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Billet de blog 27 janvier 2018

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L'immigration fut recherchée par les pouvoirs publics lors de la révolution industrielle, puis pour reconstruire le pays après les deux guerres mondiales. Et l’État français délègue en grande partie entre 1924 et 1970 la gestion des migrants aux organisations patronales. Mais désormais la main d'œuvre devient superflue, et l'humanisme n'est plus à la mode en haut lieu !

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Notre pays accueille avec empressement chaque année 80 à 100 millions d'étrangers, et nul n'entend pousser les hauts cris au sujet de ce flux touristique, augmenté de 7 % l'an dernier. Au contraire la France, première destination touristique mondiale, se fait séduisante voire racoleuse (pub, « aménagements » etc.) pour attirer ces séjours qui vont positiver sa balance commerciale, puisque c'est là la balance qui compte dans les économies mondialisées, la dite balance important beaucoup plus aux yeux des privilégiés au pouvoir que celle de la justice.

Parmi ces flots transhumants, bon an mal an quelques dizaines de milliers de personnes tentent de rester. Celles-ci sauf exception ne vont pas mener la grande vie, elles essaient de survivre aux horreurs qu'elles ont fuies.

Mais, contrairement aux « éléments de langage » répandus par son staff de communication, M. Macron, qui parle d'accueil digne et de respect du droit d'asile, agit à l'opposé des principes lénifiants qu'il étale. Le droit d'asile, appliqué a minima depuis longtemps, va requérir une chance inouïe pour pouvoir seulement être demandé. Tout le sens de la loi prévue sur « l'asile et l'immigration » est d'aggraver les discriminations arbitraires et la rapidité de renvoi à la frontière ou pire à leur point de départ des « indésirables », réfugiés inclus ou pères d'enfants nés en France expulsés manu militari. Entre autres, à dater de son entrée en France un demandeur d'asile n'aura plus que 90 jours au lieu de 120 pour présenter sa demande, et si l'OFPRA le déboute il aura 2 semaines au lieu d'un mois pour faire appel, ce recours n'étant plus suspensif, alors qu'il faut un mois pour obtenir rendez-vous en Préfecture… Et M. Macron va-t-il vraiment faire installer un hébergement digne de ce nom, ou n'est-il pas en train d'organiser les centres existants en centres de tri selon la nationalité et le statut administratif des réfugiés ? Cela viole les principes de l'accueil inconditionnel d'urgence en place depuis la guerre.

Les douces promesses ne se vérifient pas sur le terrain. La réalité odieuse, c'est que les gens sont maintenus sciemment à la rue dans des conditions sordides. Ainsi, la France étant condamnée par l'ONU pour empêcher l'accès des migrants et autres SDF aux points d'eau, l'eau est rétablie... à 60 cm du sol… Charmant ! Tout est conçu pour que réfugiés et pauvres inspirent peur ou dégoût, plutôt que la solidarité active qui est la seule réaction juste envers des personnes en souffrance. On tente officiellement de justifier l'injustifiable : la persécution d'êtres humains en détresse.

Le 2 janvier 2018 à l'appel du DAL et avec la France Insoumise, une manifestation réclamait selon la loi la réquisition pour les sans-abris des locaux vides de l'hôpital du Val-de-Grâce. Sans résultat. Tandis que 200.000 logements restent inoccupés à Paris...

On ne cesse de monter en épingle la soi-disant « crise migratoire » fabriquée de toutes pièces pour livrer des boucs émissaires à la populace « privée d'emplois », au bénéfice de l'extrême droite qui colporte n'importe quel délire rivalitaire à ce sujet, alors que la véritable crise est vécue par les exilés qui ont quitté la mort dans l'âme des pays devenus invivables (ce que nous ferions comme eux dans une situation comparable) et qui souvent trouvent la mort au passage non seulement en mer, mais encore davantage dans la traversée du désert ou les camps libyens, où sont détenus et torturés plusieurs milliers de migrants en état de malnutrition extrême.

Nos mentalités sont dominées par l'emprise idéologique des entreprises financières et industrielles transnationales. Ceux qu'elles emploient à l'étranger sont les « expatriés » partis noblement répandre notre type d'économie et de rapports sociaux de par le monde, voire « aider au développement » de pays prétendument attardés, tandis que les victimes de l'avidité de ces mêmes transnationales, des déstructurations sociales et des conflits armés dont elles sont à l'origine, qui tentent simplement de sauver leur peau après des odyssées infernales, sont reçus en quasi délinquants, en suspects, en ennemis.

Il se répète que la France ne pourrait pas faire face à un soi-disant afflux massif d'immigrés, même si les responsabilités de nos gouvernements successifs sont des plus criantes dans la genèse des causes qui contraignent des citoyens du monde à l'exode. Nous accueillons un nombre ridiculement bas de ces réfugiés. En septembre 2015 arrivent les 53 premiers réfugiés syriens et irakiens venant d'Allemagne… alors que la guerre en Syrie a commencé en 2011 !

Petit rappel : en août 1914 plusieurs centaines de milliers de personnes fuient précipitamment la Belgique et le Nord de la France devant l'armée allemande. En 1940 s'enfuient de Belgique, du Nord, du Pas-de-Calais, de Hollande, du Luxembourg, puis de l'Ile-de-France et du Centre 8 à 10 millions de personnes en quelques semaines vers le Sud de la France.

En 1939, 20.000 ouvriers indochinois sont recrutés de force et envoyés développer la riziculture en Camargue. En 1954, 5.000 Français d'Indochine sont rapatriés. Entre 1962-65, 1 million de Français d'Algérie débarquent en France. En 1938, 500.000 républicains espagnols fuyant la guerre civile sont dirigés dans des camps...

Depuis les années 2000, la population française croît de 300.000 personnes en moyenne/an, dont 30 % du fait de l'immigration. Soit 90.000 personnes sur 67 millions d'habitants. De quelle « invasion » parle-t-on ?

L'immigration fut recherchée par les pouvoirs publics lors de la révolution industrielle, puis pour reconstruire le pays après les deux guerres mondiales. L’État français délègue d'ailleurs en grande partie entre 1924 et 1970 la gestion des migrants aux organisations patronales. Mais désormais la main d'œuvre devient superflue, et l'humanisme n'est plus à la mode en haut lieu ! Cependant aucun contrôle n'est effectué sur les chantiers du BTP par ex. qui emploient les « sans-papiers » générés par les persécutions administratives.

Regarder l'autre crever et lui enfoncer la tête dans la boue, en prétendant l'aider, c'est la nouvelle morale politique.

Gdalia Roulin, le 15 janvier 2018.

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