Contrairement à ce que suggèrent les discours d'austérité, la France et l'UE n'ont jamais été aussi riches, financièrement s'entend. Une répartition des revenus égalitaire donnerait aux 508,2 millions d'Européens 26 000 €/an chacun. Et il suffit de verser tous 1 € pour dégager 508 millions. Sans parler de récolter les 1000 milliards de fraudes et évasion fiscale annuelles (estimation de la commission européenne). De quoi se montrer hospitaliers.
Mais l'inégalité aussi atteint des sommets, (les 1 % les plus riches des Européens possèdent le ⅓ du total des richesses nettes de l'UE, tandis que les 40 % les plus pauvres possèdent 1 % de ces richesses (Oxfam), et comme la vieille recette : « diviser pour régner » fonctionne comme au premier jour, pendant que les nouveaux boat peoples crèvent au large, on nous menace à coups de vagues migratoires qui risqueraient de nous engloutir ! Tremblez carcasses, des milliers de personnes frappent à nos portes ! Restrictions en point de mire !
Alors que la photo du petit Aylan, recraché noyé sur une plage turque, faisait le tour du monde, Mme Le Pen scandait : « Je ne vois venir que des hommes qui vont prendre le travail des Français ». C'est faux. D'après le HCR, la moitié des réfugiés dans le monde sont des enfants.
En fait l'Europe est traditionnellement une terre d'accueil, et le pur Français de souche n'est qu'une fiction. Oui depuis 2011 le nombre de réfugiés syriens augmente, on se demande bien pourquoi ! Avec de plus en plus de femmes et d'enfants, parfois nés sur les chemins de l'exil. Qu'êtes-vous censés faire quand vous êtes cernés sous les bombes, que la mort violente rôde alentour, que vous ne trouvez plus ni nourriture ni médicaments dont les prix s'envolent, ni électricité ni eau… ni eau… Abandonnez-vous là votre famille ? Les comptes en banque bien garnis changent simplement de résidence princière (ce pourraient être les Le Pen… ), ceux qui le peuvent paient des passeurs et laissent derrière eux leur territoire, leurs amis, leur culture, leurs biens matériels, sans aucune perspective d'avenir assuré, et les plus pauvres sont coincés et se débrouillent s'ils parviennent à survivre. Premier tri radical !
Les Syriens étaient 23 millions au début de la guerre. Depuis 2011 sont partis 11,2 millions d'entre eux. « L'excédent migratoire » qu'ils représentent potentiellement ne peut mathématiquement dépasser ce chiffre. Cela devrait-il apeurer 508 millions d'habitants sur les 4,5 millions de km² de l'UE ? Soulignons que 80 % des personnes déplacées restent dans leur pays ou à proximité. Souvenez-vous… l'exode… 1940… Nul ne souhaite ce déracinement et nous n'aurons jamais à accueillir « toute la misère du monde » même quand nos gouvernements sont responsables de la détresse avec leurs frappes « progressistes », leurs guerres « humanitaires », leur soutien à des dictatures corrompues au service par ex. de Total ou d'Areva qu'ils confondent avec l'intérêt national, quand ils sont complices de l'expulsion des paysans de leurs terres traditionnelles vivrières pour que « nos » entreprises puissent exploiter le sous-sol, polluant en général l'écosystème entier. Et lorsque les victimes ont trouvé la force, le courage, l'intelligence de parvenir à échapper aux atrocités qui détruisent leurs vies, ils poursuivent les hostilités en érigeant de hauts murs et barbelés gardés par une police des frontières armée. A Ceuta et Melila, et ailleurs, des migrants ont été tués froidement.
M. Le Pen déclame : « Osons dire demain à ceux qui franchissent nos frontières : si vous venez chez nous, vous n'aurez droit à rien ! Pas de travail, pas d'école, pas d'hôpitaux, pas de logements ! Rien, rien d'autre qu'être reconduits à la frontière ! » Charmant ! Et il en est pour faire confiance à un homme et à des propos pareils !
Sûr que si ce sont toujours les mêmes qui payent, ils se persuadent facilement que c'est trop leur demander, peinant à boucler des fins de mois de plus en plus longues. Et ainsi l'on crée des tensions, du stress, du rejet. Pourtant les peuples qui souffrent, de façon plus ou moins aiguë, sont tous sous la coupe de la même mafia en col blanc dans ses diverses déclinaisons.
Et c'est oublier que les immigrés ne coûtent pas, ils rapportent. Une étude de 2009 réalisée pour le ministère des affaires sociales, basée sur les chiffres officiels, indique que si l'État débourse 47,9 milliards € pour les immigrés, ils lui reversent 60,3 milliards, soit un solde positif de 12,4 milliards € pour les finances publiques.
Ces calculs lamentablement triviaux peuvent donner envie de hurler mais sont sans doute utiles vu le cynisme ambiant.
Et combien dépense-t-on pour cette politique ségrégationniste ? Le budget 2015 prévu pour frontex est de 114 millions. Rétention + expulsion coûtaient déjà 533 millions en 2008. L'association « Cette France-là » qui a compté les coûts depuis l'interpellation jusqu'à l'expulsion trouve, elle, 2 milliards €/an ! De quoi recevoir dignement les quelques 20 000 expulsés correspondants.
Rappelons-nous que le droit de circuler, le droit de quitter son pays, est l'une des premières libertés, explicitement mentionnée dans la déclaration des droits de l'homme qu'il s'agirait de faire respecter.
Au nom de ce que nous avons de plus cher, ne laissons plus se reproduire sans cesse les mêmes schémas guerriers odieusement hallucinants. Ce système social est délétère. Il faut en changer, sortir des rapports de force criminels, et construire une société beaucoup plus juste et pacifique, tournée vers la vie, le respect mutuel et l'entraide, où il ferait bon vivre ensemble.
Gdalia Roulin, 14 septembre 2015.