Suite au reportage de CNN sur la traite des migrants en Libye, précédent de peu la tournée en Afrique de M. Macron, ce dernier afficha une aussi belle indignation que celle de M. Sarkozy en 2008 contre les paradis fiscaux, suivie le lendemain par l’oubli de ses mâles résolutions de ramener l’ordre en Libye y compris par voie militaire.
En réalité des rapports de l’ONU et de MSF dénoncent depuis longtemps la situation faite aux migrants en Libye par les milices et les gardiens officiels de camps souvent interchangeables les uns les autres. Situation générée par la guerre de M. Sarkozy contre la Libye en 2011 et par la politique de rejet des réfugiés par l’UE.
Il fut dit au sommet de Paris le 28 août 2017 que le travail des gardes-côtes libyens était «fantastique» ! L’UE leur distribue des millions alors qu’ils tirent sur des migrants en mer et sont accusés par l’ONU de complicité avec les trafiquants.
Le nouveau règlement européen à l’étude juge irrecevables les demandes d’asile de personnes ayant transité dans un « pays tiers sûr », où elles seront renvoyées au mépris de leur histoire et de leurs vœux. Un pays pourra être déclaré sûr à l’exception d’une ou plusieurs de ses régions, et d’une ou plusieurs catégories de personnes. C’est-à-dire des pays en guerre mais pas sur tout leur territoire, ou qui ne menaceraient « que » certaines catégories de personnes ! Ainsi la Libye pourrait devenir un pays « sûr », le Rwanda aurait pu l’être en 1994 !
Ce concept est systématisé en France dans le projet de loi sur l’immigration concocté pour 2018. Et dès ce 7 décembre l’Assemblée a voté une proposition de loi organisant l’emprisonnement préventif massif des demandeurs d’asile quel que soit leur cas.
Ces votes s’opposent à la Convention de Genève de 1951 par laquelle chaque demandeur d’asile a droit à l’examen de sa situation dans le pays dont il requiert la protection, et à la Constitution française qui dit : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».
Le renvoi des demandeurs d’asile se pratique déjà car les accords de Dublin assignent le réfugié à s’adresser au pays qui l’a enregistré le premier. Ces survivants dont le courage, la ténacité, les capacités d’endurance, l’intelligence devraient emporter admiration et respect, qui ont fui la guerre, les tortures, la mort, l’esclavage, le viol dans une course d’obstacles sans fin, sont priés d’avoir tenu au sec des papiers et sont reçus en fraudeurs a priori, avec déploiement de brutalités policières et une politique d’une cruauté inouïe maquillée en souci humanitaire, allant jusqu’à dénier leurs droits à des enfants qui se retrouvent dans la vallée de la Roya chassés comme du gibier et abandonnés seuls dehors sans rien à la frontière italienne. Allant jusqu’à faire condamner judiciairement les citoyens qui portent secours aux exilés qu’il faudrait ignorer, fussent-ils mineurs, blessés, épuisés, mourant de froid, de faim ou de soif. En France les camps sont rasés régulièrement, comme les bidonvilles de Roms ces jours-ci encore, détruisant cyniquement les minces abris bâtis à force d’ingéniosité, passant comme à Calais les installations solidaires au bulldozer. La France a été sommée de donner accès à l’eau potable ! On jette des gens au trottoir, on bloque leur accès aux sanitaires, puis on interviewe des riverains se plaignant de nuisances ! On va bombarder des pays pour le pétrole ou autres réchauffeurs climatiques qui rapportent en Bourse, et on ne veut pas voir à nos portes les populations chassées de ces pays.
Déjà l’accord UE-Turquie conclu le 18 mars 2016 qui « a rendu les conditions de vie de milliers de réfugiés et de migrants dangereuses et sordides » (Amnesty) visait à empêcher les réfugiés d’atteindre l’UE. La Turquie jouant le rôle de pays sûr… où sont réexpédiés Syriens, Afghans, Iraniens, Irakiens etc. sans avoir pu demander asile.
Malgré les atrocités connues sur les migrants l’UE cherche à passer ce style d’accord avec l’Éthiopie, l’Érythrée, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Somalie, le Soudan, le Ghana, la Côte d’Ivoire, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, l’Afghanistan, le Bangladesh, le Pakistan, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, le Kosovo, le Monténégro, la Serbie, etc… tous pays très tranquilles qui soignent leurs opposants… La Commission veut distribuer 62 milliards pour aider ces pays à « contrôler les migrations localement ».
C’est la violation et la démolition méthodique du droit d’asile, droit qui devrait être sacré à tout démocrate. Après des chemins d’exils dantesques, les migrants sont parqués quand ils ne sont pas ramenés manu militari à leur point de départ au mépris de leur vie.
Il y a en France de plus en plus de pauvres, de Sans-Abris dont des enfants. Les députés insoumis ont demandé au gouvernement de réquisitionner deux hôpitaux fermés à Paris pour loger les SDF. Sans résultat. Le Sans-Refuge devient une norme imposée. Il y a de quoi s’inquiéter.
Gdalia Roulin, le 14 décembre 2017.
PS : le renvoi du demandeur d’asile dans un « pays tiers sûr » a été enlevée du projet de loi française depuis l’écriture de mon texte, ce qui permet d’éviter que les ONG obtiennent que cette loi soit déclarée anticonstitutionnelle, mais gageons qu’un gouvernement capable d’avoir de formulé initialement de tels projets de loi sera trop heureux de transcrire la directive européenne lorsqu’elle sera finalisée.