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Déjà en 2016, Trump avait fait produire Eau de litige dont le nom se passe de commentaire. Il fallait donner corps à la bataille que les électeurs et électrices devaient mener avec courage et confiance à l’époque. Le mégalomane Elon Musk dont le nom ne signifie rien d’autre qu’une matière première animale très odorante, sécrétée par la glande préputiale abdominale des chevrotains porte-musc mâle d’Asie de l’Est, en avait fait aussi la matière première d’un fameux parfum, Burnt Hair (cheveux brûlés) en 2022. À l’époque, Musk se dépêtrait de ses déboires avec ses fusées, suggère l’écrivain Christian Salmon tentant l’exégèse de cette curieuse appellation. Burnt Hair avait fait sonner abondamment le tiroir-caisse de Musk en millions de dollars.
Faut-il, pour autant, en faire une géographie ? Après tout, ces molécules gazeuses issues de minéraux ou composés inertes comme le soufre, le fer, le silex, le pétrole... sont aussi le produit de la vie végétale et animale. Réparties inégalement comme les plantes odoriférantes adaptées au climat, sollicitées par les insectes pollinisateurs, elles racontent aussi une biogéographie qui a impacté la vie humaine. Dans les sociétés, le nez dévoile des parfums qui définissent aussi les vins et leurs cépages. Du reste, le toponyme "Cologne" dans le parfum trumpiste renvoie à l'histoire d'un parfumeur italien installé à Cologne dans le Saint-Empire allemand, qui produisit en 1708 une "eau admirable" appréciée pour sa fraîcheur, qui fut bientôt copiée et dont les multiples procès ont assuré la... notoriété.
Aujourd'hui, dans les pays du Nord, l’époque n’est plus aux arômes forts décrits par Süskind dans Le Parfum. On n’aime pas toujours les «odeurs», à effacer justement avec des parfums ou des déodorants. Du coup, que Trump joue au provocateur avec Victory et Musk avec ce qu’il décrit comme «le meilleur parfum sur terre», tout cela participe d’une transgression qui n’est pas neutre. Salmon cite John Galliano qui avait lancé un parfum à son nom, recherchant l’odeur d’une femme qui l’obsédait. «Quelle essence ineffable voulait incarner l’ancienne ministre de la justice du gouvernement Netanyahou, Ayelet Shaked, égérie de l’extrême-droite lorsqu’elle a posté un clip dans lequel elle associait son programme politique à un parfum ?
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Usant de tous les codes de la publicité pour cosmétiques, la jeune ministre se mettait en scène comme un mannequin de mode descendant un escalier luxueux au son romantique d’un piano, alors qu’une voix off déclinait les principaux points de sa réforme judiciaire, qui lui valut l’accusation de fasciste par ses opposants de gauche.» Lorsque la vidéo est sur le point de s’achever, la ministre vaporisait le parfum sur son visage en dévoilant son nom inscrit sur le flacon : Fascisme ! En poursuivant sur le ton de la provocation : «Pour moi, il a la même odeur que Démocratie».
En attendant une géopolitique des parfums, les géographes s’en tiendront à l’odeur des lieux qu’Alain Corbin a déjà esquissée en tant qu’historien. Quand les odeurs de lavande s’invitent en Provence, les fragrances iodées en Bretagne, et dans les villes, le relent de pain chaud des boulangeries, l’œuf pourri dans certaines stations du métro plantées dans une couche géologique soufrée, l’encens à Notre-Dame de Paris et le cuir chez Méphisto, il y a de quoi cartographier les ambiances olfactives que ne manquent pas de rappeler les promoteurs du tourisme... ou ceux qui le dénigrent. La sphère marchande s’appuie sur l’hygiénisme ambiant pour promouvoir des senteurs artificielles, portées individuellement après avoir nettoyé les corps à coup de déodorants. Le capitalisme s’empare des arômes comme déjà dans l’Antiquité gréco-romaine on cherchait les épices et les parfums pour leur pouvoir d’évocation.
Quand les industriels produisent des fragrances à coup de molécules synthétiques, que ces industries dites «du luxe» s’emparent des territoires de l’intime comme ceux des espaces publics, alors tout est possible pour les imposteurs comme Trump, Musk ou Shaked : bâtir avec la pensée magique une correspondance entre le combat politique et les odeurs des fauves luttant pour leur survie. Avec une marchandise trompeuse puisque cette bataille de boules puantes politiques se fait avec des notes, pour le parfum Victory Cologne, presque toutes végétales : concombre, basilic, menthe, agrume, cèdre, vétiver... Méthode classique des extrêmes-droites.
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