais se questionner sur l’ensemble de privilèges dont il a bénéficié depuis l’enfance, ni l’importance de son capitale social et de son cercle relationnel dans cette réussite. Et dans les rares posts ou quelqu’un issu d’un milieu défavorisé affiche sa “réussite” (réussite = devenir riche), c’est toujours dans une logique individualiste. L’auteur va vanter son mérite (il peut y avoir de quoi), mais jamais remettre en cause un système qui laisse tant des gens sur le carreau ou dans la précarité.

Le pire est quand l’actualité s’invite

C’est par exemple incroyable les horreurs que l’on a pu lire sur LinkedIn lors des mouvements sociaux contre la réforme des retraites (ou précédemment des Gilets-jaunes). Tout un tas d’erreurs grossières, de commentaires superficiels, et des “analyses” qui ne sont en fait que des ramassis de clichés. Le tout pourtant asséné comme des vérités absolues, par des gens souvent privilégiés et visiblement très imbus d’eux-même et de leurs certitudes.

Et ça peut régulièrement confiner à l’ignorance ou la bêtise crasse, comme le montrent les commentaires sous chaque publication de Bon Pote ou de Jean-Marc Jancovici. On n’en revient pas de voir tous ces gens à l’intitulé de poste prestigieux, avec de hautes responsabilités, écrire autant d’âneries ou faire preuve de climato-scepticisme. Souvent avec des argumentations au ras des pâquerettes, que l’on pourrait confondre avec n’importe quel petit troll de droite ou commentateur du Figaro (et si on juge un journal aux commentaires sous ses articles, le Figaro est une décharge de l'intelligence).

Mais pourquoi ?

Qu’est-ce qui peut bien pousser les gens à écrire autant d’âneries sur un réseau professionnel ? Une confiance inébranlable en leur petite personne ? Un sentiment de supériorité entretenu par un milieu favorisé, qui leur a donné l’habitude de prendre la moindre de leurs certitudes pour des réalités ?

En tout cas on peut remercier LinkedIn de nous rappeler quotidiennement que l’on peut afficher une certaine réussite sociale et être très content de soi, tout en étant pourtant profondément médiocre.

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