Je fais partie de ceux qui voudraient que nous cessions de subordonner le travail à la finance, pour lui donner le sens d'une réelle utilité humaine. Le bon sens exigerait d'abord que tous nous respections les éléments qui nous permettent de vivre : l'air, l'eau, la terre, les règnes animal et végétal… Il s'agit donc de remettre en cause les objectifs, la nature, la qualité de nos productions et les procédés utilisés du début à la fin. Et pour qu'un tel changement bénéficie à chacun, il faut que chacun participe également à l'élaboration des projets et aux décisions, sans délégation ni soi-disant représentation, ni confiscation de pouvoir.
L'organisation sociale dont celle du travail telle qu'elle fonctionne est aberrante et foncièrement injuste. Défendre « les emplois » quels qu'ils soient sans se poser la question des conséquences de nos actes, comme si l'employé n'était en rien responsable de ce que pourtant il fabrique, relève d'une mentalité servile de personnes qui ne s'imaginent que sous la dépendance d'un patron donneur d'ordres. L'industrie devrait être réétudiée de fond en comble afin de donner un maximum de satisfaction en cessant de polluer. But utopique ? Ou vaste champ de recherche...
Est-il bon de maintenir des usines automobilespolluantes qui d'ailleurs soumettent les ouvriers à des conditions de travail pathogènes ? La réponse devrait être évidente, cependantil faut être sans cœur ni conscience pour ne pas être bouleversé et saluer la lutte acharnée, courageuse et déterminée d'ouvriers à l'exemple des « Goodyears », luttant contre leur licenciement programmé et refusant le sort misérable qui leur est promis, tandis que le patron rentabilise. Loin de partager le travail dans une organisation sociale où le chômage serait ainsi supprimé et de répartir également les ressources, dans notremonde les employés sont de plus en plus regardés comme des larbins, corvéables et jetables selon les cours des casinos boursiers, soumis à des contrôles humiliants comme si perdre son emploi était une faute et une responsabilité personnelle, et leurs droits s'amenuisent sans cesse sous prétexte de crise et d'une rigueur budgétaire européenne précarisantà l'extrême les masses populaires, et laissant intacts les paradis fiscaux et autres structures permettant la criminalité en col blanc, la fraude et le blanchiment sans mesures,et la libre circulation de masses financières dont nous sommes loin de comprendre l'ampleur et la capacité de nuisance.
Les truands qui ruinent les écosystèmes et les populations pour leurs profits ne sont pas inquiétés. Au contraire les plus hauts dirigeants politiques, et parfois aussi ceux de moindre envergure, suivent leurs volontés avec un empressement hallucinant. Par contreles puissants aiment écraser les démunis, ceux qui sont a priori sans défense. C'est ainsi que les « Goodyears » réfractaires à la casse de leur outil de travail et de leurs moyens d'existence, pour avoir exercé une contrainte anodine sur 2 dirigeants de l'entreprise, sont 8 à être condamnés à 24 mois de prison dont 9 fermes (appel prévu le 19 octobre 2016)... C'est ainsi que des personnes mobilisées contre la loi El Khomri sont arrêtées au hasard dans les manifestations citadines et passent en comparution immédiate, donnant à comprendre au bas peuple que manifester est devenu un délit. Tellement que l'on se fait couramment blesser, et les cas graves sont nombreux depuis 3 mois dans ce pays, le gouvernement ayant choisi d'exacerber la tension pour déconsidérer un mouvement des plus légitimes. Manifestants et grévistes sont calomniés sur des médias aux mains de quelques milliardaires, et méprisés et persécutés par un gouvernement prêt à toutes les manipulations et abus de pouvoir, y compris la mise en danger de la vie de citoyens qu'il prétend abstraitement représenter, et qui de fait se voient agressés par des dispositions légales prises arbitrairement, et physiquement dans la rue par des policiers armés, poussés à cogner par les directives malsaines d'élus « au plus haut sommet de l'État » (comme ils aiment s'en gargariser) usant de méthodes brutales et dictatoriales à l'opposé d'une démocratie digne de ce nom, et qui tentent de minorer trompeusement un mouvement qui est en réalité une lame de fond sociale. M. Sapin se permet de proclamer si une grève est justifiée ou non, et M. Valls le 15 juin intime à la CGT de ne plus organiser de manifestations à Paris contre sa loi scélérate dont il prétend maintenir l'essentiel d'autorité.
Or la direction de la CGT elle-même dans son 51ème congrès du 19 au 22 avril n'a pas laissé les « Goodyears »s'exprimer avant les votes ! Au lieu de mettre au premier plan la lutte contre la répression de l'opposition syndicale et militante, et l'exigence de l'abandon de toutes les poursuites contre des manifestants ! La constatation s'impose : les directions syndicales ne nous représentent pas plus que les élus dont elles sont les interlocuteurs privilégiés. Elles ne représentent même pas leur propre base qu'elles suivent en freinant depuis des décennies au lieu de porter les combats à la victoire en détrônant le grand patronat. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Dès qu'il y a « représentation », il y a détournement de démocratie et installation d'une bureaucratie qui bloque toute initiative populaire, quelles que soient la beauté des déclarations de principes qui ne sont jamais respectées.
La défense des militants syndiqués ou non, condamnés pour avoir défendu leur gagne-pain ou/et refusé la destruction du texte, le code du travail qui garantit à tous les salariés du pays des droits basiques, est une lutte de salut public qui devrait être au centre des mobilisations… Un ciment d'unité des plus solides, et tellement plus significatifs que des accords passés au sommet. L'unité, c'est à la base qu'elle doit s'étendre et se développer.
Gdalia Roulin, le 3 juin 2016.