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Billet de blog 6 août 2015

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Petit voyage en Grèce

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce texte est paru cette semaine dans les pages de libre expression de notre journal local préféré. J'y reprends des données de base en réponse aux personnes mal informées qui disent encore : "Les Grecs ont dépensé. Ils paient. C'est normal" ! Je souhaite que partout dans nos régions nous informions par tous les moyens possibles. Il s'agit de toucher ceux qui à priori ne pensent pas forcément comme nous.

Imaginons… des hedges founds qui s'entendent pour faire plonger « la France » en revendant leurs titres français. Les marchés de façon prévisible suivent naturellement le mouvement. D'où hausse galopante des taux d'intérêts appliqués au pays. Les prêts deviennent difficiles à obtenir et le budget perd l'équilibre, dans un contexte où les États ont renoncé à la maîtrise de leur monnaie confiée à des banquiers « indépendants » (sic) et diminuent leurs recettes en exonérant les grosses fortunes de l'impôt, ne songeant qu'à prôner l'austérité à ceux qui ne la connaissent que trop. Les intérêts de la dette française, actuellement de 50 Mds (milliards) €/an, ne font alors que grimper, et la célèbre troïka (FMI + BCE + Commission Européenne) à laquelle s'adjoint le Mécanisme Européen de Stabilité, interpelle ainsi une France décrédibilisée : « Si vous voulez une aide pour payer vos échéances, il faut vous soumettre au memorandum que nous avons concocté pour vous : privatisation méthodique et complète de tout ce qui fait le pays, son territoire, ses richesses, ses infrastructures, démantèlement des services publics, en particulier des hôpitaux, des chaînes d'information, des aéroports, etc., démolition du droit du travail, division environ par 2 des salaires, retraites etc., augmentation de la TVA, etc. etc. Renoncez à toute initiative, ce qui sera minutieusement contrôlé point par point dans le détail, et vous aurez au compte-gouttes par petites tranches l'« aide » qui sera directement versée dans la poche de vos créanciers. C'est-à-dire nous, FMI, BCE, pays dominants de l'UE, puisque nous avons racheté aux banques privées leurs titres de créance sur vous afin de garantir ces banques contre tout défaut éventuel de paiement, transférant ainsi le risque pris par des parieurs professionnels sur le dos des caisses publiques alimentées par les contribuables ».

Bah direz-vous, en gros la France est déjà sur ce chemin. Les privatisations tous azimuts et la remise en cause des droits salariaux, le chômage et les cadeaux aux riches, on connaît. Nous avons la loi Macron et quelques autres…

Oui. Mais avec les mémorandums on passe à la vitesse supérieure. Leur effet est à prise rapide : plongée brutale dans la misère tandis qu'il se raconterait que ces fainéants de Français ont vécu au-dessus de leurs moyens et mettent en péril les finances des autres peuples européens ! (Comme si les finances appartenaient aux peuples). Ainsi les Grecs (hormis les ultra-riches du pays) à qui l'histoire ci-dessus est arrivée sont-ils rendus dans un état de dévastation comme au sortir de guerre, crevant de faim littéralement et laissés sans soins avec des hôpitaux sinistrés, partageant pour survivre des logements surpeuplés qu'ils n'arrivent plus à chauffer, tandis que des bâtiments désertés s'étalent au long des rues. Le peuple grec chez qui les solidarités restaient très fortes n'a plus les moyens de l'entraide coutumière, sauf à inventer de nouveaux modes de vie autogestionnaires sortant du cadre capitaliste mondialisé, ce que le système réprime, tandis que l'économie interne s'effondre.

Nous aurions pu espérer que le gouvernement Tsipras rompe avec la politique de paupérisation effrénée imposée délibérément par des instances qui n'ont de légitimité que leur position dominante et leur maîtrise de la circulation monétaire mondiale. Six mois de lutte épuisante auront suffi à faire capituler un gouvernement qui voulait sortir son peuple de la misère, et ce malgré un mandat très clair et le référendum du 5 juillet gagné haut la main contre les memorandums. Se refusant à sortir de l'euro-zone, M. Tsipras s'est coincé lui et son pays. Dès janvier, l'exclusion des banques grecques par la BCE des procédures ordinaires de refinancement, les assignant à une procédure d'urgence à renégocier chaque jour alors que les traités donnent mission à la BCE de refinancer les banques de toute l'UE, initiait dans l'abus de pouvoir un chantage ignoble, et que dire du blocage des versements de liquidités aux banques grecques lié au référendum ! Malgré cette situation de banques à demi fermées les Grecs ont voté non. Vote objectivement trahi par la reddition totale de M. Tsipras. L'accord du 13 juillet, hors de toute rationalité économique, place la Grèce sous tutelle, la vouant à une récession de plus en plus criminelle et à l'accroissement sans fin de « sa dette ». Les combines financières des deux premiers memorandums ont accru cette « dette » de 129 % du PIB en 2010 à 183,9 %, et le 3e l'aggravera encore. De plus l'accord exige que toutes les lois votées en Grèce depuis janvier soient annulées !

L'UE qui soustrait l'économie à la délibération démocratique en inscrivant une fois pour toute ses choix idéologiques dans des traités n'est qu'un carcan pour les peuples, et a montré dans cette séquence son vrai visage dictatorial au service de la haute finance, sacrifiant des peuples entiers à son bon plaisir. Les négociations ont échoué à faire entendre la voie de la raison et de l'humanité dans ce qui n'a été que l'imposition d'un rapport de forces. Démonstration est faite qu'il faut savoir rompre avec l'intolérable, et sortir du cadre pour rebâtir selon d'autres perspectives.

Gdalia Roulin, lundi 3 août 2015

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