C'est la question qui se pose si nous voulons sortir collectivement de tous les marasmes dans lesquels nous sommes socialement plongés. La réaction, fut-elle gouvernementale, à des actes de barbarie ne constitue pas une politique digne de ce nom, car la politique devrait être une construction à long terme pour que chacun puisse vivre de mieux en mieux au présent selon une organisation qui respecte d'abord les nécessités vitales.
Après la tuerie de Nice on cherche en vain comment un quidam peut en arriver là ? Et comment ce camion a-t-il pu effectuer plusieurs parcours de reconnaissance en zone interdite à ces véhicules, entrer sur une zone rendue piétonnière alors qu'une fête rassemblait une foule d'enfants avec leurs parents, alors qu'il transportait des armes pas toutes factices, sous état d'urgence, alors que les « services » craignaient des attentats à la voiture piégée ?
Loin d'effectuer le moindre bilan de sa politique (ni de ses guerres en Afrique) dès le lendemain le gouvernement annonce la présentation d'une nouvelle loi le mardi suivant... Soit ce gouvernement a la capacité surhumaine de concocter une loi en une nuit, et si notre protection en dépendait vraiment, on se demande pourquoi elle n'avait pas été proposée depuis longtemps, soit il suit la même stratégie que M. Sarkozy pour faire passer dans l'émotion un texte qui réduira encore nos libertés compromises, et renforcera le rapport de force en faveur non de notre sécurité, mais de l'ordre établi où une petite fraction de la population joue les maîtres du monde dans un absolutisme et des injustices de plus en plus effrayants.
C'est ce qui continue de s'installer malgré la soi-disant unité nationale proclamée avec déjà des accents guerriers après le massacre à Charlie-Hebdo. Passage en force de la loi dite « travail » qui va condamner la classe laborieuse à une précarité et une misère accrues sur fond de dumping social, au mépris de l'avis d'une énorme majorité de citoyens, à coup de 49-3 soumettant les députés au chantage des futures investitures électorales et à coups de matraques et autres éclats de grenades sur la tête des manifestants. L'état d'urgence activé pour perquisitionner et immobiliser des militants écologistes et autres opposants politiques est moins opérationnel pour débusquer d'éventuels réels terroristes. Les limites sont flagrantes d'une « union nationale » qui voudrait nous faire croire que l'État mobilise pour notre sécurité, et non pour nous maintenir dans la sujétion comme l'organisent les lois successivement adoptées et les actes de répression violente envers des citoyens que ce gouvernement et tant d'autres ne veulent surtout pas écouter.
Objectivement terrorisme et action gouvernementale se coordonnent pour nous mener à la destruction de nos droits et libertés. Dans des périodes historiques comparables, l'installation de régimes fascisants élus ou imposés par la guerre a fait rentrer dans le rang les velléités révolutionnaires. Cette séquence a été rejouée cent fois autour du monde y compris en France.
Que faire ? Il est malheureusement probable que le pays subira d'autres attentats.Devons-nous inféoder nos choix politiques à ces horreurs ou nous donner les moyens de construire notre société d'après nos propres critères ? Avec des services efficaces outillés humainement et réellement orientés vers notre protection, au lieu des aberrations intrusives dénoncées au sujet des lois sur le renseignement ?
Ceux qui ont refusé la loi travail et son monde 5 mois durant n'ont pas pu changer d'avis puisque l'analyse est plus que jamais validée, et son application promet à tous des lendemains pénibles. Nous sommes tous concrètement concernés. Si les mouvements sociaux semblent se dissoudre l'été, il importe de continuer les réflexions qui se développent depuis la crise de 2008 et les dernières attaques contre nos conquis sociaux.
D'habitude les élections phagocytent les rassemblements de militants qui se vouent soudain à la victoire du champion censé porter leurs aspirations. Combiner élections et changement radical démocratique est quasi antinomique. C'est pourtant peut-être une chance qu'en 2017 l'élection présidentielle suive de si près une contestation populaire massive, qui n'a aucun lieu d'être calmée, et nous pourrions nous saisir de l'occasion pour que des changements démocratiques de fond se réalisent sans épisodes meurtriers. A l'exemple de 1936 où le programme des élus portés au pouvoir ne prévoyait pas la semaine de 40 heures, les congés payés ni la sécu. obtenus par les grèves générales qui ont suivi l'élection. Car soit les mobilisations se heurtent à un pouvoir armé qui n'hésite pas à blesser voire pire, seul horizon qui s'ouvre à nous si nous nous laissons coincer devant le match PS-LR-FN, soit avec M. Mélenchon (c'est le seul candidat qui propose des changements capables de modifier la trajectoire folle qui nous envoie dans le mur, et qui est susceptible de remporter l'élection. La catastrophe étant assurée avec les PS-LR-FN, nous n'avons vraiment rien à perdre. Il s'agit d'éviter l'un de ces écrasements dont les peuples mettent 40 ans à sortir ou/et une guerre civile plus ou moins avouée.Sans nous en remettre aveuglément à quelque leader que ce soit, donnons nous un cadre beaucoup plus favorable pour pouvoir développer des initiatives, ce qui est loin d'être anodin), soit donc avec M. Mélenchon nous nous saisissons des questions essentielles : impératifs écologiques à respecter pour survivre, promotion de la paix et changements institutionnels à réaliser y compris dans l'économie et pour garantir l'indépendance des médias, et nul ne nous empêche d'y travailler d'ores et déjà et par la suite selon des modalités et des regroupements que nous pouvons élaborer nous-mêmes.
Élire un chef n'a rien d'une fin démocratique, mais ces chantiers peuvent mobiliser les mêmes intérêts enthousiastes que ceux qui ont émergé autour du référendum contre le TCE, redonnant un élan jamais atteint à une mobilisation sociale qui pourrait développer une maturité politique étonnante. Il sera alors déterminant de savoir remettre en cause dans l'élaboration du nouveau contrat social le principe trompeur de « représentativité ». Et refonder ainsi nous-mêmes notre société sur de plus justes bases.
Gdalia Roulin, lundi 18 juillet 2016.