Voici un projet de statuts que j'avais écrit début 2008, qui peut toujours servir à donner quelques idées dans la recherche de fonctionnements démocratiques.
1- Nous créons un Mouvement qui ne sera pas comme les partis traditionnels. Son mode de fonctionnement, radicalement démocratique, préfigurera l'organisation égalitaire et autogestionnaire que nous contribuerons à impulser pour la société tout entière.
Ce Mouvement tiendra plus au contrôle de tous les pouvoirs (y compris le sien) qu'à instaurer son propre pouvoir. Il ne s'agit pas de "prendre le pouvoir", il s'agit d'empêcher que certains prennent le pouvoir sur les autres.
La politique n'est pas le domaine réservé d' « élites professionnalisées ». L'organisation de la Cité, les choix de vie et la responsabilité vis-à-vis des générations futures sont l'affaire de tous et de chacun.
Le Mouvement est constitué de personnes ayant adhéré individuellement au projet politique fondamental (les points-clés non négociables), et à la charte de fonctionnement définis par le Mouvement.
Le principe démocratique de base est la liberté et l'égalité en droits de chacun d'entre nous.
L'égalité sera restrictive a minima. Il ne s'agit pas de niveler par le bas. Au contraire l'égalité garantit les droits de chaque individu, de chaque minorité, dans le groupe. Elle doit permettre à chacun d'exercer au maximum sa liberté de penser, de s'informer, de s'exprimer, d'échanger, d'agir, de concrétiser ses propres choix dans le cadre de solidarités collectives. Le groupe sera d'autant plus « riche » que la participation de chacun sera « riche ». C'est la philosophie de la coopération, plutôt que la pensée misérabiliste qui croit que les uns ne peuvent s'enrichir qu'au détriment des autres.
2- L'adhésion au Mouvement est individuelle. Elle se fait librement et par écrit en donnant ses coordonnées personnelles, qui doivent être accessibles à tous les autres adhérents.
La voix d'un collectif n'a pas plus de valeur que la voix d'un individu, car chacun est appelé à réfléchir avec sa propre intelligence. Et lorsque l'on demande aux individus de passer par le collectif avant de s'exprimer, c'est une bonne façon à la fois de saper les minorités, de défaire les initiatives créatrices, car les résistances au changement sont la règle générale, et on n'est plus très loin alors de la discipline des partis.
Si les décisions doivent se prendre en assemblées, après avoir débattu ensemble des sujets en question, l'expression individuelle doit être libre et pouvoir circuler entre tous.
3- Chaque adhérent peut assister à toutes les réunions du Mouvement qui l'intéressent :
réunion d'un groupe local
réunion nationale
groupe de travail
groupe thématique
groupe de formation
etc...
4- Les décisions significatives sont toujours prises selon le principe : « Une personne = une voix ». Et chaque voix peut s'exprimer.
5- Concrètement, les votes correspondants seront organisés en Assemblées générales territoriales. C'est-à-dire que les adhérents suffisamment proches géographiquement se réuniront et débattront ensemble avant de se prononcer. Un décompte des voix obtenues par chaque option proposée au vote sera consigné.
6- Tout d'abord, les informations auront circulé librement, et auront été accessibles à tou(te)s, en temps et en heure utiles. D'où la nécessité de se doter des moyens d'être tous informés également.
7- Un des moyens à notre disposition est internet. Le mouvement doit avoir un site internet opérationnel et géré dans le pluralisme. Ce site sera l'adresse du mouvement.
8- Nous devrons déterminer les modalités d'une utilisation aussi démocratique que possible de l'outil internet. Il doit laisser une large part aux débats ouverts au sein des groupes locaux, et permettre la libre expression de chaque adhérent. Des listes de discussion ouvertes à tous les adhérents assureront des échanges directs, et donc un contre-pouvoir face à des dérives éventuelles.
9- Et nous devons déterminer comment faire en sorte que tous les adhérents reçoivent les informations, y compris ceux qui n'ont pas internet. Et comment informer les personnes proches de nos idées,etc...
10- Nous devrons prévoir une communication « papier » (courrier, tracts, affiches, journaux...), et aussi le développement de toute forme d'expression culturelle et artistique.
11- L'outil internet permet de communiquer entre les réunions, de faire circuler des informations et de préparer le travail, mais il ne remplace en aucun cas les rencontres physiques, la vie du groupe et sa dynamique.
12- Les réunions des personnes physiques sont indispensables, et sont les instances réelles du mouvement.
13- Les débats devront permettre à chacun de s'exprimer, dans le respect des points de vue différents, et en particulier s'ils sont minoritaires.
