De quelles règles assurant aux salariés un minimum de respect dans leur emploi voudriez-vous alléger le code du travail ? Toutes les lois sur le sujet depuis 2004 poursuivent la sape des garanties qui protégeaient les salariés, s'appliquant à les isoler et précariser, chacun n'ayant qu'à se vendre individuellement, tandis que les droits conquis collectivement en plus de 200 ans sont détruits méthodiquement.
Le code du travail a déjà été revu à la baisse de 2004 à 2008 avec 500 lois supprimées sur 1.150. Et redécoupage en 3.850 lois d'un texte allégé de 10 % ! Le chômage a-t-il régressé derechef ? Non, les licenciements facilités se multiplient sans embauche supplémentaire. Et les privilèges sont de règle. Tandis qu'un salarié licencié sans recours doit justifier du moindre refus d'emploi au rabais ou du plus petit retard à un rendez-vous fixé par Pôle emploi, le patron est garanti contre les sanctions pénales si ses licenciements sont boursiers, abusifs ou sans motifs réels et sérieux. En cas de faillite sa résidence principale est protégée. Celle du salarié, non ! Ce qui croît sans limites, c'est l'insécurité et la pauvreté des travailleurs. Les chômeurs répertoriés sont 6,15 millions, les pauvres sont 9 millions. Tandis que les patrons ont reçu 220 milliards d'aides sans contrepartie. Cette masse financière appartenait à la collectivité.
Une bonne façon de réduire le code du travail serait d'en ôter les dérogations qui permettent aux patrons de le contourner, et d'exiger le paiement des cotisations dites « patronales », qui sont en réalité une part de salaire mutualisée pour abonder les diverses Caisses de solidarité créées en 45, au lieu de laisser l'argent partir vers l'actionnariat et les paradis fiscaux en déclarant les Caisses en déficit.
Le code du travail né en 1910 n'a pas été rédigé un beau jour par des experts réunis en conclave. Il s'est construit dans le rapport de force à travers les luttes sociales (grèves de 1906, 1936, 1945, 1968, 1995, etc...) dont l'histoire dure et sanglante et la législation sont soigneusement ignorées des programmes scolaires du secondaire, et ne sont qu'une matière optionnelle jusque dans les études de droit ! Ce code concerne pourtant 24 millions de salariés (93 % des personnes dites «actives»). Dans une société où l'on brade tous azimuts à des intérêts privés au lieu de développer le secteur public et coopératif, où le droit de propriété a la prééminence sur toute autre considération fut-elle criante d'inhumanité ou d'absurdité, où la législation définit le salariat comme un lien de subordination entre patrons et employés (réalité que nous devrions abolir pour établir la démocratie y compris au plan économique) au moins le code du travail précise-t-il les droits planchers que le patron est tenu de respecter envers les salariés. Chacun peut imaginer, si des droits ne sont pas garantis par la loi, l'efficacité de négociations de gré à gré individuelles à l'embauche ou entreprises par entreprises…Or le contrat individuel devient prévalant sur le cadre légal s'appliquant à tous, les sanctions pénales contre la délinquance patronale (le code du travail est le plus fraudé) disparaissent ainsi que l'inspection du travail et les prud'hommes pour laisser place à des « commissions d'arbitrage patronales » ! Or, comme dit G. Filoche : « Un patron ne donne rien à un salarié. Il lui achète sa force de travail le moins cher possible pour en tirer la plus-value la plus forte possible ».
Le but est clair : M. Kessler (2007) : «Il s'agit aujourd'hui de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance» ; M. Macron : (2013) : « La gauche moderne est celle qui donne la possibilité aux individus de faire face [...]. Elle ne peut plus raisonner en termes de statuts. La société statutaire où tout sera prévu va inexorablement disparaître », et : «L’objectif est zéro refus d’homologation des plans sociaux», le même en 2015 : «Mon job n’est pas de protéger les emplois existants» ; M. Hollande (septembre 2015) : «On va adapter le code du travail à la situation des entreprises». Etc... Un patron ne déclarait-il pas récemment qu'il faut revoir nos interdits quant au travail des enfants !
Avec Uber, sous prétexte d'indépendance, l'employé n'a nulle protection légale ni cotisation de solidarité, il n'a que le droit d'accourir quand un job lui est proposé, sous contrat à zéro heure et c'est lui qui paie : il fournit l'outil de travail (voiture, local), il l'entretient et assure les réparations, et il verse 20 % de ses gains à l'employeur ! C'est ainsi que des jeunes travaillent des 20 et 22 h/jour, tant qu'ils peuvent avant de s'écrouler ou d'avoir un accident. Sans aucun droit, ni SMIC, ni durée maximale de travail, ni garanties pour maladie ou accident, ni sur l'hygiène et la sécurité au travail, ni droits à congés, à formation. Rien. Alors qu'il y a déjà aujourd'hui 650.000 accidents du travail par an dont 600 mortels, 700 suicides liés au travail, 4.500 handicapés du travail, des dizaines de milliers de maladies professionnelles…
Au 1 janvier 2017, avec le « compte personnel d’activité », carte à puce où figurera notre déroulement de carrière et ses aléas, plus de CV à rédiger, les patrons choisiront d'embaucher selon leurs propres critères conservés informatiquement hors de notre atteinte, comme sur ces cartes vitales ou bancaires dont le « bénéficiaire » ne maîtrise certes pas le contenu. C'est le retour du livret ouvrier qui fichait et contrôlait la main d’œuvre au XIXe siècle, maîtrisant ainsi les mouvements sociaux, et dont les révoltes ouvrières avaient fini par imposer la suppression en 1856 sous Napoléon III…
Gdalia Roulin, 15 février 2016.