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Billet de blog 11 mai 2016

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Violences sordides

J'ai envoyé ce texte, que j'ai ici un peu étoffé, à notre journal local qui l'a publié dans ses pages de libre expression. Il s'adresse à des personnes qui ne sont pas encore forcément mobilisées, démarche que je crois importante.

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Hors la propagande des médias de masse possédés par une poignée de milliardaires, les réseaux sociaux et des journalistes indépendants témoignent, multiples vidéos et photos concordantes à l'appui, des violences inouïes sur des foules de manifestants pacifiques de la part des CRS depuis le début de la mobilisation contre la casse du code du travail. Nous n'avons pas eu ce scandale à St-Affrique ni généralement dans les petites villes de province. Histoire de désolidariser citadins et ruraux ? Mais ces faits se reproduisent systématiquement dans les grandes villes depuis deux mois.

Comme dit M. Langlois, gardien de la paix renseignement territorial et secrétaire général de la CGT-Police : « … les collègues sur le terrain n'interviennent que sur ordre. Si certaines [manifestations], comme le 1er mai, se terminent en souricière place de la Nation, c'est que l'ordre en a été donné. Le message qui est passé, c'est « Casseurs venez, vous pourrez agir en toute impunité, et manifestants ne venez plus avec vos enfants, car c'est dangereux pour vous ». Et à la fin de la journée, les médias ne parlent que des violences, et surtout plus des raisons pour lesquelles les citoyens manifestent ».

Le secrétaire général du syndicat Alliance interviewé sur France Info le 5 mai, déclare entre autres : « On ne peut pas nous laisser attendre 1 h face à des casseurs qui détruisent des vitrines... ».

Le syndicat Solidaires dénonce les violences policières. La Ligue des Droits de l'Homme réclame l'ouverture d'une enquête parlementaire.

Les mêmes scénarios se produisent à Paris, Gennevilliers, St-Denis, Marseille, Nantes, Toulouse, Strasbourg, Lyon, Montpellier, Mayotte, etc. Bloquer la manifestation, l'étrangler, la couper, la dévier, coincer les gens dans une nasse, les asperger de lacrymogène (y compris par hélicoptère à Paris-Nation le 9 avril), matraquer des personnes sans défense ou à terre, en interpeller au hasard, les envoyer au tribunal. Tabasser journalistes et photographes. Drônes en survol. Sans que les quelques « casseurs » dont évidemment les rangs grossissent soient inquiétés.

La police théoriquement chargée de nous protéger abandonne ses victimes sur le carreau. Les manifestants ont dû créer leurs propres services de secours. N'ayant pu accéder qu'à une proportion restreinte des blessés, StreetMedic en a cependant soigné d'innombrables. Des blessés graves, par tirs tendus de flashballs, de grenades lacrymogènes, de grenades de désencerclement qui devaient être interdites après la mort de Rémy Fraysse, degrenades assourdissantes. Tirs au visage, dans les yeux, les mains, sur les membres, sur tout le corps. Il s'est vu des doigts à demi sectionnés, des peaux brûlées, des personnes sous le choc, terrorisées. Des gens ont été éborgnés, des crânes fracassés. En toute impunité.

Ces agissements contraires à toute déontologie sont illégaux, car la déclaration des droits de 1789 dit : « La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Aucun débat parlementaire sur l'utilisation abusive de la police. Parmi les policiers, qui frôlent tous le burn out, certains font du zèle, mais la CGT-Police appelle « les syndicats du ministère de l'intérieur, les policiers et l'ensemble des agents du ministère le 12 mai à la manifestation Unitaire CGT-FO-FSU-Solidaires-UNEFUNL-FIDL pour le retrait de la loi travail et dire non à l'austérité grandissante ». Souhaitons que triomphe l'intelligence populaire, que manifestants et policiers fraternisent dans le maintien et la mise en cohérence de leurs volontés de voir une organisation sociale juste au service des citoyens et non pas contre la population, au lieu de tomber dans le piège tendu par le pouvoir dès le début avec sa stratégie de créer et attiser la tension, diviser, presque provoquer une guerre civile dont il est sûr de sortir vainqueur.

