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Billet de blog 9 juillet 2015

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De l'holocène à l'oncocène

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

N'est-il pas incroyable que les manifestations anti-nucléaires rassemblent si peu de gens, telles des ponctuations isolées dans une marche inéluctable ?

Pourtant il serait aisé d'arrêter immédiatement l'industrie nucléaire : les solutions existent. Nucléaire qui est, en potentiel déjà en partie exprimé, une calamité si atroce que rien ne justifie honnêtement sa perpétuation. Il a fallu une dose crépitante de mégalomanie et du sadisme à la minorité qui décide pour oser l'imposer au reste du monde, en y préparant les esprits depuis 1945 à coups de scientisme, de mensonges lénifiants et par la force.

En fonctionnement dit normal, des rejets radioactifs en quantité sont libérés jour après jour par les installations nucléaires. Gaz et effluents radioactifs sont rejetés légalement ou non dans les rivières, la mer et l'atmosphère. Alors que, faut-il le rappeler, il n'existe pas de dose inoffensive de radioactivité. Les convois qui circulent à travers le pays constituent une menace pour notre santé. Nul ne sait à ce jour gérer les déchets nucléaires ni démanteler les centrales qui sont en elles-mêmes de gros déchets. Des accidents de stockage sont d'ailleurs en cours au WIPP (USA) avec fuite de plutonium et d'américium !

Qui a envie comme au Japon d'être appelé par les autorités à « vivre normalement » autour d'un Fukushima toujours en zone sismique, avec ses inondations, ses fuites d'eaux contaminées, la prochaine extraction des 400 tonnes de combustibles de la piscine du réacteur n°4 dont les produits de fission représentent 14 000 fois ceux de la bombe de Hiroshima ? Des millions de Japonais vivent en territoire contaminé. Si cela arrivait en France, où les accidents sont tout aussi fréquents qu'ailleurs, et où le désastre a été évité de justesse plusieurs fois, nous imaginez-vous, comme les textes le prévoient, encadrés par l'armée, qui délimitera qui est autorisé à fuir et qui doit rester sur place ? Nous voyez-vous contraints à survivre (si l'on peut) sous des rejets massifs de radioactivité contaminant de façon irréversible le sol, l'air, l'eau et la chaîne alimentaire ? Quelle allure auron-nous le dosimètre au cou, à soupçonner la nourriture et finalement, par la force des choses, résignés à l'ingurgiter et à la servir à nos enfants, ayant peur de l'eau y compris au robinet, craignant la pluie porteuse de particules radioactives, condamnés au confinement ou à l'irradiation ? L'agriculture du pays, bio ou pas, serait irrémédiablement fichue, mais nous verrions peut-être comme au Japon de hauts dignitaires inciter les enfants à montrer leur patriotisme en mangeant local !... Merci qui ?

Des centaines de morts sur le champ, et des milliers de morts par cancers les années suivantes, niés avec acharnement par nos « décideurs », ce serait en cas de catastrophe la sinistre réalité. Au Japon les 54 réacteurs sont à l’arrêt total depuis un an car la population refuse leur redémarrage (sans être revenue à la bougie). Mais en France, cocorico, une petite caste prolonge grâce au pouvoir régalien du président (sans que même le parlement soit consulté) le fonctionnement de centrales trop âgées, démultipliant ainsi la probabilité d'accidents majeurs, et notre monarque républicain se permet en outre de jouer les représentants de commerce dans ce domaine aussi, contribuant puissamment à faire proliférer les dangers du nucléaire. Il promeut la technologie nucléaire française jusqu'au Japon ou dans des pays comme l'Inde où la population en refuse l'installation souvent au péril de sa vie.

Nous payons très cher, non seulement financièrement malgré ce qu'on nous fait croire, et la facture deviendra ingérable elle aussi, mais avec notre santé à tous, un fort piètre service, un service surtout de destruction. Les dangers du nucléaire sont terrifiants : outre les dangers mortels de son utilisation militaire et des catastrophes, il provoque cancers, atteintes des systèmes cardiovasculaires, reproductifs, immunitaires, endocriniens, des maladies respiratoires, digestives, neurologiques, des mutations génétiques, il transforme des territoires en zones impropres à la vie. En toute discrétion car l'être humain n'est pas équipé pour percevoir la radioactivité invisible, inodore et sans saveur.

Tout cela et bien d'autres choses qui noirciraient des pages et des pages, alors que le nucléaire ne fournit que 2,5 % à 5 % (selon les sources) de l'énergie totale consommée dans le monde – en France c'est 15 %. Ridicule !

Une seule solution serait respectueuse de la vie, celle des autres espèces et celle des êtres humains présents et à venir : c'est l'arrêt immédiat de toutes les centrales. Sinon c'est le nucléaire qui finira par nous ramener non pas à l'âge de pierre, mais infiniment plus loin, quand la vie ne pouvait pas encore exister sur terre. Et si par extraordinaire l'humanité survit à ce délire institutionnalisé, dans les siècles futurs notre époque d'épandages toxiques forcenés pourra porter le nom peu glorieux d'oncocène.

Gdalia Roulin, lundi 24 novembre 2014.

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