Au second tour de l'élection de 2017 j’avais déjà hésité jusque dans l’isoloir. Il m’apparaissait évident qu’avec Emmanuel Macron nous ne ferions que reculer sur les problématiques qui dirigent mon vote : l’écologie, la lutte contre la fraude fiscale, l’aide aux plus précaires, et d’une manière générale le renforcement des services publics.
Comment aurait-il pu en être autrement avec cet ex banquier d’affaires, qui était clairement le candidat de l’oligarchie ? Comment aurait-il pu en être autrement avec celui dont le principal fait d’arme politique était la mise en place de l’ignoble CICE ? Comment ne pas voir que le “ni de gauche, ni de droite” n’était qu’une imposture ?
Mais face à la menace Lepen, j’ai mis comme tout le monde mon bulletin Macron dans l’enveloppe.
Malgré l’autosatisfaction permanente de cette bande de médiocres, le bilan de ce quinquennat est catastrophique et encore pire que prévu.
Ils ont beau se fantasmer en “élite éclairée”, il leur est devenu impossible de cacher leur absence de compréhension de ce que sont le bien commun et l’intérêt général. Malgré leurs jolis costumes et leur posture de “sachants”, ils ne peuvent plus cacher leur incompétence complète à améliorer le sort des habitants de ce pays. Ils ont beau s’imaginer en “bons gestionnaires”, ils ne sont bons qu’à gaver quelques-uns pendant que tous les autres en sont réduits à grappiller des miettes.
Tout n’a été qu’injustice et bêtise crasse. Des mesures pour enrichir la classe dominante, d’autres pour rendre difficile la vie des classes moyenne et laborieuse. Destruction méthodique des services publics, à commencer par l'hôpital, en vue de leur privatisation. Répression ultra-violente des gilets-jaunes, et globalement de toute contestation sociale. Parlement réduit à une farce, où des bouffons contents de leur nouveau statut social votent tout ce qu’on leur demande de voter, sans débat ni contradiction. Mensonges répétés et gestion calamiteuse de la pandémie. Mesures autoritaires prises en petit comité par des narcissiques hors-sol. Influence des lobbies, conflits d’intérêts permanents, Mckinsey. Des affaires qui touchent des membres du gouvernement et des proches du Président, sans que ça ne semble leur poser de problème.
Macron a beau s’auto-congratuler de son bilan sur l’écologie, il n’en reste pas moins famélique. Il a brossé les chasseurs dans le sens du poil pour grappiller quelques voix. Son gouvernement a été condamné (deux fois) par la justice pour inaction climatique. A l’heure où nous avons besoin d'une agriculture respectueuse de la biodiversité et qui limite son impact sur la pollution de l’eau et des sols, son gouvernement n’a fait que soutenir l’agro-industrie et le recours aux pesticides. Il nous impose le nucléaire sans débat.
La plus grosse blague restera sans doute la Convention Citoyenne pour le Climat, dont il s’était engagé à reprendre toutes les propositions “sans filtres”. Pour au final n’en retirer qu’un texte de loi anecdotique et noyauté par les lobbies.
Et jusqu’au bout ce gouvernement aura été pathétique, avec ce premier ministre qui prend l’avion pour aller voter et faire le beau devant les caméras, et qui semble incapable de comprendre ce qui lui est reproché.
Il était évident que toutes cette casse sociale et ce mépris permanent feraient monter l’extrême-droite. Mais ce n’était pas un problème, se retrouver à nouveau en face de Marine Lepen a toujours fait partie du plan. Malgré le rejet que Macron suscite, il sait qu’il lui suffit de brandir la menace de l’extrême-droite pour avoir une grande chance de l’emporter. Alors comme on dirait d’un gosse de riche qui monte une startup, “il prend son risque”. Sauf qu’il ne joue pas avec l’argent de papa, il joue avec le pays.
Faire monter l’extrême-droite pour pouvoir se positionner en rempart contre elle, le cynisme absolu.
Macron nous promettait de tout faire pour lutter contre l’extrême-droite, il n’a fait que la renforcer. Négation des violences policières et sentiment d’impunité pour ceux qui les causent. Débats aberrants de stupidité sur “l’islamo-gauchisme” et le “wokisme”. Appels du pieds avec des mentions de Maurras et Pétain. L’infâme Darmanin qui juge Lepen trop molle sur l’Islam en direct à la TV. Loi sur le séparatisme...
Et nous voilà avec le duel qu’on espérait ne pas voir. Tiraillés entre la haine que nous inspire Macron et ses vieilles recettes néolibérales, et le dégout pour Lepen et la barbarie qui viendrait avec.
Et d’un côté Macron nous culpabilise du potentiel accès du RN au pouvoir, de l’autre il nous prévient qu’il considérera sa victoire comme une adhésion à son projet. Cette prise en otage est indigne et insupportable.
On comprend qu’il n’ait pas voulu défendre son bilan avant le premier tour, il aurait été mal en point le pauvre. Mais depuis, il se montre prêt à tout pour grappiller quelques voix. Peut-être que la retraite ne sera pas à 65 ans, mais à 64. Quelle générosité mon bon seigneur.
Il nous assure aussi que son deuxième quinquennat “sera placé sous le signe de l’écologie ou ne sera pas”. Mais combien de fois nous l’a-t-il fait le coup du “j’ai compris, j’ai changé” ? Est-ce qu’il y a encore vraiment des gens qui croient ce qui sort de sa bouche ? Ne nous a-t-il pas démontré son cynisme absolu, sa capacité à nous dire quelque chose avec aplomb un jour, et faire l’inverse le lendemain ?
Si Lepen est élue, ça ne sera pas de la faute des abstentionnistes ou de ceux qui auront voté blanc.
Ça sera la faute de ceux qui ont voté pour elle. Des politiciens, la plupart de droite, qui draguent ses électeurs en allant toujours plus loin dans la surenchère. Des médias, notamment ceux de Bolloré, qui à longueur de journée ne font que légitimer des thèses d’extrême-droites et attiser la haine de l’autre. Des gouvernements successifs à la botte d’un système incapable d’améliorer la vie du plus grand nombre, et qui ne fait même plus semblent de s’y intéresser. De la gauche incapable de s’allier, à cause de logique de partis ou d’égos toxiques. Ça sera de la faute de Fabien Roussel et de Yannick Jadot.
Mais malgré tout, évidemment que Macron & Lepen ce n’est pas pareil. Nous sommes le 24 avril, je dois aller voter et je me déciderais dans l’isoloir.