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Billet de blog 12 février 2018

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Association Liberté Pour Antonin: les prisonniers peuvent-ils parler ?

Depuis la parution du texte d’Antonin Bernanos le 29 janvier dernier dans les colonnes de Lundi Matin, «une sévère répression pénitentiaire s’abat sur lui, celle qu’il dénonçait exactement dans ses écrits. La prison qui vit en vase clos, hors de la vue de la société».

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Antonin Bernanos est incarcéré à Fleury Mérogis depuis cette brutale arrestation le 5 décembre 2017 à son domicile familial.

Après qu’un premier texte d’un collectif de prisonniers de Fleury ait été publié sur les réseaux et StreetPress quelques jours auparavant lundi 29 janvier 2018, un texte d’Antonin était publié sur le site de « Lundi Matin ». Il y dénonce les conditions de détention des prisonniers à Fleury,  en pleine grève nationale des surveillants pour des revendications sécuritaires injustifiées, et les répressions qui s’abattent sur les prisonniers qui tentent de s’organiser pour défendre leurs droits.

Depuis, comme si les prisonniers n’avaient pas le droit de parler, comme s’ils devaient totalement réduits au silence et démunis de leur capacité à s’exprimer publiquement et à dénoncer les conditions qu’ils subissent, Antoni subit des mesures de rétorsion arbitraires et violentes de la part de l’administration carcérale.

  • Lundi 29 janvier 2018 après midi, alors qu’Antonin venait de rencontrer son avocate, et qu’il était amené à un rendez-vous avec sa conseillère Prévention et Insertion, une fouille sévère et violente a été effectuée dans sa cellule mise à sac par une brigade d’agents spécialisée sur la surveillance en prison.
  • Des écrits d’Antonin ont été confisqués, des livres également, suspectés de pouvoir contenir une cache pour un téléphone ; des comprimés de vitamine D seraient pris pour de la drogue ; des câbles dénudés font également partie de la liste des objets suspects trouvés dans cette cellule.
  • Un téléphone aurait été trouvé dans sa cellule. Antonin n’a pas encore été entendu dans le cadre de l’enquête qui doit être diligentée après un tel incident. Aucune commission disciplinaire ne s’est réunie pour émettre des sanctions à son encontre.
  • Et pourtant depuis cet incident, des mesures restrictives sont prises à son encontre dans l’arbitraire le plus total : Antonin n’a pas eu accès à la salle d’étude, droit qui lui avait été donné par le service scolarité 6 demi-journées par semaine ; lundi 5 février 2018 il a pu avoir son premier cours avec ses professeurs de Nanterre qui se déplace bénévolement pour l’enseigner. Mais aucun autre droit ne lui est accordé.
  • Plus grave encore: mercredi 30 janvier 2018 la conseillère Prévention et Insertion l’a informé qu’un dossier de transfert en centre de détention était préparé par l’administration carcérale, alors même que son avocate vient d’obtenir une date pour une audience devant le Juge d’Application des Peines le 28 mars 2018, permettant de défendre une demande de liberté conditionnelle sous bracelet électronique. Une demande de transfert peut bloquer une demande de liberté conditionnelle.
  • Un transfert en centre de détention signifie qu’il y fera toute sa peine sans aucune possibilité d’aménagement, mais aussi qu’il sera encore plus isolé, avec moins de visites encore autorisées pour la famille et les proches, plus aucune possibilité pour les professeurs de Nanterre de lui délivrer leur enseignement et de l’accompagner sur son projet de master.
  • Ses courriers n’arrivent plus, les courriers avocats ouverts alors qu’ils sont normalement protégés.
  • Ses droits de visite sont limités ou retardés : seuls ses parents et son frère ont été autorisés à lui rendre visite depuis le 2 janvier 2018. Sa compagne a dû refaire par 3 fois sa demande de permis de visite depuis le 5 décembre 2017 (dossier incomplet, dossier perdu par la Poste etc), pour un premier parloir autorisé enfin le mardi 6 février dernier. Ses amis qui font des demandes de permis de visite sont soumis à des enquêtes de moralité demandées par le Préfet, avec à la clé soit un refus soit une convocation au commissariat. D’autres permis, émanant d’universitaires, sont en attente sur le bureau de la directrice de Fleury Mérogis depuis un mois et demi.

Depuis la parution du texte d’Antonin, une sévère répression pénitentiaire s’abat sur lui, celle qu’il dénonçait exactement dans ses écrits. La prison qui vit en vase clos, hors de la vue de la société. Elle organise le silence des voix de celles et ceux qui pourraient lui contester le monopole de la construction du récit de ce qui se passe à l’intérieur de ses murs et réprime sévèrement celles et ceux qui osent briser cette injonction. Elle applique à Antonin des mesures de rétorsions et des sanctions brutales.

Antonin connait déjà ses méthodes iniques et implacables utilisées contre lui par les renseignements généraux et la police pendant l’enquête et par l’institution judiciaire de l’instruction jusqu’au procès, réitérées lors de son arrestation brutale le 5 décembre 2017 : on écrits des récits, on invente des preuves et on barre toutes  les démarches engagées pour le maintenir en liberté.  Cet acharnement va jusqu’à organiser soudain son transfert en centre de détention afin de nuire à la possibilité donnée aux condamnés d’user du droit d’obtenir un aménagement de peine et le contraindre à effectuer toute sa peine !

Nous ne connaissons pas encore les suites qui seront données à cette affaire, mais il est important de soutenir Antonin qui continue son combat en prison et de dénoncer ses conditions de détention. S’il est physiquement derrière les murs de la prison, s’il est physiquement privé de toute liberté, sa pensée, ses luttes ne pourront jamais être enfermées. Parce qu’il a écrit un texte publié hors des murs de la prison, parce qu’il y dénonce ce que vivent des milliers de prisonniers autour de lui, les pressions sont quotidiennes sur sa vie et les sanctions qui s’annoncent vraisemblablement contre lui, peuvent être lourdes de conséquences sur ses possibilités de libération, même en conditionnelle.

Les méthodes illégales et illégitimes des institutions d’Etat qui ont permis d’enfermer Antonin et qui entendent encore le punir d’avantage, le faire souffrir d’avantage maintenant qu’il est  derrière les barreaux, ne feront pas taire sa parole et sa pensée et ne pourront que le renforcer dans ses luttes, et nous confirmer, s’il le fallait encore, qu’il est temps de se lever et dénoncer avec lui les violences et les répressions politiques qui sont infligées à tous ceux qui osent contester les tenants du pouvoir.

Liberté pour Antonin ! Tous ensembles contre la prison !

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