Le gouvernement économise, il doit restreindre ses dépenses, nous est-il répété à satiété, pour que nous estimions inévitable la réduction drastique des sommes allouées à satisfaire nos besoins collectifs. Bref, nous devrions trouver normal de voir toutes nos ressources et nos conditions de vie, à nous qui ne sommes pas de riches rentiers, se dégrader de toute part, et trouver juste de voir péricliter tous les services au public alors qu’il faudrait les améliorer grandement au contraire au plan humain et du point de vue démocratique.
Nous finirions par croire que toutes les catégories de population répertoriées sont « de trop » ! La France n’aurait pas les moyens d’accueillir mères et bébés, elle ferme des maternités ! Elle ne serait pas capable de donner aux jeunes une culture de qualité. A la sortie du système éducatif, pas de vraie place pour eux dans la société. Est-ce normal ? Les adultes dès qu’ils sont au chômage seraient de gros paresseux limite capricieux ! Et à l’approche des 50 ans, ils deviendraient inutilisables ! Les immigrés qui réalisent les boulots dont les autochtones n’ont pas voulu, seraient en train de nous « voler » « nos emplois », sans parler des allocations ! Quelle petitesse d’esprit (et quel manque d’informations). Les malades seraient soignés avec trop d’acharnement - ce qui est vrai parfois - mais gare aux généralisations abusives. Les vieux vivraient trop longtemps, etc…
A nous qui serions trop simples d’esprit pour comprendre des problèmes supposément « techniques » - terme bien pratique, employé à toutes les sauces pour éviter d’aborder les problèmes de fond - le budget de la nation est présenté comme s’il s’agissait du budget de tout un chacun, avec évidemment d’un côté les recettes, et de l’autre les dépenses, qui doivent s’équilibrer, ou mieux donner un solde positif.
C’est vite oublier que la puissance publique n’est pas un ménage, ni un « bon père de famille » ! Les recettes d’un pays ne sont en rien comparables à de quelconques salaires, pensions de retraite ou allocations, qui très rarement augmentent, et nettement moins vite que le coût de la vie. Les rentrées d’argent de l’ État sont différentes. C’est l’État qui vote le budget et décide des impôts qu’il va lever pour alimenter son budget, et c’est lui qui choisit s’il exonère outrageusement les ultras-riches sous des prétextes fallacieux. Il touche en outre le bénéfice des entreprises publiques, et il fait payer des services. C’est l’État qui décide si les dépenses dépasseront les recettes, et c’est lui qui choisit son mode de financement.
Traditionnellement, l'État émettait sa monnaie. Hélas, les traditions se perdent, ma bonne dame ! Mais elles ne se sont pas perdues par hasard. Ce sont nos élus qui ont voté la loi de 1973 qui dépossède l’État français de cette prérogative, et ce sont eux qui ont ratifié les traités européens, contre l’avis du peuple français opposé au TCE. Ces traités imposent la même impuissance à tous les États européens signataires.
C’est fabuleux : dorénavant le monde de la haute finance, grâce à la complicité éhontée de nos dirigeants politiques, prête aux États à des taux d’intérêt qu’il décide lui-même, en s’arrogeant le droit de juger de la politique d’une nation, d’indiquer aux élus quelle feuille de route suivre. Ils ont même osé placer d’autorité certaines de leurs éminences grises à la tête par ex. de la Grèce ou de l’Italie, sans se préoccuper de la Constitution de ces pays. Ce sont des coups d’État financiers. Ils ne peuvent se le permettre, et avec quel cynisme, que lorsque les gouvernements leur en donnent le pouvoir, aussi abusif soit-il, complètement aux antipodes d’une réelle démocratie. Les États ont décidé eux-mêmes de renoncer à leur contrôle sur la finance, et à leurs possibilités d’avances de trésorerie par un établissement public subordonné.
Pour faire grimper la dette d’un État, rien de plus facile : il suffit d’augmenter le taux d’intérêt qui lui est appliqué. Ce sont les intérêts qui font la fortune des banquiers et assoient leur domination. L’écrasante majorité de la dette est générée par les intérêts dans la plupart des pays.
Ce procédé a été longuement testé sur les pays dits du Tiers-Monde. Depuis 1970, les pouvoirs publics de ces pays ont remboursé à titre d’intérêts 98 fois le montant de leur emprunt initial, et ils « doivent » encore 32 fois ce montant. La dette globale de ces pays (pouvoirs publics + entreprises privées) a été remboursée 110 fois, et elle a été néanmoins multipliée par 50 (chiffres de 2009). Cette « dette » asphyxiante devient de plus en plus impossible à rembourser, et cela permet à ceux que l’on nomme « les investisseurs » de mettre des pays entiers en coupe réglée, tandis que des peuples sont réduits à la famine et à la servitude. Le même procédé est appliqué délibérément en Grèce et dans les autres pays dits de la périphérie. Ces pays se trouvent ainsi pieds et poings liés aux mains de créanciers qui vont les dépecer encore et encore.
Ce procédé constitue un rackett sur les finances publiques.
Gdalia Roulin, 8 juillet 2013.