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Le colonialisme se dévoile dans toute sa violence et sa laideur dans un texte glaçant qui revient à la surface. Le Passager clandestin publie en poche le Rapport Brazza (384 pages), dix ans après sa première édition. L’enquête est menée par Pierre Savorgnan de Brazza (1852-1905), un explorateur, ancien commissaire général du Congo français sur la mort d’un prisonnier «indigène» tué par un fonctionnaire colonial. Pas n’importe comment : avec une cartouche de dynamite.
Ce rapport qui datait de 1905 avait été découvert par l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch dans les années 1960. Et l’auteur du rapport, Brazza, était vu comme un héros de la colonisation. Brazza est choisi par Paris pour montrer que les exactions restent rares, et ne sauraient refléter ce qu’est la colonisation française à l’époque vantée comme bienveillante, dont on avait tendance à confondre les méthodes avec celles en vigueur sur la rive gauche du Congo dominée par la Belgique. Hypocrisie !
Le rapport montre les horreurs d’une violence systémique qui est le fait des fonctionnaires d’État français mais aussi des ingénieurs des sociétés privées qui ont obtenu des concessions publiques du ministère des colonies. Horreurs ? Comprenez les prises d’otages que pratique deux administrateurs, Culard et Marsault, pour contraindre les populations à payer l’impôt. Un exemple : en 1904, à Bangui, 45 femmes sont enfermées dans une case de 6 mètres de long. Brazza découvre les malheureuses mourant de faim, faute d’avoir pu obliger leurs maris à verser une partie de leur récolte de caoutchouc tiré des hévéas. Heureusement, dans d’autres villages comme à Krébedjé dans les environs de Fort Sibut où sévissent les mêmes exactions, 119 femmes et fillettes ont pu être relâchées sur ordre de Brazza.
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L’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch raconte que Brazza meurt sur le voyage du retour en septembre 1905, lors une étape à Dakar. Comme il n’a pas eu le temps de rédiger son rapport, c’est une commission de fonctionnaires qui reprend les notes, les rédige sans cacher les violences qu’elles décrivent. Le rapport est enterré pour éviter le scandale alors que l’Assemblée nationale et les médias en réclament la teneur. Déjà des écrivains avaient dénoncé ces violences comme André Gide dans Voyage au Congo, publié en 1927 et Louis-Ferdinand Céline dans Voyage au bout de la nuit, paru deux ans plus tard.
Ressources pillées, population asservie, exactions militaires, tout est là pour dénoncer ce qui sera un secret d’Etat. L’historienne spécialiste de l’Afrique subsaharienne qui travaille sur l’impérialisme et le capitalisme colonial dénonce le déni de ce qu’elle n’hésite pas à nommer des «crimes contre l’humanité». Exhumé des archives nationales d’outre-mer en 1966, ce rapport est à charge contre un colonialisme qu’il faut regarder en face.
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