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Billet de blog 9 juillet 2015

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La ruée de la fortune

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y aurait un article à écrire à côté de ce poème, sur le scandale absolu d'une direction de la CGT, qui, ce mercredi 24 juin 2009, a organisé la chasse, à coup de gaz lacrymogènes et de barres de fer, contre les « Sans-Papiers » réfugiés dans les bureaux du syndicat, les envoyant du même coup directement dans les bras des gendarmes. Honte à de tels « défenseurs » des exploités et des opprimé !

Ils ont cerné le village. Ils nous ont chassés.

Ils ont pillé nos récoltes, ont tout saccagé.

Ils ont tué le bétail. Ils ont mis le feu,

soumettant à leur loi la terre de nos aïeux.

Ils ont produit leurs titres de propriété

signés par notre Président. Ils ont creusé

des puits noirs d'où surgit l'or sale nauséabond,

qui répand sur nos champs son venimeux poison.

Ici, c'est le pétrole, et là, ce sont des mines

de cobalt ou d'uranium, que leurs usines

raffineront, pour ravitailler les patrons

d'industries florissantes, dans le pur style colon.

Leur fortune gargantuesque se multiplie,

en détruisant tout ce qui faisait notre vie.

On sort les vieux poncifs sur les ethnies guerrières,

tandis que nous crevons sous les coups mercenaires.

Pour mieux nous museler, à grands coups de dollars,

ils installent des dictateurs et leurs soudards.

Et nous serions en proie à nos luttes tribales,

nous aurions bien besoin de leur ordre moral !

Et nous voilà, après d'amères tribulations,

entassés dans des camps, vastes dortoirs-prisons,

où nous devons mendier l'aide des O.N.G.

pour tenter de survivre, pour avoir à manger !

Quelques-uns parmi nous auront la chance insigne

de parvenir à s'infiltrer entre les lignes,

pour forcer le destin sur des chemins d'exil,

cherchant chez des privilégiés un droit d'asile…

Le parcours sera dur, sans hospitalité.

Si leur esquif n'a pas chaviré, trop chargé,

la frontière se dresse, et ses gardes armés,

prêts à tirer. Et s'ils réussissent à passer,

héroïque odyssée, ils n'ont pas les papiers !

Le sésame administratif pour exister !

Ils seront soit des clandestins surexploités,

ou mis en rétention, malmenés, expédiés,

sans le moindre souci de ce qui, au retour,

les attend, la prison, la torture ou la mort.

S'ils ont ici une femme, s'ils ont des enfants,

à la famille détruite, on dit : « mariage blanc » !

Tous les peuples du monde sont en coupe réglée

sous l'emprise de l'économie mondialisée,

héritière des capitaux transmis à l'ombre

du secret de la Banque, muette comme la tombe.

En occident, les ultras-riches délocalisent.

Ils pressent le citron, puis se font la valise.

Ils soutirent aux grouillots un maximum d'efforts,

avant de les jeter pour se ruer vers l'or.

Tous les « emplois » sont de plus en plus incertains.

Les salaires sont réduits, la porte n'est pas loin.

Chacun, sans préavis, du jour au lendemain,

peut se trouver licencié. À quand le prochain ?

Leurs traites impayées les tenaient bien en laisse.

Le grand patron s'est envolé avec la caisse.

S'ils n'ont plus de salaire, demeurent les crédits.

Les agios s'accumulent. La banque les interdit.

Comment garder son logement, et se nourrir ?

Comment prendre soin des enfants ? Quel avenir

les nantis décomplexés leur concoctent-ils ?

Qu'ils soient ou non diplômés, c'est vraiment débile,

nos enfants ne trouvent pas de place dans nos villes.

Corvéables à merci, flexibles, mobiles,

main d'œuvre appelée « charge » dans les livres de compte,

c'est sur leur dos que vont s'engraisser les grands pontes.

Nos droits sociaux sont en berne. On nous précarise

sur tous les fronts à la fois. Tout est marchandise

aux mains des dirigeants. Tout doit faire des profits

pour les grands actionnaires, aux dépens des petits.

La mode est au « travailleur pauvre ». Qui n'a d'abri

que sa voiture, où l'hiver, il gèle endormi.

Un cran plus loin, et sans bruit on devient clochard,

prié d'aller avec ses cartons se faire voir

n'importe où, mais ailleurs. Sommé d'évacuer

en vertu d'arrêtés « anti-mendicité ».

Sinon, cadenassés derrière des grilles de fer !

Prisons. Condensé d'absurdités. Autre enfer.

Des fois qu'en les voyant envahir les cités,

ça donnerait aux citoyens de drôles d'idées,

et que peut-être même ils iraient contester

les statistiques pavoisantes et bidonnées.

On nous ment impunément. L'opinion publique

est ressassée au moment de l'info... Magique !

On parle à notre place. On sonde et on commente,

et la voix de son maître sur du vent ornemente.

Et l'on embauche dans la police et dans l'armée

pour mieux réprimer la colère des opprimés.

Promesses de carrière ! C'est le bel engrenage

de la misère aux abois et du vieux flicage.

Car l'injustice ignoble oblige à contrôler

tout ce qui bouge, tout ce qui vit. Nous sommes fichés

de tous côtés par les bons administratifs

qui collaborent au règne du tout-répressif.

Et si nous décidions d'arrêter les dégâts ?

Si à l'ubris dément nous mettions le holà ?

Si nous arrêtions les abus de toutes sortes,

si nous laissions haines et folies à la porte ?

D'un bout du monde à l'autre les pauvres s'appauvrissent,

tandis que les multimilliardaires s'enrichissent

à un rythme effréné, nous courbant sous leur loi,

en s'attaquant au pas de charge à tous nos droits.

Larvée ou écrasante, c'est à leur dictature,

à leur pensée unique et à leurs forfaitures

que nous sommes affrontés, nous la chair à soldat,

nous les ressources humaines, le peuple d'en bas.

Ce système pervers et prédateur divise

ceux qui ont tout perdu, que l'on criminalise,

les révoltes sociales que les puissants méprisent,

que l'on catégorise, que l'on culpabilise.

Cessons de nous en prendre à des boucs émissaires

aussi largués que nous. Les hauts milieux d'affaires

accueillent en seigneurs des tyrans sanguinaires,

leurs affidés d'hier, réfugiés sur nos terres

avec l'argent volé aux peuples affamés,

le prix de trafics d'armes, et de complicités

dans les catastrophes humanitaires programmées

pour la croissance folle de richesses éhontées.

Qu'avons-nous de bon à attendre de ces bandes,

trop occupées à la gonflette des dividendes

pour s'émouvoir des désastres collatéraux ?

Abandonnons à leurs délires ces mégalos

qui nous racontent que la lutte des classes, c'est fini...

que l'Internationale n'est que celle des profits,

qui déblatèrent sur l'archaïsme de l'humanisme,

en dissertant sur la faillite du stalinisme,

qui poursuivent en Justice ceux qui sont solidaires,

qui poussent à la délation, qui veulent faire taire

les insoumis, en les baptisant « terroristes »,

mais vantant nos démocraties, ces hypocrites !

Nous n'avons pas besoin de ces sangsues vampires.

À eux d'être virés, pour ne plus revenir !

Et si nous reprenions tout depuis la racine,

si nous décidions de passer un autre film,

et de reprendre enfin nos propres vies en mains,

ici et maintenant, sans attendre à demain.

Liberté, égalité, solidarité.

La devise est jolie. Y'a plus qu'à l'appliquer.

Gdalia Roulin, juin 2009.

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