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Billet de blog 17 octobre 2015

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Que s'est-il passé samedi 22 février à Nantes ? (février 2014)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis samedi, toutes les heures, les radios ont repris une formulation identique : la manifestation à Nantes contre l'aéroport de Notre-Dame des Landes a dégénéré. Des policiers ont été blessés. M. Valls dénonce sans les nommer les organisateurs, visiblement persuadé que « l'opinion » va basculer dans un opprobre unanime contre les opposants à ce projet absurde d'aéroport, comme si les brutalités d'un petit groupe devaient déconsidérer tout un mouvement pacifique et renverser des convictions mûrement réfléchies, puisqu'on n'entend parler que de casseurs, et qu'il s'agit de défendre l'ordre et la sécurité, et rien de moins que les institutions...

Pour trouver plus d'information, il faut vraiment chercher ! Pas de quoi être fier de promouvoir des amalgames grossiers, des généralisations plus qu'abusives et de fonder ainsi son audience sur la calomnie.

Quand va-t-on nous dire le nombre des manifestants ? Ah ! J'entends une fois : entre 20 et 50 000. A l'heure où nous sommes si bien surveillés, fichés, filmés, dronés, pucés etc..., que l'on ne puisse pas seulement nous donner un chiffre correct est une vaste plaisanterie. P. Canfin, exprimant à l'émission « Tous politiques » l'opposition de son parti au projet d'aéroport, rappelle que la manifestation a d'abord été un succès, réunissant plusieurs dizaines de milliers de personnes (il n'a pas osé préciser !), beaucoup venues en famille avec leurs enfants, accompagnant les agriculteurs sur leurs tracteurs. C'est dire quels dangereux terroristes étaient rassemblés là en ville !

Et quelques casseurs se seraient attaqués au déploiement massif de gendarmes et C.R.S. Quatre à huit militaires auraient été blessés, cent vingt autres molestés, mais chez les manifestants, rien à signaler ! Pourtant, depuis l'accession au pouvoir de M. Ayrault, si les zadistes sont confrontés à la violence, ç'a été à coups de déploiements écrasants de gendarmes mobiles, d'aspersions concentrées de gaz lacrymogènes détruisant des cultures nourricières bio, de nappes asphyxiantes de ces mêmes gaz pour tirer à l'aube des occupants endormis de leur cabane et la démolir, de tirs tendus de flash ball... Et des blessés, il y en a eu. Sans publicité ! Tout ceci bien avant que les recours juridiques aient été épuisés, puisqu'ils ne le sont pas à ce jour. Et au déni de toute vraie démocratie.

Soit l'antienne reprise en boucle sans se lasser par les « grands médias » n'a que peu à voir avec une information suffisamment complète et étayée, soit il y a là un mystère à éclaircir. A qui fera-t-on croire que les CRS venus en force avec blindés et canons à eau seraient restés impassibles de 13 heures 30 à 21 heures 30 face à ceux qui les auraient attaqués et blessés, auraient fracassé les vitrines du centre-ville, déterré les pavés, construit une grosse barricade ? Soit il y a eu affrontement et les 14 interpellations ont été opérées manu-militari, avec dégâts corporels des 2 côtés, soit les forces policières ont été d'une complaisance plus qu'étrange envers les casseurs ? Ou les deux ? (Laisser taguer le commissariat ne pouvait manquer de fournir de bonnes images-choc à la télé !). Bon, au moment où j'écris lundi 24 février à 13 heures, j'ai un début de réponse sur France Inter : il y a bien eu des blessés aussi chez les manifestants. L'un d'eux aurait perdu un œil. J'apprendrai plus tard qu'il a reçu une grenade assourdissante en plein visage. Rien ne prouve cependant que ces manifestants étaient des casseurs. D'ailleurs aux dernières nouvelles des lacrymos ont été balancés sur des enfants ! Et on a pu voir vomir des enfants grâce aux bons soins des forces de l'ordre établi. Un journaliste de TV Rennes porte plainte pour des blessures causées par une grenade lancée par la police. C'était une grenade de désencerclement, une arme de guerre qui n'avait pas lieu d'être utilisée hors contexte.

Autre bizarrerie, les casseurs étaient une centaine aux infos du samedi soir, et dimanche ils étaient un millier. Les faits étant survenus le samedi. Où donc les « grands médias » prennent-ils leurs sources ? N'avaient-ils envoyé aucun journaliste digne de ce nom sur place ? Ou seraient-ils aux ordres ?

Pourtant le sujet est des plus graves et nous engage tous.

Il s'agit de savoir si nous allons sacrifier une magnifique terre d'agriculture vivrière (encore une !) sur l'autel des grands marchés - transatlantique par ex. - avec pour horizon une spécialisation que l'on pourrait qualifier de stalinienne des productions régionales, ne servant que les gros intérêts financiers, en dépossédant chaque jour un peu plus les citoyens de la maîtrise de leurs moyens d'assurer de façon autonome leur vie, leur subsistance, leur bien-être et leur santé, éloignant d'eux toujours davantage les instances décisionnelles mises en « cohérence » par des technocrates, car c'est dans ce sens que va la création de métropoles européennes dont les infrastructures mégalomaniaques correspondent aux visions de cerveaux formatés par l'ENA et consorts. Allons-nous laisser se poursuivre une politique aberrante qui voudrait goudronner une zone humide normalement protégée ? Les inondations du mois dernier ne vont-elles pas nous servir de leçon ?

Et puis, quel délire de toute-puissance de se figurer que l'homme serait capable de transplanter tout un écosystème, toute une biodiversité hors du milieu naturel où elle s'est développée au fil du temps long. Tant d'absurdités pour accroître la fortune démesurée de M. Vinci ! Au lieu de cesser les gabegies énergétiques et autres gaspillages et saccages éhontés de nos milieux de vie naturels.

Le goût du sensationnel et les petites formules ressassées ad nauseam ne nous exonèrent pas d'une réflexion sérieuse, documentée et responsable sur les choix de société qui se posent à nous.

Gdalia Roulin, le mardi 25 février 2014.

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