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Billet de blog 12 novembre 2015

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L'idéologie de la fiche de paie

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

(Considérations inspirées de Bernard Friot)

La lecture d'une fiche de paie semble évidente : un salaire brut diminué des cotisations aboutit au salaire net que nous percevons, salaire rogné de notre participation à la solidarité nationale, les patrons étant réputés cotiser plus encore, s'ils ne sont pas exonérés.

En fait le salaire brut n'existe pas. C'est une fiction comptable qui nous fait croire qu'une ponction est opérée sur la paie que nous aurions dû toucher, paie qui correspondrait à la valeur que nous avons produite. Les cotisations vues comme des retenues sur les salaires d'une part, et sur les profits d'autre part, comme si salaires et profits se calculaient dans l'absolu avec une justice immanente, ne sont en réalité que l'expression de conventions. Le patronat a exigé cette formulation comptable avec des cotisations dites salariales mentionnées sur la fiche de paie. Et chacun a entendu dire que les cotisations dites patronales sont affreusement lourdes. D'ailleurs tout ceci en vrac, salaires et cotisations, constituerait les « charges sociales », le seul profit allant apparemment de soi étant celui du grand capital. Cela renverse la réalité : les travailleurs producteurs de valeur sont désignés comme à charge de la finance, alors que celle-ci ne prospère que sur la valeur produite par le travail et lui seul. Il est significatif que les profits n'apparaissent nullement sur les fiches de paie.

Pourtant, chaque fois qu'un salarié touche 500 €, le capital, en particulier de nos jours le capital financier, empoche 700 € et l'écart se creuse en faveur du capital.

Les cotisations ne sont pas des retenues sur salaire. Ce sont des suppléments qui ont été arrachés aux profits par des luttes sociales. Les supprimer n'augmenterait pas les salaires nets. Un exemple concret : dans les années 60 les CHU ont été créés, véritables usines qui restent aujourd'hui les plus gros employeurs des grandes villes. Ils ont remplacé les mouroirs indigents par des services hospitaliers de pointe, et tout le système hospitalier français a été modernisé, ce qui représente un formidable investissement. Pour ces réalisations aucun emprunt n'a été contracté, aucun endettement, il n'y a eu aucun appel au marché des capitaux. C'est une augmentation de la cotisation maladie qui a été affectée à ces constructions et aux salaires des personnels, sans ponction sur les salaires du privé ni sur le profit, car le PIB a été augmenté, intégrant ainsi la valeur créée par le travail sanitaire nouvellement reconnu. De 1945 à 1995 les cotisations sont passées de 16 à 66 % du brut, ce qui a maintenu les comptes de la sécu. en léger excédent. C'est depuis la CADES instaurée par M. Juppé en 1997 qu'il est fait appel aux prêteurs, et que les établissements s'endettent pour régler des intérêts, tandis que les cotisations sont gelées. Un tel choix est-il légitime ?

Le montant global des cotisations et une grande part des impôts paient ce qui est de fait du salaire déconnecté de l'emploi et des actionnaires. Ce sont les paiements aux fonctionnaires, aux soignants, aux retraités, aux chômeurs, aux parents, qui reconnaissent la valeur que toutes ces personnes produisent. C'est cela l'apport radical de 45, c'est l'institution d'une forme de salaire devenu un droit de la personne, indépendant du poste de travail, un salaire assuré par la production de valeur globale à laquelle chacun participe en réalité, un salaire qui permet de s'affranchir du marché du travail où l'on se vend, de se libérer des employeurs-investisseurs-décideurs-parasites pour enfin donner nous-mêmes sens à notre travail. (Remarque : employeur et entrepreneur ne sont pas synonymes).

Quand les cotisations ont été créées, le PIB a augmenté et les salaires n'ont pas baissé. Ainsi les fonctionnaires contribuent au PIB à hauteur du total des salaires qu'ils gagnent, déterminés par leur qualification personnelle et non par le poste qu'ils occupent. Et lorsque nous prétendons faire faire des économies à l'État en réduisant le nombre des fonctionnaires, nous nous trompons de combat.

En fait, c'est en étendant à tous le droit à un salaire garanti à vie que nous pourrions devenir des travailleurs libres coresponsables au lieu de nous positionner en quémandeurs à qui un employeur fera s'il veut et à ses conditions l'aumône d'un emploi ! Au lieu de laisser détourner la valeur produite par le travail, il suffirait de l'affecter directement aux salaires, à l'investissement, au fonctionnement des secteurs gratuits etc sans intermédiaire prédateur. Alors finis le crédit et les dettes, fini le chômage... et fini l'impôt, car il n'est pas besoin de redistribuer ce qui a été bien réparti à l'origine. Et supprimant l'impôt, on élimine du même coup les paradis fiscaux.

L'idée que la seule valeur existante est la valeur en train d'être produite par le travail mérite un long développement qui montrera que les cotisations dites patronales n'ont aucun fondement,s'agissant de valeurs produites par le travail qu'il suffit d'attribuer directement à la cotisation.

 Gdalia Roulin, lundi 6 avril 2015.

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