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Billet de blog 28 mai 2016

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Marché sécuritaire

M. le Maire veut faire installer des caméras de surveillance dans « sa » ville de 8112 habitants où sévissent quelques associations et l'expression de dissidences politiques. Nous n'avons pas vocation à être surveillés comme d'éternels présumés coupables, et comme si une éventuelle infraction à venir réduisait à l'insignifiance le respect de nos vies privées et la convivialité des espaces publics.

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MM. Sarkozy et Hortefeux en 2007 et à leur suite MM. Hollande et Valls ont fait de l'expansion de la vidéosurveillance un axe prioritaire de la lutte contre la délinquance. Mission est donnée aux préfets de « sensibiliser les maîtres d'ouvrages potentiels en particulier les communes », et 60 % des crédits du Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance sont ponctionnés pour subventionner ces installations.

Ceci dans la ligne de l'UE, qui dès 2013 investit des milliards dans 195 programmes de recherches sur des procédés intrusifs de contrôle allant de la biométrie, des caméras dites « intelligentes » analysant nos moindres réactions, aux appareils capables de nous écouter à distance à travers les murs, ou de transformer un portable même fermé et privé de ses piles en micro captant les conversations, jusqu'aux puçages nanos qui pourront modifier nos comportements et changer nos séquençages ADN. Le changement, c'est maintenant !

La vidéosurveillance est avant tout une industrie qui cherche à développer ses affaires. Cependant les dépenses et profits liés à la « sécurité » sont très difficilement quantifiables. En effet ce marché qui brasse des centaines de milliards comporte différents secteurs et débouchés publics et privés, et les commentateurs ne précisent pas toujours de quoi ils parlent, s'il s'agit du total des équipements, de ceux dits privés, dont les commerces qui nous filment abondamment, des installations du secteur public, ou uniquement sur les voies publiques, etc.

En mai 2013 d'après le cabinet de conseil en stratégie Frost et Sullivan, le marché mondial de la sécurité vaut 140 milliards $ (106 milliards €). L'OCDE avançait le chiffre de 100 à 120 milliards $ (82 à 99 milliards €) dès 2004. « En toute sécurité », publication bimensuelle qui analyse depuis 1988 les données du secteur, l'estime à 274 milliards € en 2003. La différence ? « Nous prenons en compte l'ensemble de la chaîne : vidéosurveillance, gardiennage, alarme, contrôle d'accès, anti-incendie, serrurerie, transports de fonds, etc » explique le fondateur de la revue.

Concernant les caméras de surveillance le prix varie selon les qualités et performances du matériel, les aménagements envisagés ou non, et les aléas des diverses charges de maintenance et de fonctionnement. En France la Cour des Comptes en 2011 estime le coût moyen pondéré d'une caméra de voie publique à 36.600 €. Coût global moyen que le chercheur Tanguy Le Goff estimait à 20.000 €. S'équiper en vidéosurveillance endette lourdement les communes malgré les subventions (à hauteur de 44 % en moyenne), et les frais de fonctionnement sont ruineux.

Pourtant de nombreux rapports à l'étranger, une quarantaine, montrent dès avant 2007 une incidence à peu près nulle de la vidéosurveillance dans la lutte contre la délinquance, y compris sur les taux d'élucidation, sauf peut-être dans des endroits clos. Scotland Yard en 2008 conclut à un fiasco total, après un constat voisin en 2005 du Département de la Justice aux USA. Le rapport commandé par le Ministère de l'Intérieur français à ses services en 2008 est bidonné de notoriété publique, critiqué par les universitaires et par M. Bauer lui-même quant à ses méthodes fantaisistes et ses contradictions, critiques reprises par la Cour des Comptes.

La seule efficacité de la vidéosurveillance réside dans le sentiment illusoire d'être protégé qu'elle procure, et qui rapporte des électeurs. Comme s'il était évident que nous étions tous des malfaiteurs retenus uniquement par la crainte de l'œil qui nous traque ! Comme si une caméra allait défendre qui que ce soit d'une agression, et remplacer des relations sociales satisfaisantes et apaisées.

Ce gouvernement qui décide contre la volonté d'une énorme majorité de Français le passage en force d'une loi scélérate, à l'encontre le Parlement à qui il impose le chantage au 49-3 une fois de plus, qui utilise la brutalité contre des manifestants à l'origine pacifiques, ce vendeur d'armes et de « savoir-faire » aux pires dictatures de la planète, qui dépense l'argent public pour surveiller de tous côtés tout un chacun, utilise la technique au bénéfice d'un pouvoir centralisé absolu. L'humain pour lui est superflu. Sa politique pousse les classes laborieuses vers une précarité de plus en plus insupportable et il veut mater les mouvements sociaux qui ne manquent pas de se déclarer. Dans les grandes villes les manifestants sont noyés de lacrymos, visés à la tête, blessés, calomniés et criminalisés, traduits en justice comme Manon à Amiens menacée de 5 ans de prison ou à l'instar des Goodyear et autres défenseurs des droits ouvriers. La fable que les puissants veulent notre bien vole en éclats. Et les caméras sur les voies publiques, quelle que soit la taille de la ville, serviront à contrôler les opposants.

Qui veut de ce monde concentrationnaire où nous mènent les techniques de multinationales héritières des pires industries militaires, spécialisées en armements et dans la destruction du vivant (gazages en tous genres etc), qui nous expliquent que si nous sommes cernés tels vaches, porcs ou volailles coincés dans une stalle bétonnée pour produire à outrance, c'est pour notre bien ? La philosophie qui sous-tend ces pratiques chosifie les êtres, regardés mécaniquement comme des coupables présumés, et dans le meilleur des cas comme des « ressources » : les directions du personnel ne sont-elles pas devenues directions des « ressources humaines » ? Cependant M. Cahuzac et Consorts échapperont aux contrôles réservés à « la populace »… Ces procédés rassemblent les instruments de domination aux mains du petit nombre de ploutocrates qui gouvernent le monde. L'argent public finance, très cher, les outils de notre soumission.

La société humaine devrait se baser sur d'autres principes, le premier d'entre eux étant le respect de la vie. Plutôt que d'avoir trop souvent affaire à des robots relayant une pensée formatée, nous inscrivant dans un cadre préétabli d'autorité, nous pourrions développer des relations humaines conviviales, les échanges, le partage, l'élaboration démocratique, la liberté, l'égalité et le bien-être pour tous. C'est une question de volonté collective.

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