La démocratie implique la liberté pour chacun de défendre ses opinions, et d'affronter ses idées à celles d'autrui dans des débats contradictoires, voire conflictuels. La démocratie, c'est la bataille des idées, et chacun doit pouvoir exposer son argumentation. C'est lorsqu'une question a été étudiée à fond que l'on peut espérer aller vers un consensus éclairé.
14- En tout état de cause, si le consensus est réel, il se traduira dans les votes : 100 % pour ! S'il n'y a pas consensus, la décision devra donc être prise à la majorité. Ou reportée.
Si une minorité veut expérimenter ses propres choix, dans la mesure où ils ne représentent ni une nuisance ni un abus de pouvoir, elle en aura la possibilité.
15- Le Mouvement se regroupe selon diverses formules, qui ne sont pas standardisées, et qui peuvent être évolutives, selon le vécu des uns et des autres, et les évaluations qui en seront pratiquées.
Les regroupements les plus opérationnels sont naturellement géographiques, mais rien n'interdit à certains de se regrouper sur la base d'affinités ou de projets particuliers, du moment qu'ils sont en accord avec le projet politique fondamental du Mouvement.Cela laisse ainsi toute sa place à la créativité des uns et des autres, et favorise le développement en réseaux.
Cela ne nuit en rien à la démocratie dans le Mouvement puisque chacun a droit à une voix et une seule.
16- Pour qu'une décision soit prise au nom du Mouvement, la majorité des deux-tiers des adhérents est requise.
17- Si la décision est d'intérêt local, elle est votée par les adhérents locaux.
18- Si la décision est d'intérêt national, elle est toujours votée selon le principe : « une personne = une voix ». Chaque adhérent exprimant son vote directement, sans délégation, à l'occasion d'une assemblée locale.
Pour obtenir un résultat national, il suffit d'additionner les résultats des différentes assemblées territoriales, qui se seront réunies pour cette circonstance, selon le principe des réunions parallèles sur le ou les mêmes thèmes.
19- Le décompte des voix sera fait par écrit sur papier, et non par internet. Les décomptes seront accessibles à tous les adhérents.
20- Les adhérents ont le droit de vote après au moins trois mois de participation active à la vie du Mouvement.
21- L'adhésion n'est pas une marchandise. La participation aux prises de décision n'est pas inféodée aux capacités ni aux apports pécuniaires des uns ou des autres, mais à l'engagement dans le mouvement et dans ses actions.
22- Nous demandons l'assiduité aux réunions (feuilles de présence), pour éviter les O.P.A. éphémères et opportunistes.
23- Les différentes instances du Mouvement seront aussi peu bureaucratisées que possible, et il y aura le moins possible d' « étages ».
24- Les groupes de base adopteront le statut d'association collégiale, avec le soutien logistique du Mouvement national.
25- Le Mouvement sera organisé nationalement selon les mêmes statuts d'association collégiale.
26- Le rôle de l'instance nationale sera purement technique. Ses membres ne devront pas sortir du cadre de la stricte application des décisions prises collectivement par l'ensemble de la base.
27- Les réunions de l'instance de coordination nationale, qui devront se tenir au moins tous les mois, devront tourner équitablement entre les différentes régions comptant des adhérents.
La définition des régions se refera chaque année en assemblée générale, selon l'évolution du nombre des adhésions et leur implantation.
Les militants de base peuvent assister en observateur à ces réunions.
28- L'instance nationale du Mouvement sera constituée par un collège de trois présidents, trois trésoriers et vingt et un secrétaires.
29- Dix secrétaires seront élus, selon un scrutin national du mouvement, parmi des
volontaires, et onze seront tirés au sort parmi tous les adhérents.
En ce qui concerne les présidents et les trésoriers, deux d'entre eux seront élus, et le troisième tiré au sort.
Il s'agit que tous les adhérents aient l'occasion d'apprendre à assumer ces rôles, en redonnant régulièrement « la main » à la base.
30- Chaque personne déléguée le sera sur un mandat précis, pour une durée déterminée, non renouvelable avant un intervalle d'au moins deux ans, et sans cumul de postes.
Chaque délégué pourra être révocable à tout moment si l'assemblée dont il est issu le décide.
Cette assemblée doit se prononcer dès lors qu'un tiers de ses membres le demande, ou à la demande de l'assemblée où s'exerce le mandat contesté.
31- Il sera procédé au renouvellement d'un président et d'un trésorier tous les six mois. De même le tiers des secrétaires sera renouvelé tous les six mois. Renouvellement selon le mode de désignation initiale, et selon une rotation constante. Ainsi le renouvellement des délégués se fera régulièrement par tiers successifs. Cette rotation permettra un tuilage, favorisant le suivi et la cohérence du travail.
32- Chaque délégué devra établir des compte-rendu de son action, à l'adresse de tous les adhérents, au moins une fois par mois.
