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Billet de blog 4 janvier 2017

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« La » « courbe du chômage »

Nous balader avec des mythes de croissance, de plein emploi qui en découlerait, et guetter mois par mois les moindres variations de la courbe officielle, dans une posture complètement indécente vis-à-vis des millions de chômeurs et précaires engendrés par le système, est une impasse. D'autant plus manipulatoire que chacun sait parfaitement que les chiffres du chômage sont bidouillés.

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Encore une formule sexy suggérant une situation expertisée scientifiquement avec une qualité mathématique, sans que l'on sache jamais ce qui est porté en ordonnées et surtout en abscisses pour infléchir la fameuse courbe, supposée être objective puisque présentée comme la seule ! Cette abstraction permet d'éviter de poser clairement les problèmes avec l'ensemble des éléments réels et les conditions de vie imposées à des millions de personnes répertoriées froidement.

En fait la quantité de travail humain nécessaire à la production a considérablement baissé depuis le début de l'industrialisation. Le travail s'est mécanisé de toutes sortes de façons, certaines fort contestables, d'autres au contraire remarquables qui devraient nous faciliter la vie à tous. Mais non, les produits du travail échappent à ceux qui les fabriquent. Parce qu'ils se louent comme une marchandise pour une paye, et que le résultat du travail, quelle que soit sa valeur marchande, est accaparé par celui qui salarie. Qui peut ainsi accumuler des fortunes démesurées et se perpétuer en tant que donneur d'ordres, alors que la production et la répartition de biens (que l'on souhaiterait utiles et conçus pour le mieux) devrait relever de l'intérêt réellement général, celui de tous et de chacun également. En particulier les machines, au lieu de relever d'un droit de propriété abusif, devraient être considérées comme un bien commun et servir des buts d'utilité sociale concrète. Elles n'ont pas à faire partie de la rétribution d'actionnaires en quête de dividendes.

Il y aenviron 20 fois moins de propositions d'emploi que de demandeurs, mais patronat et gouvernement organisent l'augmentation du temps de travail légal, le recul de l'âge de la retraite et la baisse de toutes les rémunérations des corvéables. 58 % des privés d'emploi inscrits dans les catégories ABC ne sont pas indemnisés.

En 60 ans la durée moyenne annuelle de travail des salariés dans nos pays a diminué de 25 % et le chômage s'y étend partout. Nous balader avec des mythes de croissance, de plein emploi qui en découlerait, et guetter mois par mois au millimètre les moindres variations de la courbe officielle, dans une posture complètement indécente vis-à-vis des millions de chômeurs et précaires engendrés par le système politico-économique, est une impasse. D'autant plus manipulatoire que chacun sait parfaitement que les chiffres du chômage sont bidouillés.

D'abord la courbe tant scrutée n'est pas celle du chômage, c'est celle des inscrits à Pôle Emploi dans la catégorie A (ceux qui n'ont travaillé même pas une heure les mois précédents). Les jeunes qui n'ont jamais eu d'emploi ne s'inscrivant pas puisqu'ils n'ont aucun droit ouvert. Et nul ne devrait ignorer avec quelle célérité les chômeurs, traités comme des présumés coupables, se trouvent radiés pour le moindre défaut apparent de réponse aux desiderata d'un Pôle Emploi de plus en plus démoli lui-même en tant que service public et ratiocineur, alors que l'accès à un conseiller devient quasi impossible aux demandeurs d'emploi vu les fermetures d'agences et la robotisation des services.

En France le nombre d'inscrits à Pôle Emploi des catégories ABCDE est passé de 4.960.000 en mai 2012 à 6.238.400 en novembre 2016. L'augmentation du chômage ne ralentit qu'avec des stages sans débouchés, les hausses de radiations à Pôle Emploi, la fin des droits et l'explosion des emplois précaires : CDD (84 % des emplois), temps partiels souvent imposés, intérim, emplois Uber…

Les inégalités s'emballent de façon obscène entre ultra-riches et paupérisés, entre PDG du CAC 40 (Gain total +11,4 % par rapport à l’année précédente)et ouvriersrestant sur le carreau avec des droits toujours amoindris. Avec la complicité du gouvernement dont les lois Sapin, Macron, El Khomri etc. poussent à la précarisation des travailleurs, et qui reconduit le CICE et ses milliards de cadeaux aux grand patronat sans contrepartie, tandis que le SMIC est tenu au plus bas : 1.153 € nets au 1 janvier 2017. Les temps partiels n'en touchant qu'une fraction. Il s'agirait de gartantir à chacun non pas un travail constant, mais un revenu constant, de véritables moyen de vivre.

Sous prétexte de dette de l'UNEDIC (Le régime a fonctionné en excédent pendant des années. Les déficits annuels notables ne s'additionnent que depuis 2002, tel celui de 4,5 milliards € pour l'année 2015. En 2014 le déficit cumulé atteint 21,3 milliards) le gouvernement veut enlever 800 millions aux indemnités des chômeurs, mais continue d'exonérer le patronat de cotisations (en 2014 exonération totale sur les salaires payés au SMIC, et de façon dégressive jusqu’à 2,5 SMIC).

Les emplois précaires coûtent à l'UNEDIC 9,3 milliards € et les ruptures conventionnelles 5 milliards €/an. Plus les emplois sont rares et mal payés, moins les cotisations rentrent.

Déplafonner les cotisations des salaires de 12.000 €/mois et plus donnerait 720millions €/an. Solution du tout envisagée en haut lieu, ni la hausse des cotisations dont 0,1 % rapporterait 500 millions €/an. Soit depuis 12 ans 6 milliards €. Le bilan comptable de l’UNEDIC serait alors en excédent.

De plus depuis 2009 l'UNEDIC verse 10 % de ce qu'elle perçoit à Pôle Emploidont elle finance 64 % du budget (inclus le coût des sous-traitants tels Cap Gemini, Tessi, Ingeus ou les opérateurs privés de placement qui n'apparaissent pas) alors que l'ANPE avant la fusion était financée par l’État. Cela correspond à peu près à l'équivalent du « trou ».

Conclusion les solutions honnêtes ne manquent pas, mais elles n'intéressent pas en haut lieu. Il s'ensuit que l'UNEDIC emprunte pour combler son déficit, pour disposer de liquidités puisque malencontreusement l'URSSAF recouvre les cotisations au cours du mois alors que l'UNEDIC règle les allocations en début de mois, et pour rembourser ses emprunts.

Et depuis 2003 elle doit passer par l’intermédiaire du dépositaire central international Euroclear (il y en a deux : Euroclear et Clearstream que Denis Robert avait sortie de l'ombre…). Enfin l'UNEDIC est notée par les 3 principales agences de notation : Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch (qu'elle doit pour cela rémunérer) qui influent donc sur les taux d’intérêt qui lui sont appliqués.

L'UNEDIC a été ainsi rendue dangereusement dépendante des banquiers privés. Comme cela a été fait vis-à-vis des États du Sud et du Nord, et avec tous les particuliers qui sont enchaînés par leurs crédits et leurs endettements, et tous ceux qui sont repoussés dans une misère dévoreuse d'énergie. La haute finance et ses sbires tient la société sous sa coupe et nous mènera aux catastrophes, tant que nous ne remettrons pas complètement en cause son interprétation de la légitimité.

Gdalia Roulin, 2 janvier 2017.

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