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Manouk BORZAKIAN (Neuchâtel, Suisse), Gilles FUMEY (Sorbonne Univ./CNRS). Renaud DUTERME (Arlon, Belgique), Nashidil ROUIAI (U. Bordeaux), Marie DOUGNAC (U. La Rochelle)

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Billet de blog 11 septembre 2025

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Comment les automobiles saccagent le monde

Ceux qui ont connu l’impressionnant salon automobile de Genève aujourd’hui disparu se disent qu'on a changé d’époque. Mais pas tout à fait, car ils sont nombreux à faire de la résistance à la désacralisation de l’auto. Comme au Salon de Munich (septembre 2025) où les Allemands se battent encore pour la bagnole. (Gilles Fumey)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
L'actuel musée du Louvre (cour) en 1965 © www.unjourdeplusaparis.com

Pendant que les Allemands ruent actuellement dans les brancards à Bruxelles pour stopper la marche en avant vers la voiture électrique voulue par la Commission, avec l’interdiction de vendre des voitures thermiques à partir de 2035, c’est un philosophe de l’écologie autrichien né en 1990, Kilian Jörg, qui publie plus qu’un «livre noir» sur l’automobile : une analyse implacable sur notre relation toxique à la bagnole.

Au diable le patriarcat et ses mannequins

Voici donc une bagnole honnie des jeunes classes citadines qui ont pris conscience qu’elle a été l’un des principaux agents de destruction de la vie sur Terre, qu’elle tue chaque année un million d’êtres humains. Et pourtant, les publicités intrusives nous en vantent le «confort», la «rapidité», la «praticité», «l’élégance». Elles sont tout juste débarrassées de ces mannequins dont les pubards instrumentalisaient la pose sur des capots étincelants. Et du fond des campagnes et du péri-urbain, on entend déjà l’armée des résidents piégés par leur géographie qui dissocie leurs lieux de travail de leur domicile lui-même éloigné des zones commerciales, triangle infernal au milieu duquel trône la bagnole.

Lutter

Illustration 2

Kilian Jörg a été, comme beaucoup de petits garçons, à quatre pattes sur la moquette à jouer de la voiturette avant de réaliser plus tard que la route était le lieu d’une bataille sans merci au principal bénéfice des automobiles. Pour constater que les occupations d’autoroutes, de ronds-points en même temps que les élus locaux tentent de freiner la thrombose qui menace de mort leur ville. Le collectif «La déroute des routes» en France a coalisé plus de soixante luttes locales contre l’extension du réseau urbain, jusqu’à sensibiliser un quart des parlementaires français conscients, eux, qu’il n’y a aucune raison de multiplier les infrastructures alors que la croissance démographique ou économique est en berne. En Allemagne, le réseau «Pour un Berlin sans voiture» qui demande de diviser par cinq le trafic routier au sein du Ring parvient à faire tache d’huile dans plus de cinquante villes allemandes.

La démonstration de Jörg est implacable. Oui, la voiture est moteur de l’homogénéité des modes de vie humains sur la planète (urbanisation, consommation de masse…). Oui, la voiture doit beaucoup pour ses conceptions aux tanks utilisés pendant les guerres (donnant raison à Héraclite pour qui «la guerre est à l’origine de toutes choses».) Oui, elle «nivelle» le monde et le détruit (les routes, vecteurs de la déforestation tropicale). Oui, avec la complicité des Etats qui ont été noyautés par des lobbies (voir plus bas la photo des trams neufs dont les réseaux ont détruit à New York pour laisser prospérer les autos). Oui, les bagnoles ont tué sur les routes depuis les années soixante plus que les deux guerres mondiales réunies. Oui, elles colonisent l’espace public (en Allemagne, plus de 840 millions de kilomètres carrés sont dévolus au stationnement automobile). Oui, elles représentent «l’héritage matériel du fascisme» (en Allemagne, particulièrement) mais aussi le capitalisme consumériste. Oui, elles ont dévoyé l’esprit de liberté des Etats-Uniens en instituant une mode de vie qui est la liberté de brûler des combustibles fossiles. Oui, elles instillent un «microfascisme en chacun d’entre nous» non sans rapport avec une masculinité, un patriarcat «toxique» qui conduit à une pulsion destructrice dont le livre de J.G.Ballard, Crash (1973) donne une bonne idée.

Illustration 3
Le scandale des trams américains © Wikicommons

L’institut Momentum a scénarisé dans une étude commandée par la SNCF ce que pourrait être l’Ile-de-France en 2050 où la moitié de la population aurait disparu et où une grande partie se consacrerait à une nouvelle prospérité régionale post-fossile. La société et les appareils administratifs seraient «décomplexifiés». Kim Stanley Robinson, auteur de science-fiction, publie en 2020 Le ministère du futur pour montrer comment la communauté internationale évite avant 2100 le péril d’une désastreuse autodestruction. Quand on sait que ce livre est l’un des préférés de Barak Obama… 

Avec Beyoncé comme Baudrillard, le sérieux Descola tout comme le déjanté Batman, avec de la culture pop, la masculinité fasciste, le poison du béton et du pétrole, les parcs nationaux, les manifs militantes, Kilian Jörg nous emmène vers un horizon radieux sans bagnoles. 

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Sur le blog

«Highway to Hell» (Manouk Borzakian)

«Le vrai coût des bagnoles» (Gilles Fumey)

«Faut-il toujours entraver les routes?» (Gilles Fumey)

«Des villes sans voitures?» (Manouk Borzakian)

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