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Billet de blog 19 août 2015

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Du concret en Grèce

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Voici un texte que je viens d'envoyer, un peu abrégé pour entrer dans le format autorisé, pour paraître dans les pages d'expression libre de notre journal local préféré.

On entend aux infos : « Le gouvernement Syriza... », formulation qui amalgame le gouvernement Tsipras actuel et Syriza tel un bloc monolithique alors qu'en réalité ce parti va probablement exploser, et ce serait une bonne nouvelle, car une majorité de ses membres dont 109 au comité central sur 201, s'oppose radicalement à l'accord signé le 13 juillet entre M. Tsipras et la Troïka+MES, tandis que d'autres suivent M. Tsipras comme n'importe quelle sociale-démocratie soutient un chef d'État rentré dans les clous du modèle dominant.

C'est concrètement la mise à mort des Grecs les plus précarisés que M. Tsipras a signée, et sa soumission à un régime colonial aux mains de la Troïka qui exercera une tutelle serrée sur la politique et l'économie du pays. Le memorandum (accord financier qui n'est pas un texte de loi !) stipule : « Le gouvernement doit consulter les institutions et convenir avec elles de tout projet législatif dans les domaines concernés dans un délai approprié avant de le soumettre à la consultation publique ou au Parlement ». On ne saurait mieux dire que toute démocratie doit s'effacer devant la volonté des banquiers. Et « Le gouvernement grec procédera à un réexamen en vue de modifier les dispositions législatives adoptées contraires à l'accord du 20 février... ».

De plus les dépenses sociales seront coupées automatiquement en cas de défaillance économique. Or les objectifs budgétaires fixés sont impossibles à atteindre dans les conditions imposées qui vouent le pays à la destruction de ses ressources et de son économie. Ce n'est un secret pour personne que les politiques dites « d'austérité » n'ont permis nulle part d'atteindre leurs buts affichés : diminuer les dettes publiques et relancer « la croissance ». Au contraire « la dette » globale a grimpé de 65 % à 94 % du PIB en UE entre 2008-2014, bon moyen de tenir les gens en laisse tant qu'ils croient à sa légitimité, et partout y compris en Allemagne le droit du travail est attaqué, les travailleurs précarisés, les licenciements et le chômage se multiplient, le nombre de SDF et la malnutrition augmentent, les services publics sont méthodiquement démantelés et privatisés, les services d'éducation et de santé se dégradent dont les pauvres se retrouvent de plus en plus exclus.

Sous prétexte de compétitivité obligatoire et en préalable à tout déblocage de fonds, Troïka+MES exigent de la Grèce le vote d'une panoplie de « mesures » d'une précision hallucinante :

- TVA haussée de 13 à 23 % sur des produits de première nécessité dont nombre d'aliments : préparations à base de céréales, de lait, de féculents, de viande, de poissons, de légumes, de fruits, les œufs, les huiles sauf l'huile d'olive, le vinaigre, les épices, le sel, le sucre, le cacao, le thé, le café, les produits d'élevage, le bois de chauffage, etc, dans un pays où la faim fait des ravages depuis 2010 et où le tourisme est important. Le label « lait frais » doit disparaître et les dates de validité pour le lait pasteurisé s'allonger de 5 jours, ce qui permettra aux exportateurs allemands et danois de tuer les petits producteurs locaux. A l'avenant concernant la boulangerie. Alors que l'activité s'est déjà effondrée et que des produits de base comme les médicaments sont rationnés !

- Les hôpitaux sont sinistrés et débordés, le budget santé a déjà été réduit de 40 %, 3 000 médecins ont perdu leur emploi, et un forfait de 5 € a été instauré pour chaque consultation. Coût énorme par ex. pour un retraité qui touche 350 ou 250 €/mois surtout s'il doit venir plusieurs fois. Les patients doivent acheter eux-mêmes s'ils en trouvent pansements, seringues ou médicaments car des hôpitaux (et des pharmacies) sont en rupture de stock. Plus du ¼ de la population n'a plus de couverture sociale, la tuberculose et la syphilis ont réapparu, le sida se répand par manque de prévention, la mortalité infantile explose !

- Perceptions de l'impôt à l'avance en début d'année pour les entreprises dont les artisans et petits commerçants, ce qui achèvera la ruine du tissu économique grec, en particulier de proximité, au profit des grandes entreprises spécialistes de l'embauche précaire.

- Limitation des impôts des grandes entreprises.

- Alors que de plus en plus de salariés ne travaillent plus qu'à ½ temps ou ¼ temps, et souvent n'ont plus été payés depuis des mois, blocage des salaires (SMIC à 586 €), nouvelle réduction des retraites, travail du dimanche, facilitation des licenciements. Pourtant les renvois massifs ordonnés dès 2010 par ex. des 583 femmes de ménage du ministère des finances, n'ont fait qu'enrichir les agences privées d'intérim sans apporter d'économie.

- Révision du code de procédure civile qui va démultiplier les expulsions.

- Priorité donnée au sauvetage des banques sur toute autre disposition. A mesure que les faillites s'accélèrent, les mauvaises créances s'accumulent dans les bilans bancaires. Une recapitalisation du système bancaire grec est devenue prioritaire aux yeux des créanciers alors que ce problème n'existait pas en juin.

- Privatisations sous contrôle exclusivement étranger qui va ôter à l'État tous ses actifs rentables. En 2013 l'État grec, contraint de vendre 28 bâtiments qu'il continue d'utiliser, a vu les 261 millions de la vente versés directement aux créanciers. Sous 20 ans il aura payé 600 millions de loyer...

Et c'est le prélude à un désastre écologique avec la vente forcée des territoires.

Pourtant l'audit de la «dette» grecque réalisé à la demande de la présidente du parlement Zoé Konstantopoulou et coordonné par Éric Toussaint (CADTM) a démontré qu'elle est en totalité illégitime, illégale, odieuse et insoutenable. Les Grecs sont sommés de rembourser capital, intérêts exorbitants et coûts pour un argent dont ils n'ont pas disposé, une dette abusive créée comme ailleurs en Europe par des intérêts payés aux banquiers privés, par les cadeaux fiscaux consentis aux très riches et l'amnistie de leurs fraudes avec la bénédiction de la Troïka, par les recapitalisations et renflouement directs ou déguisés des banques privées à plusieurs reprises depuis 2008, par des dépenses militaires démesurées au bénéfice d'entreprises allemandes et françaises. L'explosion de la dette depuis 2007 est due à la récession assénée par la Troïka, ce pompier pyromane qui mène son coup d’État en Grèce depuis 2010 à coups de memorandums, signés sous l'injonction des autorités de l'UE et du FMI dans une atmosphère fabriquée d'urgence et de menace de « contagion » autour d'une dette montée en épingle. « En fait ces dernières années, nous les Grecs avons reçu 226 milliards et en avons réglé 270, soit 44 milliards de plus ! » (Manolis Glezos au parlement européen le 21/05/2015).

 Gdalia Roulin, lundi 17 août 2015.

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