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Manouk BORZAKIAN (Neuchâtel, Suisse), Gilles FUMEY (Sorbonne Univ./CNRS). Renaud DUTERME (Arlon, Belgique), Nashidil ROUIAI (U. Bordeaux), Marie DOUGNAC (U. La Rochelle)

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Billet de blog 6 avril 2025

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L'enfer des terrasses en ville

Paris comme toutes les villes au printemps. Premiers feux du soleil, températures d’été, rush sur les terrasses, ces espaces privatisés sur la voie publique. Les citadins qui pestaient contre la grisaille et la pluie retrouvent le sourire. Mais pas tous. Les riverains se mobilisent pour avoir le droit de dormir. (Gilles Fumey)

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Illustration 1
La rue Paradis à Paris colonisée par les bars © Droit au sommeil

A Paris, elles sont près de 23 000 pérennes ou provisoires (l’été) et leur surface couverte a augmenté de 60% en trois ans entre 2020 et 2023. Depuis quelques jours, on pose les dernières planches, les terrasses estivales sont en chantier comme l’a proposé la Ville de Paris en 2020 pour aider les restaurateurs lorsque les mobilités avaient été autorisées au milieu du printemps. Désormais, singeant les villes méditerranéennes, Paris possède depuis cinq ans ses cafés sur les places et dans les rues, comme à Rome,  depuis l’époque romaine où la conquête de l’espace public n’a pas été sans bataille au 1er siècle ap. J.-C.[1] Mais rien n’est simple. Après les poussettes, les trottinettes, les vélos, les livreurs et, bientôt, les plantes promises par la végétalisation, marcher sur les trottoirs relève, pour certains, du combat.

Pour les terrasses, ne soyons donc pas étonnés du conflit qui surgit entre les propriétaires des bars et les restaurateurs sur l’usage et le partage de l’espace. Depuis le premier aménagement en 1781 rue de l’Odéon à Paris, le commerce trouvait sa place dans l’espace public. Aguicher le passant, le commerçant en rêve et pour cela, il déploie des trésors de séduction dans les vitrines qui s’éclairent avec le gaz. Le restaurateur retient le chaland par des tables avenantes, les couverts déjà posés pour éviter à ceux qui rêvaient de s’asseoir juste pour un café.

Selon Terrasses Paris sur X, elles sont 350 à s’être déployées alors que la Ville prétend n’avoir donné que 83 autorisations. Certains patrons avaient vu leur demande refusée parce que les nuisances étaient trop fortes la saison précédente. En effet, les terrasses estivales devant fermer à 22h, bon nombre rallongeaient un peu le temps, se souvenant que pendant les Jeux olympiques, la permission de fermer à minuit avait été accordée.  Les fédérations espèrent couper la poire en deux cette année et fermer à 23 heures.

Cela dit, la police municipale s’est engagée à surveiller et intervenir lorsque des riverains le demanderont. Avec une première action qui est « pédagogique ».  Mais que les cafés-restaurants de Paris Centre et du 9e arrondissement se sachent plus surveillés que les autres, du fait de la configuration des rues plus étroites où le bruit résonne plus. Cela étant, que faire rue des Lombards où les terrasses permanentes peuvent engendrer jusqu’à 75 décibels jusqu’à 2 heures du matin ?

La rue du Paradis devenue un enfer ?

Cela dit, les riverains montent au créneau. L’association Droit au sommeil dénonce la transformation de rues où les artisans ont disparu au profit des débits de boisson licence 4, souvent alignés les uns à côté des autres (ce qui est pourtant interdit), notamment dans la rue du Paradis. Est-ce que la gestion par les maires d’arrondissement va changer grand-chose ? Pas sûr. Mais certains efforts sont réels : en cloutant le périmètre au sol, si le restaurateur déborde, comme ce fut le cas en 2023 pour 1027 dispositifs, il y aura sanction.

Illustration 2
A qui appartient l'espace public ? © Mairie de Paris

Comment faire la part des choses entre la santé publique et la vie urbaine ? Fanny Mietlicki, directrice de BruitParif tient à souligner le rôle du bruit « sur la santé. Les bruits peuvent perturber le sommeil dont on sait qu’il est essentiel pour le maintien du niveau de santé. Pour la population, on peut objectiver les situations problématiques et alerter sur les risques associés. Certaines personnes sont gênées mais n’ont pas forcément conscience des impacts que le bruit peut avoir sur leur santé, en particulier du fait des perturbations du sommeil ».

Pour l’urbaniste Isabelle Baraud-Serfaty (Sciences Po), l’extension des terrasses estivales ne va pas dans le bon sens. On assiste à une « méditerranéisation » du trottoir, également du fait du réchauffement climatique, qui nous fait sortir. S’y joue ainsi une concurrence d’usages, et, à Paris, la voiture perdant du terrain, la libération de l’espace profite aux restaurateurs. Ce qui n’est pas sans s’opposer à la figure du riverain qui défend sa tranquillité. »

La piétonnisation et végétalisation de 500 nouvelles rues à Paris va poser de nouvelles questions. Quelles sont les visions politiques et stratégique des trottoirs qui ne sont pas seulement des espaces publics et privés. On ne peut pas les aborder comme des espaces uniques !

[1] Isabelle Baraud-Serfaty, Trottoirs ! Une approche économique, historique et flâneuse, Éditions Apogée, 2023.

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