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Billet de blog 13 août 2025

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Gaza : la faim pour conquérir un territoire

Affamer un peuple comme modalité de conquête territoriale ? C’est la politique assumée dans le mensonge par le premier ministre israélien tuant à petit feu un peuple entier payant pour les attentats du 7-Octobre. (Gilles Fumey)

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Illustration 1
© Amnesty international

On croyait depuis les camps d’extermination nazis que la famine comme arme de guerre serait tellement mise au ban de la barbarie et qu’on n’en userait plus. Les terribles témoignages venus des camps en 1945 et l’analyse percutante d’Olivier Assouly dans L’organisation criminelle de la faim (Actes Sud, 2013) ont montré combien ces morts lentes sont parmi les pires châtiments humains et que les utiliser aujourd’hui à Gaza alors qu’une aide humanitaire est disponible constitue l’un des crimes les plus absolus contre des civils.

En 1945, Himmler songeait à optimiser les performances des déportés en les gratifiant d’une nourriture plus «saine». Les médecins nazis calculaient scientifiquement la résistance physique des détenus, distribuaient des rations alimentaires en évoquant un «ordre biologique supérieur» permettant de transformer les victimes en «sous-hommes» à exploiter sans vergogne avant de les réduire à des «déchets organiques». Ces pratiques rejoignaient des modes de fonctionnement militaires dans les guerres du 18e siècle où déjà certaines populations avaient été déportées dans des ateliers pour y travailler.

Aujourd’hui, à Gaza, la famine touche, selon ONU Femmes un million de femmes et de filles confrontées, en outre, à la violence et aux abus.  «Les femmes et les filles à Gaza sont confrontées à un choix impossible: mourir de faim dans leurs abris ou s’aventurer à l’extérieur à la recherche de nourriture et d’eau, au risque extrême d’être tuées. Leurs enfants meurent de faim sous leurs yeux. C’est horrible, inadmissible et inacceptable. C’est inhumain», déclare Sima Bahous, directrice exécutive d’ONU Femmes. Plus de 28.000 femmes et filles sont mortes, la plupart d’entre elles étant des mères qui ont laissé derrière elles des enfants et des personnes âgées sans protection ni personne pour s’occuper d’eux.

La destruction méthodique d’un territoire

Plus globalement, depuis des décennies, pour Morgan Ody de Via Campesina, la colonisation israélienne cible toutes les bases de la souveraineté: expulsion des terres, arrachage des oliviers, barrage pour les accès à la mer, ciblage des infrastructures agricoles et piscicoles pour détruire la relation nourricière entre un peuple et son territoire. En mettant Gaza en état de siège depuis l’été 2024, en bloquant l’accès à l’eau, à l’électricité et à l’alimentation, en arrêtant aux postes-frontières les camions de ravitaillement, faisant pourrir l’aide alimentaire, en bombardant à plusieurs reprises des lieux de distribution d’aide alimentaire et les camions qui transportent de l’aide.

Les mesures prises par Israël le 10 août 2025, notamment les largages aériens autorisés (très coûteux, peu efficaces et dangereux) n’enrayeront pas la catastrophe humanitaire. Le PAM (programme alimentaire mondial) en est à compter les morts de malnutrition.

Ce mardi 12 août, The Eiders (des ex-personnalités internationales formant des Sages) ont annoncé un «génocide» en cours à Gaza. Pendant ce temps, la désinformation joue à plein: le ministère de la Défense israélien ose affirmer qu’il «n’y a aucun signe de phénomène de malnutrition généralisée». En usant d’une propagande qu’il dénonçait deux jours plus tôt, Netanyahou ne craint pas de mentir aux journalistes internationaux: «Les Gazaouis nous supplient (sic), ainsi que le monde entier, de nous libérer et de libérer Gaza du Hamas. Aucun gouvernement ne permettrait un gouvernement génocidaire à Gaza, et notre objectif n’est pas d’occuper Gaza, mais de la libérer des terroristes du Hamas.»

Pour Morgan Ody, ce terrible épisode nous renvoie à l’histoire faite de continuité dans la pratique des génocides, leur narratif minimisant les souffrances des populations. Il nous pousse à lire l’histoire du monde différemment: les Croisades et l’Inquisition, le génocide des peuples amérindiens par l’Europe et les États-Unis, la traite des Noirs, l’esclavage, la Shoah, tous génocides européens qui sont peu examinés comme tels. «Que 15 000 enfants palestiniens meurent à Gaza (bien sûr, ils n’ont pas été «tués»), cela n’est pas si grave. Pour elle, c’est le suprémacisme blanc qui saute aux yeux. Nous croyons en être sortis, nous nous réveillons enfoncés plus profondément que jamais, dans la nasse visqueuse.»

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Pour aller plus loin

Signons la pétition lancée par Pascal Maillard. 

Un excellent post d'Alain Marschal

L'aveu de Netanyahou sur ses crimes par E. Plenel

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Sur le blog

«À Gaza, futuricide en cours – Entretien avec Stéphanie Latte Abdallah» (Renaud Duterme)

«Le Haut-Karabakh pris dans la géopolitique mondiale» (Manouk Borzakian)

«Comprendre les génocides par la géographie» (Renaud Duterme)

«Bethléem, ville mondiale?» (Gilles Fumey)

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