Les CRS expérimentent in situ des tactiques savamment élaborées pour briser toute résistance aux politiques de rigueur pour les plus pauvres voulues en haut lieu. (La démocratie est allègrement violée de longue, mise sous contrainte au prétexte de « dettes » odieuses infligées aux peuples désarmés, l'UE nommant des financiers pas même élus à la tête des pays « à redresser », ce au plus grand mépris des choix que les peuples peuvent parfois exprimer, comme le refus du TCE en France ou celui du 3ème memorandum en Grèce). Nous assistons à la répression brutale du droit de manifester, à la criminalisation des résistances sociales et du syndicalisme de lutte. La caste dirigeante installe un pouvoir absolu par la peur. Le terrorisme n'a pas suffi à nous calmer, nous refusons d'être réduits à une servitude féroce et à une impuissance désolante sous la coupe de financiers mafieux, et un bras de fer est engagé.

C'est par force aussi que le gouvernement veut nous imposer la casse du code du travail : les Français s'y opposent, cela se voit on ne peut plus clairement dans la rue, le parlement risque de refuser, qu'importe, M. Valls ressort le 49-3 ! A l'heure où je poste ce texte, M. Valls l'a fait. Ils osent tout parce que en cas d'émeutes ils sont sûrs de gagner. Il importe que nous soyons une « force tranquille », et je ne plaisante qu'à moitié. Nous avons le nombre et la légitimité pour nous, et notre détermination. Ces apprentis dictateurs finiront par être balayés.

Le pouvoir veut empêcher à tout prix que l'opposition se développe, que se rejoignent les manifestants de « Nuit debout » avec des travailleurs en grève, beaucoup plus nombreux qu'on l'imaginerais dont on ne parle pas plus que de la grève générale déclarée en Grèce ces jours-ci contre la réforme des retraites et de la fiscalité. Que la jonction se fasse avec les « quartiers ». Et les provinces. Il utilise toutes les techniques de désinformation, de manipulations calomnieuses, d'intimidation, de division, d'emploi légal et illégal de la force pour maintenir en échec le grand mouvement de réveil citoyen que le projet de destruction de code du travail, discuté actuellement à l'Assemblée, a mis en marche.

Ces grands discoureurs vendeurs de valeurs les plus séductrices craignent plus que tout que nous trouvions les moyens de les concrétiser en un fonctionnement réellement démocratique, qui rendrait immédiatement leurs places privilégiées obsolètes.

En démocratie, quand le peuple s'exprime, il devrait être écouté. Si le peuple veut changer les règles du vivre ensemble, il devrait pouvoir en décider souverainement, entre adultes libres de dire à quoi ils veulent ou non s'engager, ou ce qu'ils veulent expérimenter pour améliorer leur vie en société.

Pour sortir de l'escalade de la violence, nous avons une chance à saisir avec la séquence électorale qui habituellement gâche tous les élans populaires au profit de beaux parleurs. Nous pourrions faire converger l'élection de M. Mélenchon qui a fait du changement de constitution un axe central de son militantisme avec le succès de nos mobilisations, en commençant à travailler de partout et de suite sur les règles claires de fonctionnement de la société que nous voulons mettre en place, s'agissant du contrat social qui nous engage tous, sans attendre les experts ni quelque représentation que ce soit fut-elle constituante. Et rester mobilisés pour que ce programme fondamental soit respecté : changer de constitution et d'institutions pour vivre enfin en êtres humains libres et égaux.

Et dans l'immédiat, tous aux manifs les 12, 17 et 18 mai, tous aux Nuits Debout de partout, dans la solidarité nationale et internationale.

Gdalia Roulin, 10 avril 2016.

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