Un texte produit doit être signé par son auteur, que cet auteur soit un individu ou un groupe. Cela fait partie de la vérité des échanges entre nous. Il n'est pas honnête de signer le texte d'un autre (et cela ne facilite guère la connaissance mutuelle).
33- Une participation financière sera demandée aux adhérents compte tenu de leurs moyens et des besoins du mouvement définis ensemble.
Il faudra en particulier évaluer, avec une volonté d'économie, mais aussi d'efficacité, les postes « communication » interne et externe, et le coût des réunions (déplacements des délégués)
34- Les comptes devront être accessibles à tous moments à chaque adhérent.
35- Pour le bon fonctionnement de tous les postes cruciaux et de responsabilités, il sera nécessaire et impératif de nous doter de moyens de contrôle : Un dispositif de « veille citoyenne » sera mis en place pour contrôler tous ces domaines clefs : information et communication, finances, secrétariat, respect de la bonne application des décisions prises...
Des commissions seront prévues à cet effet, composées de simples citoyens tirés au sort parmi des volontaires. Ces commissions seront indépendantes et leurs membres ne pourront faire partie d'aucune des instances dont ils sont chargés de contrôler le bon fonctionnement. (Les participants à ces commissions seront également tenus par les règles présentées plus haut concernant la limitation dans le temps de leur charge et la rotation des effectifs.)
36- La double appartenance des adhérents à une autre organisation est admise à condition que les buts et le fonctionnement de cette organisation soit compatible avec nos fondamentaux.
37- Dès lors que nous sommes en accord sur un point avec d'autres personnes ou d'autres regroupements, nous ne nous situons pas en concurrence, et nous faisons tant que possible une alliance claire sur ce point précis pour le faire aboutir.
38- Chaque année une assemblée générale du Mouvement aura pour but de partager nos expériences, de tirer le bilan de nos réalisations et des luttes menées, et d'ouvrir des perspectives.
39- Parallèlement à la construction nationale du Mouvement, nous devons jeter les bases d'un réseau international dans tous les pays où cela est possible. Il nous faut définir des modes d'action concrets pour tisser des relations à ce niveau international, et avancer ensemble, sans imposition de hiérarchies, dans la mise en œuvre de modes de vie autogestionnaires, et de solidarités réciproques d'égaux à égaux.
40- Dès que le mouvement réunira un nombre d'adhérents suffisants, nous pouvons imaginer que ce qui a été décrit ci-dessus comme une instance nationale s'applique à des instances régionales (les différentes régions étant délimitées d'un commun accord). A ce moment-là les différentes régions pourront être reliées en réseau, et l'instance « administrative » nationale pourrait s'imaginer tournant régulièrement d'une région, ou d'un groupe restreint de régions, à une autre.
41- Nous pourrions même imaginer que, dès lors que le Mouvement sera suffisamment développé, l'administration collégiale n'existera plus qu'au niveau des différentes régions. Ce qui permettrait aux instances de contre-pouvoir d'exercer réellement leur mandat.
Le Mouvement serait alors constitué d'une fédération de différentes associations régionales, fondées sur les mêmes bases politiques (programme et fonctionnement), formant un réseau non centralisé.
Les rencontres nationales périodiques de coordination réuniraient des délégués représentant leurs groupes locaux. Ces délégués seraient nommés ponctuellement à l'occasion de chaque coordination nationale.
Ils devront rendre compte de leur mandat dès leur retour à la base.
La coordination nationale n'a aucun pouvoir décisionnel.
Elle a pour objectif de relier les luttes et les réalisations dans l'ensemble du Mouvement.
42- Un adhérent au Mouvement peut assister à n'importe quelle réunion du Mouvement
à titre d'observateur. Cela participe de la formation politique que nous voulons nous donner.
43- Nous ne voulons pas avoir de porte-parole attitré du Mouvement. Nous renverrons systématiquement les journalistes à un corpus de textes adoptés par le Mouvement, ou peut-être à des interview de groupes, si nous parvenons à les cadrer de façon à éviter que cela n'entraîne des phénomènes de leaders.
44- L'exclusion d'un membre du Mouvement ne peut être décidée que par un vote majoritaire de l'ensemble des adhérents, après un débat contradictoire où l'« accusé » pourra largement s'exprimer et se défendre, et uniquement en cas de prises de positions manifestement incompatibles avec nos fondamentaux politiques, ou en cas de malhonnêteté avérée.
45- Notre ambition n'est pas électoraliste. Notre ambition est de changer le « contrat social » pour instaurer un système de liberté, d'égalité et de solidarité pour tous.
Pour cela nous serons en campagne permanente, et nous chercherons à faire vivre, à se développer et à se fédérer les initiatives en ce sens.
Gdalia Roulin, février 2008.