Les Français ont démis M. Sarkozy en 2012 plus qu'ils n'avaient élu M. Hollande (22,57 % des inscrits au 1er tour ; 39,54 % au 2e). Ces messieurs néanmoins décident seuls de la guerre et de la paix, et l'actuel président soi-disant socialiste, qui ne songe aucunement à prendre l'avis des assemblées nationales (encore moins des citoyens qui n'ont qu'à rentrer dans le rang) consulte M. Sarkozy dans ce moment où l'état d'urgence est proclamé.
Certes l'ex est orfèvre en la matière puisqu'il avait en 2011, selon le modèle US qui a si bien fonctionné en Irak, fait bombarder la Lybie avec des résultats tout aussi probants ! Et à partir de la Lybie un arsenal militaire impressionnant s'est dispersé dans toute l'Afrique, armant les organisations terroristes que nous sommes supposés combattre. Et pourquoi donc « la France » s'enorgueillit-elle d'être l'un des premiers vendeurs d'armes de la planète, pourquoi arme-t-elle les monarchies du golfe qui financent et inspirent les organisations terroristes sunnites ?
Depuis 2011 « la France » après l'Afghanistan et la Lybie, a frappé au Mali (9 mois après l'élection de M. Hollande, opération la plus meurtrière de l'histoire de l'ONU), en Centrafrique et en Irak. L'opération durable « Barkhane » (un vrai nom de jeu vidéo) avec 3.000 soldats couvre le Mali, le Niger, le Tchad, la Mauritanie et le Burkina Faso. L'armée coopère avec le Cameroun et le Nigéria dans une lutte qui n'avance pas contre Boko Haram. Elle a récemment bombardé en Syrie. Oubliées les émouvantes et gigantesques manifestations pacifiques du début qu'on a soigneusement laissé se perdre dans un cauchemar sans nom.
Cela vous a un petit air de Françafrique ! Pourrait-on aller jusqu'à dire que la lutte contre le terrorisme sert les intérêts de hautes sphères économiques en France ?
En tout cas M. Hollande n'a rien à voir avec le pacifisme et la générosité de Jaurès. C'est un va-t-en guerre de première classe (de ceux qui envoient les autres au charnier les pieds au chaud dans ses souliers vernis). Avec cette politique, l'étonnant est que des attentats n'aient pas eu lieu plus tôt sur le sol français. Cependant les distingués VRP en chef en rajoutent : « Nous sommes en guerre » répète M. Sarkozy tel le pompier pyromane.
La guerre, crime de masse ordonné par l'État, rien de tel pour détourner des enjeux de fond, faire oublier les turpitudes de ceux qui sont aux commandes, criminaliser et niveler les oppositions démocratiques, et réduire la masse des citoyens à la misère et à la servitude comme si c'était normal, tandis que les bétonneurs s'apprêtent à « reconstruire » sur les champs de ruines qu'on aurait mieux fait de garder en paix.
Nos dirigeants suivent le modèle US. Pourtant, quid des USA après le 11 septembre 2001, les appels à l'unité nationale, au patriotisme jusqu'au « Patriot act » et les discours martiaux pour éradiquer le terrorisme ? Après l'Irak et autres « interventions », après avoir coupé l'herbe sous le pied des révolutions arabes en les poussant à élire de nouveaux maîtres au plus vite, comme si c'était ça la démocratie, après avoir contribué à pourrir de façon insupportable la situation en Syrie, où l'existence de Daesh sert les visées de M. El Assad (celui qui emprisonne et torture à tour de bras mais qui avait libéré 400 djihadistes) en réalité aux USA big brother est en action, les mouvements de gauche radicale et les syndicats autres que jaunes sont laminés, tandis que le terrorisme se porte mieux que jamais.
Au point où nous sommes arrivés, nous avons maintenant un ennemi offensif, et 8 tueurs suicidaires ont pu coordonner 6 attaques simultanées dans une capitale en "vigilance maximum" depuis la tuerie de janvier à Charlie Hebdo, perpétrant l'attentat le plus meurtrier en Europe depuis ceux de Madrid en 2004 et de Londres en 2005.
Mais si la France était un pays où chacun ait sa place dans une société paisible et heureuse, les sirènes djihadistes pourraient-elles circonvenir des jeunes épanouis pleins de santé et de projets d'avenir, de possibilités d'exprimer leurs talents, leurs goûts, leurs enthousiasmes, d'expérimenter selon leurs choix pour vivre mieux et apporter leur contribution au bien-être social ? Ces jeunes croiraient-ils un seul instant que la communauté humaine où ils ont grandi est intrinsèquement mauvaise et qu'il faut la détruire ? Le célèbre serpent mordant la main qui le nourrit est une rareté objet de scandale : il ne peut y avoir d'épidémie de la sorte. Imagine-t-on des attentats terroristes dans le Tahiti originel ? Ceux qui accueillaient l'étranger avec des colliers de fleurs ? Ou chez les Indiens Caraïbes qui ont pris Colomb et ses troupes d'abord pour des amis ? L'être humain n'est ni bon ni mauvais par nature, il est adaptable. En réalité chaque enfant qui naît vient avant tout avec l'envie de vivre chevillée au corps. De vivre heureux tant que possible. Et un besoin d'amour si vital que le bébé qui en est privé s'étiole et meurt.
Dans une société accueillante les jeunes auraient beaucoup mieux à faire que jouer les terreurs martyrs rêvant de peupler des jardins d'éternité aux délices convenues. Haine ? Désir de revanche ? Envie de tout bousiller ? Héroïsmes et fanatismes germent sur fond de désespoir et d'avenir bouché, de processus mortifères insensés, d'un besoin réel et vital de changement qu'on ne sait pas réaliser de façon constructive. (Il n'est pas besoin d'être pauvre soi-même pour être sensible à l'état du monde, aux humiliations et injustices infligés à ceux dont on se sent proches). Depuis quand voit-on des hordes de jeunes nihilistes sacrificiels se faire exploser dans le seul but d'entraîner dans la mort des inconnus et de semer le malheur et la destruction chez leurs semblables, au prétexte qu'ils appartiendraient à une masse indifférenciée de Blancs, des infidèles pervertis « sans morale » ? Ces kamikazes n'ont d'autre perspective que d'installer la dictature théocratique sanglante d'un État islamique ! Guerre de religion à nouveau, opium d'un peuple qui va mourir pour la volonté de puissance de quelques-uns. Encore une histoire de reproduction du même. Remplacer un règne par un autre règne, parfaitement terrestre faut-il le préciser ? Bref être calife à la place du calife, si l'on peut oser cette pointe ! Daesh ou El Qaïda sont les pendants des extrêmes haineux et dictatoriaux qui semblent encore avoir le vent en poupe en UE, tant il est plus facile de détruire et se murer que de construire. Dans ce sens, les djihadistes, loin d'être antithétiques à notre société, sont imprégnés de valeurs qu'elle véhicule du sommet jusque dans les jeux proposés aux enfants.
Gdalia Roulin, lundi 16 novembre 2015.