Qu'est-ce qui définit un acte terroriste ? S'il suffit de sa revendication par une organisation de cette nature, c'est lui faire beaucoup d'honneur. Daech qui appelle aux attentats de toutes sortes peut donc « récupérer » toutes les initiatives meurtrières pour renforcer son poids et son prestige. Et un individu immature bourré de frustrations et d'humiliations rentrées peut dans une explosion suicidaire-agressive avoir ainsi son heure de gloire en s'inscrivant dans un destin commun, se démultipliant aussi à cause de l'emballement mimétique décrit par René Girard. Se proclamer en guerre (qui plus est de civilisation) et qualifier de terroristes tous les actes criminels qui seraient mieux nommés tuerie ou assassinat fanatique ne fait qu'amplifier l'effroi voulu par Daech et lui confère quasi ses lettres de noblesse : au lieu de dénoncer son appétit forcené de puissance et ses pratiques mafieuses, on lui reconnaît implicitement une vocation politique et religieuse. Ce même type de politique dont une énorme majorité de citoyens sont pourtant dégoûtés, dictatoriale et cherchant à étendre son territoire et ses richesses aux dépens d'une « chair à canon » rebaptisée ici « les martyrs ».
De plus le même terme est usité pour nommer des crimes sanguinaires en bande organisée, qu'ils soient le fait de commandos ou de « solitaires » néanmoins réputés prêter allégeance à Daech, ou pour réprimer l'opposition politique sous des régimes autoritaires, dont la France se rapproche de plus en plus avec des lois liberticides dont celles dites « antiterroristes », qui mettent à mal nos droits plus qu'elles ne démontrent une efficacité réelle à protéger les citoyens, et dont la dernière surenchère date du 21 juillet dernier. Des politiciens vont jusqu'à réclamer l'enfermement des « fichés S », c'est-à-dire l'emprisonnement du fait du prince en dehors de tout délit commis, simplement parce qu'un agent du renseignement aura cru bon de vous surveiller, parce que vous avez des sympathies affirmées pour l'écologie ou les Nuits Debout, ou que votre kiné est musulman !
D'ailleurs qu'est-ce qui distingue la guerre des différentes catégories de crimes pénalement répertoriés, comme si passé un certain seuil une légitimité s'instituait ? Depuis 1945 la charte de l'ONU interdit la guerre et tous les conflits doivent être négociés. Mais ce n'est évidemment pas le cas. Et toujours on tente de faire croire au peuple qu'il s'agit de défendre un intérêt national ou plus cynique encore une cause humanitaire, alors qu'il s'agit de rafler des richesses ou des positions dominantes pour les privilégiés de ce monde. Le général Clark n'a-t-il pas révélé que dès 2001, dix jours après le 11 septembre le gouvernement des USA avait décidé de prendre militairement l'Afghanistan, l'Irak, l'Iran, la Somalie, le Soudan, la Libye et le Liban ? Tandis que Mme Clinton confirme dans ses mémoires que M. Sarkozy visait en Libye « le fric et le pétrole » sous prétexte de libération, tout comme il s'agit de contrôler la Syrie. En fait les guerres des grandes puissances servent les prédations des firmes transnationales contre les peuples, réduisant les populations à la misère, à la famine, à la mort violente, les persécutant jusque dans leur fuite de contrées désolées à cause de leur emprise guerrière et industrielle.
Si nos pays menaient une politique de solidarité pacifique rigoureusement honnête nous n'en serions pas à cet horrible bégaiement de l'histoire. Nous récoltons ce que nos gouvernements ont semé. Nous vivons apparemment en paix depuis 72 ans alors que nous sommes constamment en guerre à l'extérieur. Sous la Vème République (proclamée en 1959) la France a mené sur décisions présidentielles sans contre-pouvoir institué des guerres jusqu'en 1962 en Algérie (guerre déclarée en 1954), puis en 1961 à Bizerte, en 1978-1987 au Tchad, en 1990-1991 en Irak, en 1991-2001 à Djibouti, en 1998-1999 au Kosovo, en 2001-2014 en Afghanistan, en 2011 en Libye, depuis 2012 au Mali, en 2013-2014 en Centrafrique, et depuis 2014 contre l'État Islamique en Syrie et en Irak, sans compter les opérations secrètes.
« La France au Moyen-Orient, au Sahel, en Somalie, au Nigeria est alliée avec ceux qui depuis 30 ans sponsorisent le terrorisme », dit M. Chouet, ancien directeur de la DGSE. En effet les affaires tournent au mieux en Arabie saoudite et au Qatar. Et la France s'est haussée en 2015 au 2ème rang des vendeurs d'armes de la planète.
Le gouvernement des USA que nous suivons sous l'égide de l'OTAN est en guerre permanente pour imposer son hégémonie et a utilisé le terrorisme partout où cela le servait pour éviter d'envoyer ses troupes au sol. Il soutient la domination colonialiste d'Israël provocatrice de violences. Chaque fois qu'en Afrique et ailleurs des dirigeants démocrates ou laïques se sont levés on les a assassinés… Et rappelons-le, les musulmans et assimilés sont les premières victimes de Daech dans leurs pays, et ils étaient au moins 30 sur 84 à Nice… Le 23 juillet un attentat suicide contre des personnes manifestant pour la desserte en électricité de 2 provinces peuplées majoritairement d'Hazaras à Kaboul a fait 80 morts et 231 blessés, sans que nous devenions tous instantanément « Afghans ». Bizarre ?
Le gouvernement turc allié de la France a laissé passer des dizaines de milliers de djihaddistes qui ont commis en Syrie les mêmes attentats que l'on voit maintenant chez nous (M. Fabius affirmant : « Al Nostra en Syrie fait du bon boulot »). Turquie par où transite le pétrole finançant Daech (ainsi qu'un trafic d'antiquités et autres turpitudes). « Malheureusement des États membres de l'UE achètent ce pétrole » a signalé l'ambassadrice de L'UE en Irak. États restés anonymes. Et nul n'a encore fait mine de cesser les transactions financières avec les banques assujetties à Daech.
Gdalia Roulin, le 2 août 2016.