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Billet de blog 17 février 2023

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Vortex : comment soigner son écoanxiété

Comment alerter les humains sur les mutations en cours ? Ceux qui ont vécu dans les années 1930 se posaient la même question devant l’apocalypse qui menaçait. Et rien ne se passa avant la déflagration de l’automne 1939. Nous ne sommes pas dans le même cas de figure, mais l’avenir n’est sans doute pas aussi radieux que le laisse penser l’insouciance des politiques. (Gilles Fumey)

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Illustration 1
« Vortex. Faire face à l’anthropocène », de Laurent Testot et Nathanaël Wallenhorst, Payot, 416 p., 24 €.

En effet, depuis 1972 et avec les travaux du GIEC, nous savons avec des scénarios variables ce qui nous menace. Beaucoup de politiques font l’autruche… Pourtant, il nous faut soigner notre écoanxiété. 

Le journaliste Laurent Testot et le chercheur Nathanaël Wallenhorst, auteurs plus que confirmés, publient un livre qui tranche avec ceux qu’on a habituellement entre les mains. Sa maquette et les couleurs dans le texte en font un objet qui tient l’attention, et met la pression sur ce qu’on peut retenir. Pour ceux qui n’auraient pas encore compris ce qu’est l’Anthropocène, tout est décortiqué en formules précises et coupantes comme la guillotine : « La science nous dit que… », « Vérifiez ! »

Présenté comme un carrefour entre sciences humaines et physiques, avec neuf limites planétaires à ne pas franchir (changement climatique, érosion de la biodiversité, changement d’utilisation des sols, eau douce, perturbation de cycles géochimiques, acidification des océans, augmentation des aérosols, appauvrissement de l’ozone, pollution chimique), la notion d’Anthropocène signifie que nous avons anthropisé la Terre de façon globale, nous l’avons altérée, que les processus sont systémiques et se renforcent, que la vie humaine va être plus compliquée voire compromise. Et qu’il faut passer du constat scientifique à l’action politique.

Craignant avoir figé l’image des temps par cette étiquette, les auteurs explorent le capitalocène et le plantationocène (« le temps long de l’injustice »), et font l’histoire du capitalisme et de son système prédateur. Ainsi, le système colonial de C. Colomb a entraîné une perte de population et de terres agricoles qui se sont reboisées. « L’histoire humaine et l’histoire géologique se rencontrent », Humboldt l’avait démontré au Venezuela en 1800 sur les rives du lac Valencia. Aujourd’hui, avec le « thermocène », la planète devient, pour les auteurs, une « bouilloire ».

Laurent Testot et Nathanaël Wallenhorst explorent les mécanismes d’ignorance et de déni, les forces de mort d’un Fritz Haber qui a  synthétisé l’ammoniac avec Carl Bosch et la lente dégradation de la santé de la planète dont le Covid-19 est l’un des jalons les plus récents. Le livre fourmille de synthèses, de mises au point  éclairantes conduisant au chapitre central sur l’apocalypse « tomorrow ».

Ne mégotons pas : de l’avis des auteurs, « du point de vue des sciences dures » les évolutions actuelles du climat sont « très graves ». Avec l’effet domino, les vagues de chaleur mortelles (55 degrés à Strasbourg en 2100), la Terre « inhabitable pour trois humains sur quatre d’ici 2100 », la décongélation de la Sibérie, des vagues d’eau à l’horizon et un « réchauffement responsable de vagues de froid », rien n’est oublié. De là, les auteurs posent la question de l’effondrement civilisationnel, l’obstination à rester dans la trajectoire du business as usual

Nous ne dévoilerons pas les pages passionnantes sur la santé de nos enfants, l’onde de choc du numérique (et l’usage du théorème du marteau). L’Anthropocène peut-il ne pas être subi ? Des idées convaincantes qui demandent un… certain courage politique pour encadrer les firmes, éduquer, refonder nos institutions, réguler le web, lutter contre les inégalités. Cinquante pages essentielles pour « passer des solutions systémiques au banc d'essai », telles une gouvernance mondiale environnementale planétaire, ou encore l'inscription dans nos constitutions de l'impératif de limiter le réchauffement actuel et de maintenir la biodiversité.

Devant une telle tâche démesurée, l’humanité « ne cessera jamais d’espérer ni d’agir ». En politisant, plus que jamais, l’Anthropocène.

Une alerte à envoyer d'urgence au locataire de l'Elysée qui s'étonne encore de ce qui arrive.

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Laurent Testot, Nathanaël Wallenhorst, Vortex. Faire face à l'Anthropocène, Payot, 2023.

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Sur le blog

« Pourquoi nous ne faisons rien quand la maison brûle » (Gilles Fumey)

« Chicago 1995, un avant-goût de l’avenir » (Renaud Duterme)

« COP26 – Frédéric Durand : "On peut parler d’un échec total" » (Manouk Borzakian)

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